dimanche 20 octobre 2013

Histoire de famille

Lecture biblique : Romains 8.12-17

On dit souvent, et on a sans aucun doute raison, que l’Église est le lieu de la communion fraternelle. Mais que met-on derrière cette expression ? La convivialité ? La solidarité ? L'amour les uns pour les autres ? Sans doute... Et c'est en effet extrêmement important dans une Église !

Mais j'aimerais que nous nous demandions ce qui fonde cette communion fraternelle. En d'autres termes, qu'est-ce qui fait de nous des frères et des soeurs ? Qu'est-ce qui nous permet de comparer l’Église à une famille et qu'est-ce que cela implique ?

La réponse à ces questions tient en une phrase. C'est l'Esprit de Dieu qui fait de nous des enfants de Dieu : « Tous ceux que l'Esprit de Dieu conduit sont enfants de Dieu. » (v.14) Ce qui fait de nous des frères et des soeurs, ce n'est pas le fait d'être bien ensemble, ni même d'être membre d'une même Église, c'est notre relation à Dieu, par son Esprit.

Mais faire partie de la même famille spirituelle, qu'est-ce que cela implique ?


Être conduit par le même Esprit

« Tous ceux que l'Esprit de Dieu conduit sont enfants de Dieu. » !

Il s'agit de partager le même guide, le même moteur. Être animé de la même vie. Être engagé sur le même chemin spirituel.

La métaphore de la marche est très présente dans le Nouveau Testament. Il suffit de se souvenir de l'appel de Jésus répété à ses disciples : « Viens et suis-moi ! ». A plusieurs reprises, nous trouvons l'exhortation de « marcher par l'Esprit ». Et parfois, plus que la marche, c'est l'image de la course qui est utilisée :

Philippiens 3.13-16
J'oublie la route qui est derrière moi, je suis tendu en avant, et je fais la seule chose importante : courir vers le but pour gagner le prix. (…) Et si, sur un point, vous pensez autrement, Dieu vous éclairera aussi là-dessus. En tout cas, continuons la même route que nous avons suivie jusqu'à maintena
nt !

Remarquez-le : l'important c'est de courir vers le but, mais c'est aussi de le faire ensemble, de continuer sur la même route. Être en communion fraternelle, c'est marcher sur le même chemin, à la suite du Christ.

Pourtant certains considèrent la vie chrétienne comme une marche solitaire. La foi est alors une affaire privée, la vie chrétienne est personnelle, intime, cachée. Mais la perspective biblique est différente. Il s'agit non seulement de se mettre en marche chacun, mais de marcher ensemble !

Ca ne veut pas dire que nous devions marcher au pas ! Mais si on parle de communion fraternelle, on ne pas seulement se retrouver sur le même chemin en s'ignorant... Prêtons attention les uns aux autres. Soyons prêts à soulager le fardeau de celui qui est fatigué, voire s'arrêter quelques instants avec celui qui en a besoin.


Être adoptés par le même Père

L'affirmation est on ne peut plus claire : « L'Esprit Saint lui-même nous donne ce témoignage : nous sommes enfants de Dieu. » (v.16)

Mais nous le sommes par adoption... Le seul fils « naturel » de Dieu, c'est Jésus-Christ. Nous sommes ses fils et ses filles adoptifs. C'est ce que nous pouvons déduire du statut de « cohéritiers » du Christ (v.17).

Adoptés par le même Père, nous faisons partie de la même famille. La famille de Dieu. Et cela change notre relation à Dieu. « L'Esprit que vous avez reçu ne fait pas de vous des esclaves qui ont encore peur, mais il fait de vous des enfants de Dieu. » (v.15)

« Abba ! Père ! » est un cri personnel, intime. L'araméen « Abba » implique une relation personnelle. Dieu n'est pas simplement « Père » dans un sens général de Créateur, il est « mon Père », celui qui m'a sauvé. Celui qui m'a adopté parce qu'il m'aime.

