dimanche 26 octobre 2014

Un modèle pour notre foi


Lecture biblique : 1 Thessaloniciens 1.1-10

Au-delà des formules de politesse et de la volonté de l'apôtre Paul d'encourager ses lecteurs, ces salutations qui ouvrent la 1re lettre aux Thessaloniciens nous donnent à entendre quelque chose de chrétiens exemplaires. Le verset 7 ne peut pas être qu'une simple formule : « Vous êtes devenus un modèle pour tous ceux qui croient. »

Alors qu'est-ce qui fait des croyants de Thessalonique des modèles ?


Une foi vivante

Il y a d'abord ce que Paul dit d'eux au verset 3, évoquant une foi vivante : « Oui, votre foi est active, votre amour vous fait agir, et votre espérance en notre Seigneur Jésus-Christ est solide. » Les trois vertus théologales (la foi, l'espérance et l'amour) ne sont pas seulement mentionnées, pour chacune un qualificatif leur est ajouté, pour en montrer le caractère concret chez les chrétiens de Thessalonique.

Tout d'abord, leur foi est active. Littéralement, il est question de « l’œuvre de la foi ». Il s'agit de l'action qui est inspirée par la foi, portée par elle. Chez les Thessaloniciens, la foi n'est pas qu'une simple croyance professée, elle se concrétise dans des actions, des façons d'être, une vie gouvernée par la foi. La foi n'est pas théorique mais pratique. Ce ne sont pas que des paroles mais des paroles et des actes qui leur correspondent.

Ensuite, leur amour les fait agir. Littéralement, c'est le « travail de l'amour » mais avec la connotation d'un travail qui coûte et produit parfois de la souffrance. On pourrait traduire par le « labeur de l'amour ». La TOB traduit : « votre amour qui se met en peine ». Là encore, l'amour n'est pas que de belles paroles d'accueil, de tolérance, dites avec le sourire. L'amour engage envers l'autre, il se met en peine du prochain.

Enfin, leur espérance est solide. Littéralement, le texte parle de la « persévérance de l'espérance ». Il y a donc une dimension de durée, de constance, d'endurance dans la foi, particulièrement nécessaire dans les épreuves et les difficultés. Concrètement, c'est une espérance qui se manifeste en toutes circonstances, même les plus difficiles.

Bref, ce qui est remarquable chez les chrétiens de Thessalonique, c'est que les vertus théologales, qu'ils partagent avec tous les croyants, trouvent des manifestations concrètes et visibles. La foi, l'espérance et l'amour, c'est le patrimoine commun de tous les chrétiens. Mais ce patrimoine s'exprime-t-il toujours de façon aussi concrète et claire que chez les chrétiens de Thessalonique ?

Quelles actions, dans notre vie quotidienne, sont inspirés par notre foi ? Que nous coûte, au quotidien, notre amour pour notre prochain ? Comment notre espérance exprime-t-elle constance et endurance ? On est bien au-delà de notre profession de foi. On parle ici de notre vie de tous les jours, de la façon dont notre foi s'incarne dans notre quotidien.


Une foi partagée

Un autre aspect que l'apôtre Paul souligne, c'est la façon dont les chrétiens de Thessalonique ont accueilli l’Évangile. Il se souvient que cet Évangile leur a été annoncé « pas seulement en paroles mais aussi avec la puissance et l'aide de l'Esprit Saint » (v.5). Sans doute une façon de dire que l'apôtre a vu particulièrement l'Esprit de Dieu à l’œuvre quand il leur a annoncé l’Évangile. Ils ont d'ailleurs accueilli cette Bonne Nouvelle dans un contexte difficile, au prix de réelles souffrances liées sans doute à l'opposition rencontrée, mais « avec la joie donnée par l'Esprit Saint » (v.6).

Et d'ailleurs l'apôtre enchaîne : « c'est ainsi que vous êtes devenu un modèle pour tous ceux qui croient, en Macédoine et en Akaïe  » (v.7). Pourquoi la mention de la Macédoine et l'Achaïe ? Probablement parce que, non content d'avoir reçu l’Évangile, les Thessaloniciens l'ont transmis plus loin et il est parvenu jusqu'en Macédoine.

