dimanche 22 septembre 2013

Les leçons du serviteur habile

Lecture biblique : Luc 16.1-13

Cette parabole n'est pas politiquement correcte du tout ! Elle parle d'argent, de magouilles et donne en exemple un serviteur malhonnête !

C'est assez incroyable : Jésus prend comme exemple un serviteur qui fait mal son boulot et qui, au moment où il apprend qu'il va être viré, se débrouille avec les clients de son maître, par des petits arrangements, pour assurer ses arrières. Evidemment, Jésus ne dit pas qu'il faut agir comme ce serviteur. Il ne cautionne pas les magouilles !

Les paraboles sont des histoires inspirées de la vie quotidienne pour enseigner une vérité spirituelle. Ici comme dans d'autres paraboles, il y a une part de provocation de la part de Jésus, pour nous surprendre et nous interpeller. Il s'agit donc de comprendre le sens de la comparaison.

Finalement, qu'est-ce qu'elle nous dit, cette parabole ?
- Soyez malins pour le Seigneur !
- Faites de l'argent un serviteur et pas votre maître !
- Apprenez à discerner les vraies richesses !


Soyez malins pour le Seigneur !

Les « gens du monde » le sont bien pour de l'argent et pour leur sécurité matérielle... pourquoi pas les « enfants de lumière » pour le Royaume de Dieu ?

Jésus le dit, d'une façon un peu critique : « Les gens de ce monde sont plus habiles entre eux que ceux qui appartiennent à la lumière. » (v.8) Il y a même un peu de cynisme dans ces paroles de Jésus. Le serviteur de la parabole s'est montré malin pour assurer son propre avenir. Si seulement nous nous montrions aussi malins, aussi entreprenants, aussi inventifs pour le Royaume de Dieu...

Il faut bien-sûr comprendre malins dans le sens d'habiles, inventifs... Il n'y a aucune connotation négative. Jésus ne prétend pas que, pour le Royaume de Dieu, la fin justifie les moyens. Il y a eu, et il y a encore, trop de dérives, de manipulations au nom de l’Évangile. Et il faut s'en garder.

Mais il y a aussi parfois de la naïveté et un manque cruel d'inventivité dans les Églises, ou dans notre façon de travailler pour le Royaume de Dieu.

Il y a une parole de Jésus à ses disciples que je trouve très pertinente :

« Voici que moi, je vous envoie comme des brebis au milieu des loups ; soyez donc rusés comme les serpents et candides comme les colombes. »
Matthieu 10.16 
[TOB]

Ce sont deux attitudes qui peuvent paraître contradictoires : comment être à la fois rusé et candide, serpent et colombe ? Tout est une question de nuance et d'équilibre. Rusé, oui. Mais pas fourbe, malhonnête. Candide, oui. Mais pas naïf.

Prenons exemple sur le serviteur habile de la parabole qui a su s'adapter à une situation délicate pour la tourner à son avantage. Comment arrivons-nous à faire en sorte que nos contextes pas toujours propices à l’Évangile deviennent des occasions favorables pour le Royaume de Dieu ?


Faites de l'argent un serviteur et pas votre maître !

Comme cette parabole parle d'une histoire d'argent, Jésus en profite pour proposer un prolongement sur ce thème. Il l'aborde assez souvent d'ailleurs, les mises en garde contre les dangers liés aux richesses sont très présentes dans l'enseignement de Jésus.

On pourrait résumer l'idée principale ainsi : « Faites de l'argent un serviteur et pas votre maître ! »

Le problème, ce ne sont pas les richesses en elles-mêmes mais le rapport que nous entretenons avec elles. L'argent, ce n'est pas le mal ! Notre ennemi, ce n'est pas la finance ! Mais notre espérance, ce n'est pas non plus de travailler plus pour gagner plus !

En réalité, Jésus remet l'argent et les richesses à leur juste place. C'est un danger s'il devient comme un dieu. Mamon. Si c'est juste un moyen, où est le problème ? « Faites-vous des amis avec l'argent trompeur ! » Mais la question mérite d'être posée aujourd'hui, dans notre société occidentale.

Je sais bien qu'il faut être prévoyant, épargner un peu, penser à sa retraite... mais on vit quand même dans un monde gouverné par le fric ! Un monde où tout devient marchandise, les ouvriers, les enfants, les candidats de téléréalité... Tout le monde est jetable ! Un monde où les paradis fiscaux se portent à merveille, où la corruption persiste à tous les échelons. Un monde où un club de foot paye 100 millions d'euros pour transférer un joueur. Un monde où le fossé entre les quelques très riches et les plus pauvres ne cesse de s'accroître. Un monde où l'image de la réussite véhiculée par les médias est catastrophique : la célébrité, le fric, tout de suite !

Et nous vivons dans ce monde-là... En sommes-nous vraiment indemnes ? Quelle part les questions d'argent tiennent-elles dans vos préoccupations, vos envies, vos projets ?


Apprenez à discerner les vraies richesses

Mais au-delà de la mise en garde, il y a une exhortation positive. Celle qui concerne le Royaume de Dieu, l'accueil de Dieu pour toujours, les vraies richesses.