L'apôtre Paul insiste ici sur la différence entre esclave et enfant adopté. Deux façons d'appartenir à Dieu, mais deux façons différentes d'être en relation avec lui. Même si la notion de serviteur de Dieu est aussi présente dans la Nouveau Testament, Paul insiste ici sur le statut d'enfant de Dieu.

Si nous sommes tous serviteurs de Dieu, et rien de plus, alors nous sommes des compagnons de service. Mais rien de plus... On pourrait presque dire des collègues de bureau ! Mais si nous sommes tous enfants de Dieu, alors nous sommes frères et soeurs. Notre relation à Dieu est basé sur l'amour, dans le respect. Notre relation les uns aux autres en est changée.

Je ne choisis pas mes frères et mes soeurs, mais eux comme moi avons été choisis par Dieu. Et d'une certaine façon, eux comme moi avons choisi Dieu comme Père. Notre relation personnelle avec Dieu détermine notre relation avec nos frères et soeurs. Et si nous voulons développer notre communion fraternelle, nous devons développer ensemble notre communion avec notre Père...


Partager le même héritage par le Fils

Littéralement, le texte dit simplement que nous sommes héritiers de Dieu. Simplement... Ce n'est quand même pas rien ! Mais l'apôtre précise que nous sommes cohéritiers du Christ. C'est par lui que nous recevons cet héritage.

La communion fraternelle, c'est partager le même héritage par le Fils. Notre nom est inscrit sur le testament de Dieu, sur le livre de vie. Nous sommes cohéritiers du Christ. Mais le Christ n'appartient à aucun chrétien et à aucune Église !

Car on sait les problèmes que les questions d'héritage posent souvent dans les familles. Où chacun veut avoir la meilleure part du gâteaux, où on conteste telle ou telle clause du testament, etc... Et j'ai peur qu'il en soit aussi ainsi parfois dans les Églises. Au moins entre les Églises, parfois même à l'intérieur des Églises !

Pourtant, partager l'héritage de Dieu, ce n'est pas le diviser mais le multiplier. L'infini se partage à l'infini sans jamais se réduire ! Or, notre héritage, c'est la vie éternelle. Nous partageons une même foi, une même espérance et un même amour.

Mais on n'est propriétaire de rien du tout... Méfions-nous des Églises qui s'estiment propriétaires du Christ, détentrices de la vérité, seules fidèles à la vraie foi. Bref, seules héritières de Dieu !

En voulant s'accaparer l'héritage de Dieu, on s'appauvrit. En le partageant, on s'enrichit.

Peut-on rêver d'une Église où la communion fraternelle serait centrale sans qu'il y ait une communion fraternelle avec d'autres Églises ? Une communion fraternelle sectaire est-elle encore une communion fraternelle ? Nos frères et soeurs en Christ ne sont pas que dans notre Église. L'héritage de Dieu se partage avec tous ceux qui lui appartiennent.


Conclusion

Mettre la communion fraternelle parmi les priorités dans l’Église, c'est bien. Mais ce n'est pas simplement espérer plus de convivialité, de joie d'être ensemble ou espérer qu'on s'occupera mieux de nous... C'est vouloir vivre vraiment la réalité de la famille de Dieu, chacun pour sa part.

Cheminer ensemble par l'Esprit, et pas seulement les uns à côté des autres. Être adoptés par le même Père, et pas seulement être collègues dans le même « bureau spirituel ». Partager le même héritage par le Fils, et pas vouloir se l'accaparer.

Alors notre vie d'Eglise sera vraiment une histoire de famille. La famille de Dieu.

lundi 14 octobre 2013

La leçon de foi du dixième lépreux

Lecture biblique : Luc 17.11-19

Des récits de miracles, et notamment de guérisons, il y en a beaucoup dans les Évangiles. Les évangélistes ne nous les racontent pas seulement pour dire que Jésus était formidable et qu'il accomplissait des choses extraordinaires ! Jésus lui-même se méfiait d'une popularité basée sur ses miracles... Ils nous sont racontés parce qu'ils ont valeur de signe et qu'ils sont toujours l'occasion d'une rencontre, avec des gens qui souffrent, qui sont en détresse, et qui trouve en Jésus une libération.

