dimanche 25 janvier 2015

Jaloux de la grâce !


Lecture biblique : Jonas 3.1-4.3

Le livre de Jonas est plein d'ironie. On pense surtout à la fin du récit, avec l'épisode du ricin que Dieu fait pousser puis sécher, pour donner une leçon au prophète qui est en train de bouder ! Mais il y a aussi le début du livre, avec la fuite de Jonas suite à l'appel de Dieu. Non, il n'ira pas où le Seigneur veut l'envoyer ! Il s'enfuit même dans la direction opposée... avant d'être rattrapé par le Seigneur qui déclenche une tempête et s'arrange pour que Jonas, jeté à la mer, soit gobé tout rond par un gros poisson et recraché sur la terre ferme. Retour au point de départ pour le prophète, non sans avoir passé trois jours dans le ventre d'un poisson ! Drôle d'histoire... Mais notre chapitre aussi a son lot d'ironie !

En effet, que demande le Seigneur à Jonas ? « Debout ! Va à Ninive, la grande ville. Annonce-lui le message que je te donne. » (v.2). Mais souvenons-nous de qui est Ninive ! C'est la capitale de l'Assyrie, le peuple qui fait peur à toute la région. Un monstre dévastateur qui conquiert, pille et détruit, partout où il passe. De plus, notre texte décrit la ville comme étant extraordinairement grande : il faut trois jours pour la traverser. Et Jonas, prophète de ce petit peuple d'Israël, doit aller dans cette ville, la traverser tout en annonçant haut et fort sa destruction prochaine. Honnêtement, je comprends pourquoi Jonas n'avait pas envie d'y aller !!!

Imaginez le pauvre Jonas, traversant la ville toute la journée et proclamant « Dans quarante jours, Ninive sera détruite ! » Logiquement, il aurait du se faire massacrer quelques minutes à peine après son arrivée ! Et c'est là que le récit du livre de Jonas nous prend encore à contre-pied. Contre toute attente, toute la ville entre dans une démarche de repentance, comme un seul homme. Le roi de Ninive lui-même descend de son trône et s'assoit sur la cendre en signe de deuil. Il ordonne à tout le monde de suivre son exemple. Il fait annoncer dans toute la ville que plus personne ne doit boire ni manger, et tout le monde doit revêtir l'habit de deuil. Et pour être sûr que personne n'est oublié, non seulement les habitants doivent le faire, mais les animaux aussi ! J'avoue que je ne sais pas trop à quoi pouvait bien correspondre des habits de deuil pour les animaux...

La réaction est si soudaine et si excessive qu'elle en devient presque comique. Et on n'en a pas fini avec les surprises puisque la conclusion du chapitre est étonnante : « Dieu voit leurs efforts pour abandonner leur mauvaise conduite. Il change d’avis. Il regrette le mal qu’il voulait leur faire, et il ne le fait pas. » (v.10)

Dieu change d'avis ! Ou comme le traduisent d'autres versions, « il revient sur sa décision » ou « il renonce au mal » qu'il avait annoncé. Ce changement d'avis de Dieu déclenchera la colère de Jonas car lui, il l'avait vu venir : « Je le savais bien, tu es plein de tendresse et de pitié, patient, plein d'amour, et tu regrettes tes menaces. » (4.2)

C'est quand même étonnant : être en colère parce que Dieu est plein d'amour ! Mais du coup, on comprend que la vraie raison pour laquelle Jonas ne voulait pas aller à Ninive, ce n'était pas la peur d'être tué par les assyriens mais la peur que Dieu pardonne à ses ennemis ! Ici encore, incroyable ironie..


Cette ironie qui parcourt tout le récit de Jonas donne à ce livre un caractère unique au sein de la Bible. Son humour veut nous faire réfléchir, nous interpeller, voire nous bousculer. A sa façon, le livre de Jonas est un ouvrage satirique !


Jonas : jaloux de la grâce !

Dans ce livre qui porte son nom, Jonas n'est pas vraiment à son avantage. C'est un peu un anti-héros. Ses réactions colériques, boudeuses, excessives, le font apparaître comme un prophète jaloux de la grâce de Dieu. Il ne veut pas que les habitants de Ninive puissent en profiter !

C'est d'autant plus étonnant que lui-même est au bénéfice de la grâce de Dieu, miraculeusement sauvé de la noyade par Dieu à travers le poissons envoyé par Dieu. Mais pour Jonas, la grâce, la bonté de Dieu, elle est pour lui, elle est pour son peuple. Mais pas pour ces païens. Ils ne la méritent pas ! Comme si la grâce se méritait...