La transmission de l’Évangile fait partie intégrante de l'accueil de l’Évangile. On n'a pas vraiment accueilli l’Évangile tant qu'on ne l'a pas transmis plus loin.

Ça n'implique pas forcément de descendre dans la rue et de haranguer les foules. Mais le souci de transmettre l’Évangile, de le rendre accessible à tous, et en particulier à ceux que nous côtoyons, doit être au cœur de nos préoccupations. Ça commence bien-sûr par une incarnation de l’Évangile au quotidien, manifester cette foi vivante dont faisait preuve les chrétiens de Thessalonique. Mais ça implique aussi de saisir les occasions pour parler de l’Évangile et dire la Bonne Nouvelle du salut en Jésus-Christ. Une foi vivante est forcément une foi partagée.

C'est vrai pour chaque croyant, c'est vrai aussi pour une Église. Une Église vivante cherche forcément à faire partager la Bonne Nouvelle sur laquelle elle est fondée. Le souci des non-croyants, la volonté de les rejoindre et de partager avec eux l’Évangile doit être au cœur de notre préoccupation d’Église.


Une foi sans compromis

Dernier trait de la foi des Thessaloniciens que notre texte souligne, c'est leur conversion claire et radicale. C'est ainsi que les gens connaissaient leur foi : « Les gens racontent en parlant de nous comment vous nous avez reçus chez vous et comment vous vous êtes tournés vers Dieu. Vous avez laissé les faux dieux, pour servir le Dieu vivant et vrai. » (v.9).

La question ici n'est pas tant de savoir si le moment de la conversion est radical et spectaculaire. Ça peut l'être pour certains, mais c'est parfois difficile à situer dans le temps pour d'autres. L'important est de savoir si la conversion aujourd'hui est radicale. Pour reprendre la terminologie de notre texte, est-ce que nous nous sommes vraiment détournés des faux dieux, des idoles, pour nous tourner vers le Dieu vivant et vrai ? En d'autres termes, notre foi est-elle sans compromis ?

Les idoles, les faux dieux, ce ne sont pas seulement des statues de bois, de pierre ou de métal. Les faux dieux, ce sont ceux que nous nous fabriquons, ceux qui dirigent notre vie. Ainsi Jésus met-il en garde contre Mamon, une personnification de l'argent et des biens matériels. Un faux dieu encore bien actif et attirant aujourd'hui, en particulier dans notre société occidentale matérialiste, où il peut prendre l'apparence de notre compte épargne ou simplement de notre confort matériel. Ça peut être aussi l'idole de la réussite sociale, ou du pouvoir, ou de la célébrité... Et ils peuvent même avoir parfois des aspects très spirituels : la religiosité, le légalisme, peuvent être de faux dieux qui nous détournent du Dieu vivant et vrai.

Une foi sans compromis, c'est une foi qui est attachée à la personne seule de Dieu. Pas à une religion. Pas à d'illusoires sécurités. Pas à telle ou telle ambition personnelle.


Conclusion

Même s'il ne faut pas idéaliser la foi des chrétiens de Thessalonique, elle est tout de même présentée par l'apôtre Paul comme un modèle pour tous les croyants. Ce n'est pas rien... C'est en tout cas l'occasion pour lui de développer pour nous un modèle de foi, en soulignant trois aspects :
  • Une foi vivante : elle ne se contente pas de paroles mais se manifeste concrètement
  • Une foi partagée : avec un souci pour le témoignage de l’Évangile, en parole et en actes
  • Une foi sans compromis : qui cherche toujours à être attaché au Dieu vivant et vrai, et à lui seul.