D'un côté, il y a l'argent trompeur. C'est ainsi que Jésus le qualifie. Il est trompeur parce qu'il procure une fausse sécurité à ceux qui le possèdent, et donne de fausses illusions à ceux qui n'en ont pas. L'argent n'est pas un bon maître. C'est un menteur. Un dieu qui asservit ceux qui le servent.
De l'autre côté, il y a les vraies richesses. Celles qui ne s'arrêtent pas avec notre vie ici-bas. C'est cela aussi qui fait de l'argent une « petite chose » par rapport à la « grande chose » du Royaume de Dieu. L'argent est une petite chose, parce qu'on ne l'emporte pas avec nous au jour où le Seigneur nous rappelle à lui. Alors que si on se préoccupe des vraies richesses, le Seigneur nous prendra avec lui « quand l'argent n'existera plus. » (v.9).

Finalement, l'argent, les richesses matérielles, un compte bancaire bien garni, une belle voiture, une belle maison, une assurance vie... ce sont des « petites choses » ! Des « petites choses » qui ont tendance à prendre une place considérable dans notre monde. Mais qui n'ont pas de valeur en soi dans le Royaume de Dieu.

La seule monnaie d'échange dans le Royaume de Dieu, c'est l'amour. La seule assurance vie, c'est la grâce. Notre seule épargne, l'espérance. Notre belle maison, c'est l’Église. Les biens que nous partageons, c'est le service, le pardon, la communion. Voilà les vraies richesses que personne ne peut nous dérober. Des richesses qui se multiplient si elle sont partagées !


Conclusion

Cette parabole n'est certes pas politiquement correcte... Elle veut nous étonner, voire nous déranger. Pour que nous nous interrogions sur notre façon de travailler pour le Royaume de Dieu. Y met-on toute notre habileté, notre inventivité ?

Elle permet aussi de pointer du doigt un sujet sensible, au temps de Jésus comme aujourd'hui : l'argent et les richesses. L’Évangile, une fois de plus, nous invite à un renversement radical des valeurs. Ce qui prend tellement de place dans notre monde doit être regardé comme de petites choses. Les vraies richesses sont ailleurs. Partageons-les, elles viennent directement du Dieu d'amour, ses ressources sont inépuisables !

dimanche 8 septembre 2013

L'Evangile, c'est le changement !

Lecture biblique : Philémon 1.8-21

La lettre à Philémon est un petit livre biblique passionnant. Une lettre envoyée par l'apôtre Paul à son ami Philémon, sans doute un homme assez riche, chez qui se réunissait une Église. Il devait avoir des esclaves, comme toutes les personnes aisées en ce temps-là. Et Paul écrit justement à propos d'un de ses esclaves, qui s'est enfui. Un esclave qui s'appelait Onésime, nom qui signifie « utile »... un nom d'esclave !

Toute l'économie romaine reposait sur l'esclavage : on estime que la moitié de la population était esclave ! Rien d'étonnant à ce que des chrétiens aussi aient des esclaves, et que des esclaves aient été chrétiens. On trouve d'ailleurs plusieurs enseignements dans les épîtres de Paul adressés à la fois aux esclaves et aux maîtres.

Notre texte de ce matin constitue le coeur de la lettre de Paul, le moment où il demande à Philémon d'accueillir Onésime malgré ce qu'il lui a fait, notamment parce qu'une donnée essentielle a changé : il s'est converti auprès de Paul. Il faut bien savoir que la sanction pour un esclave qui s'enfuyait était très sévère, souvent la mort. C'est pourquoi Paul met les formes dans sa façon de le demander...

Un détail, avant notre texte, a son importance... Les premiers versets de l'épître soulignent que même s'il s'agit bien d'une lettre personnelle, elle est aussi adressée à toute l’Église qui se réunissait dans la maison de Philémon. Au-delà du cas particulier d'Onésime, ce que Paul écrit ici a donc quelque chose à dire à tous.

Le cas d'Onésime illustre la réalité du changement profond provoqué par l’Évangile. Un changement radical qui doit nécessairement avoir des implications concrètes, dans notre vie, dans nos relations. Et quand on réalise que parmi les chrétiens qui se réunissaient dans la maison de Philémon, il devait y avoir des esclaves, on peut imaginer l'impact de la lettre de Paul.

Pas de doute, avec l’Évangile, le changement, c'est maintenant !


Plus rien n'est comme avant

D'une certaine façon, plus rien n'est comme avant ! Les termes que Paul utilise pour décrire Onésime sont parlants :
Il est devenu le « fils » de Paul. Une façon très forte de parler de sa conversion mais visiblement aussi, du lien fort qui l'unissait désormais à Paul
Jouant sur le sens de son nom, Paul souligne qu'Onésime (« utile ») l'est vraiment maintenant, utile...
Il est devenu plus qu'un esclave pour Philémon : il est désormais un frère !