En général, ces rencontres se transforment en leçon de vie, en leçon de foi.


La foi – confiance

Une première question se pose : est-ce vraiment Jésus qui a guéri les dix lépreux ou pas ? Certaines guérisons ne laissent pas d’ambiguïté : les paroles et les gestes de Jésus sont explicites. Pas ici... Il leur dit simplement d'aller se montrer aux prêtres, et c'est en chemin qu'ils sont guéris. Mais, au moins pour l'un des dix lépreux, il n'y a pas de doute : c'est bien Jésus qui les a guéri.

Mais pourquoi Jésus s'y prend-il ainsi ? Il n'est pas en train de se débarrasser d'eux. Il ne leur dit pas « Allez voir les prêtres ! » mais « Allez vous montrer aux prêtres ! » Ce n'est pas la même chose. On ne distinguait pas vraiment la lèpre d'autres maladies de peau plus ou moins graves. Mais deux chapitres entiers du livre du Lévitique sont consacrés au sujet, avec la description des maladies (Lv 13) et les rites de purification à accomplir une fois guéri (Lv 14).

La lèpre était considéré non seulement comme une maladie mais aussi comme une malédiction, un signe d'impureté, une image du péché. Ce qui faisait des lépreux des parias. Obligés de vivre en marge de la société, ils ne devaient avoir aucun contact avec les gens, sous risque de les rendre impurs à leur contact. On le voit dans notre récit : les lépreux se tiennent à distance de Jésus, ce qui les oblige à crier : « Aie pitié de nous ! »

Or, un lépreux allait se montrer aux prêtres au début de sa maladie, pour être déclaré impur, mais aussi lorsqu'il était guéri, pour que les prêtres constatent la guérison. L'authentification de leur guérison leur permettait de retrouver une vie sociale.

C'est évidemment le deuxième cas qui concernait les lépreux de notre récit. A l'exception près qu'ils n'étaient pas encore guéris ! En fait, Jésus fait appel à leur foi. En leur disant d'aller se montrer aux prêtres, Jésus les envoie avec une promesse de guérison. Il met leur foi à l'épreuve. Et ils le font ! Tous les dix ! En cela, les dix lépreux font preuve de foi. Et ils sont bel et bien guéris en chemin.

Les dix lépreux illustrent de façon impressionnante ce qu'est fondamentalement la foi : une confiance placée dans la parole du Christ. Une confiance qui s'exprime alors même qu'on ne possède pas encore ce qu'on espère, qu'on ne voit pas encore ce qui nous est promis.

La foi ne se démontre pas, elle n'est fondée ni sur la vue ni sur la raison. Elle est, fondamentalement, un choix, une décision de placer sa confiance en Dieu. La foi met en marche, et c'est cette mise en marche qui nous permet d'entrer dans les promesses de Dieu.

La foi – attachement

Mais le récit ne s'arrête pas là... il y a quelque chose qui cloche. Les dix lépreux ont eu confiance dans la parole du Christ, et les dix ont été guéris... mais un seul est revenu auprès de Jésus.

Pourquoi ? Est-ce de l'ingratitude ? Peut-être... Ou alors ils ont privilégié l'obéissance aux rites à la reconnaissance spontanée envers celui qui les a guéris. En tout cas, Jésus s'en étonne : « Les neufs autres, où sont-ils ? ».

Celui qui est revenu n'est pas allé voir les prêtres... On ne sait pas s'il est allé les voir après être revenu auprès de Jésus. Mais en tout cas, il a considéré comme une priorité d'interrompre cet acte rituel pour exprimer sa reconnaissance à Jésus. Et plus que cela, lui apporter un hommage digne de Dieu lui-même (il se prosterne devant lui).

Qu'est-ce qui fait la différence entre la foi du lépreux revenu auprès de Jésus et celle des neuf autres ? Les dix lépreux ont fait preuve de foi. Mais un seul a fait preuve de reconnaissance et d'attachement à Jésus. C'est cette foi-là que Jésus montre en exemple : « Lève-toi, va, ta foi t'a sauvé ! »

La différence est là, dans l'attachement au Christ. La foi ne peut pas se contenter d'une mise en marche dans la confiance, elle doit s'enraciner dans un attachement au Christ. Un attachement au-delà de la religion ou du rite. Il y a une spontanéité chez le lépreux de notre récit qui est l'expression même d'une foi vivante et authentique !