Voilà un beau programme, un modèle auquel nous pouvons essayer de conformer notre foi !

dimanche 12 octobre 2014

Un festin pour tous


Lecture biblique : Esaïe 25.6-8

Le ton de ce texte magnifique tranche avec ceux qui l'entourent. La tonalité générale de la première partie du livre d'Esaïe (chapitres 1-39) est assez sombre. Le prophète dénonce l'infidélité du peuple d'Israël, l'idolâtrie tolérée en son sein, les injustices sociales criantes, la corruption des puissants, etc... Du coup est annoncé le jugement de Dieu, à travers l'exil. Et les peuples environnants ne sont pas en reste. Tyr, Moab, Babylone en prennent aussi pour leur grade et la destruction leur est promise.

Et puis, au milieu de ces textes de jugement fleurissent quelques textes d'espérance, non seulement pour le peuple d'Israël mais pour tous les peuples. Notre texte en est un des plus beaux exemples.

Il contient deux promesses : l'invitation à un festin géant et la fin du deuil. Les deux promesses sont pour tous les peuples, et les deux sont situées « sur la montagne de Sion ».

Mais je crois sincèrement qu'on se trompe lourdement si on comprend une telle prophétie de façon littérale. Comme si la promesse allait s'accomplir par un pique-nique géant sur l'esplanade du temple à Jérusalem ! Ou par un défilé de tous les peuples avant de passer à table, pour une cérémonie où tout le monde enlèverait joyeusement ses habits de deuil pour revêtir des habits de fête !


Sur la montagne de Sion

L'indication n'est donc pas géographique ! Mais que signifie alors l'expression « sur la montagne de Sion » ?

La montagne de Sion, c'est bien la montagne où était construit le temple, lieu central du culte, symbole de la présence de Dieu. Ça n'échappait pas aux contemporains d'Esaïe. Plus tard, pour les Israélites en exil, une telle promesse ne pouvait qu'évoquer la perspective d'un retour dans le pays et la reconstruction du temple. Mais la promesse ne s'est pas accomplie littéralement... Certes, le peuple est retourné dans son pays, le temple a été reconstruit. Mais rien qui ressemble au grand festin, et encore moins l'accomplissement de la promesse de la fin de tout deuil !

Faut-il encore l'attendre ? Faut-il espérer, aujourd'hui que le temple est à nouveau détruit, une nouvelle reconstruction du temple et un festin géant à Jérusalem ? Je ne le pense pas...

Souvenons-nous des paroles de Jésus à propos de la destruction et la reconstruction du temple (Jean 2.19-21) :
19Jésus leur répond : « Détruisez ce temple, et en trois jours, je le remettrai debout. »
20(les chefs religieux) lui disent : « On a mis 46 ans pour construire ce temple, et toi, en trois jours, tu vas le remettre debout ! »
21Mais quand Jésus parlait du temple, il parlait de son corps. 22C'est pourquoi, quand Jésus se réveillera du milieu des morts, ses disciples se souviendront qu'il a dit cela. Alors ils croiront à ce que disent les Livres Saints et aux paroles de Jésus.

Ou ses paroles à la femme Samaritaine invitant désormais à un nouveau culte (Jean 4.21-24) :
21Jésus lui dit : Femme, crois-moi, l'heure vient où ce ne sera ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père. 22Vous, vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs. 23Mais l'heure vient — c'est maintenant — où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ; car tels sont les adorateurs que le Père cherche. 24Dieu est Esprit, et il faut que ceux qui l'adorent l'adorent en esprit et en vérité. 

A la lumière du Nouveau Testament, l'expression « sur la montagne de Sion » doit être comprise non comme une indication géographique mais comme une indication spirituelle. La perspective est celle du jour où le temple de Dieu, au sens spirituel, sera à nouveau parmi nous, le jour où Dieu se rendra pleinement présent, c'est-à-dire, à la lumière du NT, le jour du retour du Christ... alors il offrira un festin à tous les peuples et il leur ôtera leurs vêtements de deuil.


Un festin et des vêtements de fête

L'image du festin évoque la joie, la fête, le partage, l'abondance. C'est une image courante, reprise aussi dans le Nouveau Testament, pour parler du Royaume de Dieu. Jésus l'utilise dans son enseignement, notamment avec des paraboles, l'Apocalypse aussi pour évoquer le festin des Noces de l'Agneau, fêtant la victoire ultime de Dieu.