Dans quelle mesure ne risquons-nous pas, nous aussi, d'être jaloux de la grâce de Dieu ? La bonté de Dieu, elle est pour tous ou elle n'est pas. Comme le dira Jésus : « (Dieu) fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons. Il fait tomber la pluie sur ceux qui se conduisent bien et sur ceux qui se conduisent mal. » (Mt 5.45)

En réalité, être jaloux de la grâce c'est démontrer qu'on n'a pas compris ce qu'est la grâce. L'exclure pour les autres, c'est s'en exclure soi-même. C'est oublier que j'ai, moi, autant besoin de la grâce de Dieu que celui qui ne pense pas comme moi, qui ne croit pas comme moi, qui ne vit pas comme moi.

Voilà pourquoi Jésus nous invite même à aimer nos ennemis et à prier pour ceux qui nous persécutent !


Dieu : du jugement à la grâce

Dieu lui-même est un acteur étonnant du récit de Jonas. Étonnant par les moyens qu'il met en œuvre (la tempête, le poisson, le ricin) pour accomplir son plan par le prophète. Étonnant, voire déroutant, dans sa façon d'agir, donnant l'impression de changer d'avis de façon tout à fait imprévisible.

Derrière cette expression, il y a sans doute une part d'anthropomorphisme, en attribuant à Dieu des comportements humains. Mais le « changement d'avis » de Dieu décrit surtout la réponse qu'il offre à la repentance des habitants de Ninive. Comme ils ont changé d'attitude en vers lui, Dieu lui aussi change d'attitude envers eux. Et il fait grâce.

Évidemment, ce qui nous étonne, c'est que le message adressé par Jonas aux habitants de Ninive ne laissait pas vraiment d'espoir. Il n'y avait aucun appel à la repentance. Et pourtant... Jonas lui-même n'était pas dupe. Il avait compris avant tout le monde les intentions de Dieu. Même si ce n'est pas dit, la repentance suspend toujours le jugement de Dieu. Comme le dit si bien Jonas, Dieu est bon, plein de tendresse et de compassion. Jamais il ne restera sourd à un cri de repentance, jamais il ne sera insensible à un cœur brisé.

Il y a là un enseignement essentiel quant aux jugements de Dieu annoncé dans sa Parole. Ils sont toujours là pour nous inviter à la repentance. Les prophéties divines ne sont pas des prévisions inéluctables, le reflet d'un destin inflexible et aveugle. Elles sont l'expression du projet de Dieu, qui inclut des mises en garde et des interpellations, ou des encouragements et des promesses. Les prophéties ne sont pas là pour nous informer, elles sont là pour nous interpeller.

Nous ne devons pas étudier les prophéties bibliques pour en tirer une hypothétique chronologies des événements à venir, quand ce n'est pas chercher une date pour la fin du monde ! Nous devons les étudier, et les écouter, pour comprendre le projet de Dieu pour nous, et pour ajuster notre vie, nos pensées, notre comportement en fonction de ce projet. Quitte à devoir entreprendre des changements radicaux.


Conclusion

J'ai appelé tout à l'heure le livre de Jonas un ouvrage satirique. En effet, il manie l'humour, l'ironie, voire une certaine caricature, pour interpeller les consciences. Derrière le personnage de Jonas, c'est le peuple d'Israël, jaloux de la grâce de Dieu, qui est visé. Comme le seront les Pharisiens au temps de Jésus, fiers d'êtres, eux, descendants d'Abraham et auxquels Jésus répondra, non sans humour, que de quelques pierres le long du chemin il peut faire des descendants d'Abraham ! Comme peuvent l'être aujourd'hui, peut-être, ceux qui se contentent d'appartenir à une famille protestante, ou d'avoir reçu une éducation chrétienne, ou d'avoir été baptisé, ou d'être membre d'une Église évangélique !

Clairement, dans le livre de Jonas, ce n'est pas le prophète qui donne l'exemple mais les habitants de Ninive. Ce n'est pas le bon croyant, serviteur de Dieu, mais ce sont les païens. Ce sont leurs cris que Dieu entend. Car ce qui compte devant Dieu, ce ne sont ni nos origines, ni notre éducation, ni notre appartenance religieuse mais notre cœur, aujourd'hui. Est-il tourné vers Dieu ou fermé sur lui-même ? C'est la vraie question que nous devons nous poser...

dimanche 11 janvier 2015

Solidaires !