Tout cela traduit de manière très forte le changement radical intervenu chez Onésime. Le changement radical qu'apporte l’Évangile... On pourrait même dire qu'il illustre de façon assez parlante ce qu'est le salut en Jésus-Christ :
Le commencement d'une vie nouvelle.
La découverte de sa véritable identité. Comme Onésime est devenu vraiment « utile », nous découvrons qui nous sommes vraiment en Jésus-Christ.
L'entrée dans une « famille » spirituelle, la découverte de frères et de soeurs dans la foi.

C'est l'exemple d'Onésime : le salut en Jésus-Christ offre la chance de recommencer une vie nouvelle, c'est l'occasion d'un nouveau commencement. Qui que nous soyons. Quoi que nous ayons fait... Onésime lui-même avait des choses à se reprocher. Il avait fuit, sans doute avec de l'argent volé à son maître (on le déduit de ce que Paul dit au verset 18...). C'est au nom de l'amour, au nom de l’Évangile, que Paul demande à Philémon de lui accorder une nouvelle chance.

C'est au nom du Christ, de ce qu'il a accompli pour nous, que nous pouvons espérer un nouveau commencement, une vie nouvelle. Qui que nous soyons. Quoi que nous ayons fait !


Mais tout est comme avant

Ceci dit, on pourrait dire aussi que d'une certaine manière, tout est encore comme avant...

Onésime est toujours esclave. En tout cas tant que Philémon ne l'a pas affranchi, ce que Paul suggère à demi-mot dans sa lettre... Mais Paul ne le garde pas auprès de lui, il le renvoie à son maître. Philémon reste le maître d'Onésime. C'est à lui de décider de son sort. Rien n'a vraiment changé.

Chrétien ou pas chrétien, Onésime est l'esclave de Philémon. Ce sont là les réalités sociales, humaines. Et ce n'est pas parce qu'on devient chrétien qu'on y est soustrait...

J'y vois aussi le signe que le changement apporté par l'Evangile prend du temps pour se mettre à l'oeuvre, tout n'est pas immédiat. Et nous l'expérimentons tous ! Il ne suffit pas de se convertir pour que tout soit réglé dans notre vie.

Et puis on n'est pas transporté instantanément dans le Paradis ! On continue à vivre ici-bas, avec les réalités, les pesanteurs, les épreuves de la vie quotidienne. Ca peut du reste être une difficulté majeure pour le chrétien, d'avoir l'impression que rien ne change dans sa vie, ou autour de lui.

Lorsque Paul affirme haut et fort, dans son épître aux Galates, qu'« Il n'y a plus ni Juifs ni non-Juifs, ni esclaves ni personnes libres, ni hommes ni femmes. » (Galates 3.28), il affirme la radicalité de la libération apportée par l’Évangile. On ne peut pas dire qu'elle se soit si facilement que cela imposée dans la société, ni même dans l’Église !


Le changement maintenant, dans nos relations

Pour autant, l'apôtre Paul laisse entendre qu'il y a un domaine où le changement doit se manifester dès maintenant. Et c'est au niveau des relations. Il invite Philémon, non seulement à accepter qu'Onésime revienne auprès de lui mais qu'il l'accueille comme si c'était Paul lui-même. Il ne s'agit pas seulement de l'accepter mais de l'aimer !

Ce changement-là ne doit pas attendre... Nos relations doivent changer dès aujourd'hui, si nous appartenons au Christ. Nous sommes invités à accueillir l'autre de façon nouvelle, à lui donner une nouvelle chance, à vivre dans la grâce. C'est sans doute ici la leçon valable pour tous, au-delà de l'exemple d'Onésime et Philémon.

En tant que chrétien, on ne peut pas s'interroger seulement sur l'état de notre relation à Dieu. Qu'en est-il de nos relations avec nos frères et soeurs, avec notre prochain ? Nos relations sont-elles marquées par la grâce, le don gratuit, le pardon ? Sommes-nous prêts à donner à notre frère, notre soeur, une seconde chance ou les enfermons-nous dans leurs actes passés ?

Est-ce que nous cherchons vraiment à nous aimer les uns les autres ? Il ne s'agit pas tellement d'avoir de l'affection ou de la sympathie. Aimer est un commandement dans la Bible. C'est dire qu'il s'agit d'abord d'une question de choix, de volonté. Un regard porté sur l'autre, un accueil bienveillant, une décision de s'intéresser à l'autre, de se rendre disponible.

Voilà où le changement doit avoir lieu, et dès maintenant !


Conclusion

De cette lettre au ton assez intime, on retire une grande leçon de vie pour tout chrétien. L’Évangile, c'est le vrai changement. Un changement radical et immédiat aux yeux de Dieu. Un changement progressif, et souvent long, dans notre vie. Mais un changement qui doit déjà se voir sans attendre, notamment dans nos relations.

La procrastination n'est pas dans l'esprit de l’Évangile. Mais l'impatience non plus ! Demandons au Seigneur de nous donner non seulement la volonté de nous laisser transformer par lui, mais aussi la patience d'accepter que le changement prenne du temps. Chez nous comme chez les autres...