On ne sait pas grand chose de ce qui nous attend dans l'éternité. Mais l'image du festin, moi, me donne envie ! Même si Woody Allen disait que l'éternité c'est long, surtout vers la fin, je me dis qu'avec de telles images de fête, il n'y a pas de risque que l'on s'ennuie !

Et puis l'idée de fête est accentuée encore par l'autre promesse : le voile de deuil enlevé. Il s'agit du voile dont on se couvrait pour signifier le deuil. On parlerait aujourd'hui d'habits de deuil. Quand au « drap des morts », il pourrait s'agir du linceul dont on recouvrait les corps.

En tout cas, la promesse est claire : il n'y aura plus de deuil, parce que la mort ne sera plus. C'est la raison principale du festin : la mort sera définitivement vaincue. Evidemment que cette promesse a pris plus d'envergure encore depuis la résurrection de Jésus-Christ. Nous savons que la promesse est vraie, parce que Jésus-Christ est ressuscité ! C'est le cœur de notre espérance.

Nous le croyons aujourd'hui déjà. Mais quand nous le vivrons vraiment, au jour de notre résurrection, alors la fête sera grande. Les habits de deuil seront définitivement rangés et nous revêtiront les habits de fête. Pour l'éternité.


Pour tous les peuples

Soulignons-le encore une fois, ces promesses sont pour tous les peuples. D'une certaine façon, cette dimension universelle du projet de Dieu contraste avec les textes qui entourent ce chapitre. Des textes où les peuples s'affrontent, où les nations environnantes sont des ennemis.

On réalise peut-être mal ce que ça pouvait représenter pour un Israélite menacé ou même en guerre avec ses voisins que d'imaginer un festin pour tous les peuples. Une perspective où il peut se retrouver à la même table que ses ennemis, parce que Dieu aura établi la paix. On peut le percevoir peut-être à travers l'histoire de Jonas, pas du tout prêt à partager la part du gâteau de la grâce de Dieu avec l'ennemi Ninive !

Mais cette perspective de festin universel contraste aussi avec notre actualité où nous peinons à voir la fraternité entre tous les peuples ! Non seulement par les guerres et les violences terribles dont les hommes sont toujours capables. Mais aussi pour l'écho favorable que reçoivent aujourd'hui chez nous les discours haineux, racistes, xénophobes, par les stigmatisations de l'étranger, de l'immigré, qui sont monnaie courante.

Notre espérance universelle, celle d'un Dieu qui convie tous les peuples à sa table, celle d'une Église que Dieu rassemble, issue de tous les peuples, cette espérance doit nous pousser à résister à ces discours et prôner l'accueil, la fraternité, la grâce.


Conclusion

Voilà un texte qui met l'eau à la bouche ! C'est peut-être d'ailleurs cela, vive l'espérance. Avoir l'eau à la bouche dans l'attente du Royaume de Dieu.

Mais ce menu qui nous est proposé change notre comportement aujourd'hui. L'espérance de la victoire sur la mort, grâce à la résurrection de Jésus-Christ, est source de consolation dès aujourd'hui. La perspective d'un festin pour tous les peuples doit nous pousser dès aujourd'hui au partage, à l'accueil et à la grâce, pour embrasser le projet universel de Dieu, par Jésus-Christ, comme le dit l'apôtre Paul aux Colossiens (chapitre 1) :
18lui, il est la tête du corps — qui est l'Eglise.
Il est le commencement,
le premier-né d'entre les morts,
afin d'être en tout le premier.
19Car il a plu à Dieu de faire habiter en lui toute plénitude
20et, par lui, de tout réconcilier avec lui-même,
aussi bien ce qui est sur la terre que
ce qui est dans les cieux,
en faisant la paix par lui,
par le sang de sa croix.


C'est un message que nous devons proclamer, et vivre, aujourd'hui !