Il ne respecte pas scrupuleusement ce qui était commandé par la loi de Moïse, ni même ce que Jésus avait dit... et c'est pourtant bien ce qui plaît à Jésus. Parce qu'il témoigne d'une foi authentique et vraie. Il ne s'agit pas de mettre en cause la réalité de la foi des neufs autres lépreux guéris mais de souligner l'exemple de foi vivante du dixième.

Or, la foi vivante que le Christ attend de nous n'est pas un attachement à un rite ou une doctrine mais un attachement à sa personne. Mieux vaut une foi spontanée et vivante, quitte à sortir un peu du cadre prévu, qu'une foi réduite à une stricte observance de rites et de croyances.

Et pourtant nous avons parfois du mal à accepter en notre sein des hommes et des femmes qui sont « hors-cadre ». D'une manière ou d'une autre, on a du mal à accueillir celui qui ne prie pas comme nous ou qui ne vit pas sa foi comme nous. Dans tout groupe constitué, il y a une tendance forte à vouloir accueillir en intégrant de gré ou de force à sa propre culture, à ses propres valeurs, selon les normes et le modèle préconisé. Et cette tendance existe aussi dans les Églises...

Mais un détail mérite d'être souligné dans notre récit. D'autant que Jésus le fait lui-même. L'homme qui est donné en exemple par sa foi était Samaritain ! « Parmi eux tous, personne n'est revenu pour dire 'Gloire à Dieu'. Il n'y a que cet étranger ! » (v.18)

Le mot « étranger » souligne ici la piètre opinion que les Juifs du temps de Jésus avaient des Samaritains. Véritables frères ennemis, les Samaritains et les Juifs ne s'appréciaient guère. Pourtant, devant ses disciples, Jésus donne en exemple cet « étranger » !

D'ailleurs, quand on considère les Evangiles, il faut bien reconnaître que ceux que Jésus donne en exemple quant à leur foi sont rarement de bons Juifs pieux. Ici, un Samaritain. Ailleurs, un collecteur d'impôts. Ou une femme païenne. Aujourd'hui, peut-être que Jésus prendrait en exemple un Rom ou un sans-papier !

Jésus dira même aux Pharisiens que les collecteurs d'impôts et les prostituées les devanceront dans le Royaume de Dieu ! On lui a d'ailleurs suffisamment reproché de fréquenter des gens de mauvaise vie !

Jésus est du côté des plus faibles et des rejetés, non pas parce qu'il exalterait la faiblesse ou le fait d'être marginal en tant que tels. Mais parce qu'il est auprès de ceux qui savent reconnaître leur besoin de lui.

Il n'y a rien de pire que le confort pour croire qu'on n'a pas vraiment besoin de Dieu...

« Ils sont heureux, ceux qui ont un coeur de pauvre,
parce que le Royaume des cieux est à eux ! »
(Matthieu 5.3)


Conclusion

Que retenir de ce récit ? Une leçon de foi de ce lépreux Samaritain guéri ! Et plus encore après sa guérison qu'avant. Sa foi s'exprime non seulement dans la confiance qu'il a placé dans la parole du Christ mais aussi et surtout dans son attachement joyeux et enthousiaste au Christ qui l'a sauvé. C'est cette foi-là que le Christ montre en exemple.

Un exemple qui souligne l'importance d'une foi vivante et authentique, plus spontanée que soumise aux rites. Une foi qui s'attache moins à une religion qu'à une personne : le Christ vivant.

C'est l'attachement au Christ qui est la sève qui rend notre foi vivante. Et la vie ne peut être limitée par des carcans, des rites et des traditions. Des exemples un peu « hors cadre » comme les Evangiles en contiennent sont là pour nous le rappeler.

Soyons vivants, soyons attachés au Christ vivant !