Le deuxième dimanche de janvier est traditionnellement consacré à l'épisode du baptême de Jésus. Un récit qui, dans la version de Marc, nous est relaté de façon très sobre, et qui peut même entrer en écho de façon surprenante avec l'actualité sombre de cette semaine.

Lecture biblique : Marc 1.6-11

Il est remarquable de souligner que le ministère public de Jésus débute avec son baptême. Pas avec un miracle spectaculaire, pas avec un enseignement éloquent à une grande foule. Il commence dans un acte plein d'humilité, d'identification à l'humanité qu'il est venu sauver. 

Le baptême de Jésus-Christ, c'est le signe de son incarnation. C'est le choix de la solidarité. Il n'est pas venu sauver l'humanité « de l'extérieur » mais de l'intérieur : en devenant l'un des nôtres. Il n'est pas venu seulement « prendre chair », ou prendre un corps comme on revêt un costume. Il est véritablement devenu homme. Il a accepté d'avoir faim et soif, d'être fatigué, de devoir se reposer et dormir. Il est venu épouser notre condition de pécheur, sans toutefois pécher. Il a accepté nos limites, nos faiblesses, nos blessures. Il a accepté de souffrir. Il a accepté de mourir.

D'une certaine façon, le baptême de Jésus était le premier pas sur le chemin qui allait le mener jusque sur la croix. Peut-être est-ce aussi la raison pour laquelle l'Esprit saint est descendu sur lui sous la forme d'une colombe ? Peut-être est-ce aussi pourquoi la voix de son Père a retenti du ciel, pour lui : « Tu es mon fils très aimé. C'est toi que j'ai choisi avec joie. » Peut-être avait-il besoin d'un soutien, d'une promesse pour le chemin difficile à venir...

La décision de Dieu, en Jésus-Christ, de choisir la solidarité est bouleversante. Parce que Dieu nous aime, il a choisi de lier son sort au nôtre. Il aurait pu laisser tomber. Tout recommencer ailleurs. Il a décidé, au contraire, de nous sauver, en devenant l'un des nôtres.

Et solidaire, il l'est aujourd'hui encore. Jésus-Christ, mort et ressuscité, est toujours notre frère en humanité. Ne pensez-vous pas qu'il souffre de voir ce que ses frères humains sont capables de faire, qui plus est au nom de Dieu ? Cette semaine, la terreur a frappé à nos portes. Et cela rend plus tangible peut-être la terreur que des milliers d'hommes et de femmes affrontent depuis si longtemps dans certaines parties du globe. Victimes de la haine et du fanatisme. D'ailleurs cette semaine aussi, Portes Ouvertes a fait paraître son index mondial de la persécution des chrétiens, rappelant que cette triste réalité ne faiblit pas. Bien au contraire.

Solidaire, voilà un mot que nous avons besoin d'entendre aujourd'hui ! Nous devons être solidaires des familles endeuillées, à Paris comme ailleurs dans le monde, là où règne la terreur par la folie des hommes. Solidaires de nos frères et sœurs persécutés pour leur foi. Mais solidaires aussi de toutes les victimes collatérales, exposés aux discours racistes et réducteurs qui mettent dans le même sac terrorisme, musulmans, arabes, immigrés... Solidaires aussi avec ceux qui défendent la liberté de la presse, la liberté d'expression, la liberté d'opinion, partout dans le monde. Une liberté qui doit pouvoir s'exprimer aussi à travers l'humour, la satire. Y compris pour dénoncer les travers de toutes les religions. Y compris quand ça nous concerne...

Qu'est-ce qui blesse le plus Dieu ? Un dessin satirique, même jugé blasphématoire ? Ou une folie meurtrière en son nom ? Ce qui touche le Seigneur, ce qui le fait souffrir, ce sont les horreurs qu'on commet en son nom. Ce sont nos discours empreints de haine, notre racisme latent, parfois caché derrière un vernis religieux. C'est notre indifférence à ceux qui souffrent, à la manière du Pharisiens et du prêtre de la parabole du bon Samaritain. C'est notre silence face à l'injustice...

Solidaire. Jésus-Christ a choisi de l'être avec nous, son baptême en est un signe d'une grande force. Comment ne pourrions-nous pas aussi être solidaires de nos frères en humanité ?


De l'espoir, quand même ?

Revenons au récit du baptême de Jésus. La lecture que j'en ai proposée, à la lumière des événements récents, est certes sombre. Mais ne peut-on pas y puiser aussi de l'espoir ? La colombe, symbole de l'Esprit saint, est bien un signe d'espoir. C'est une colombe qui est venu annoncer à Noé la fin du déluge et la possibilité d'un nouveau départ. Dans ses paroles adressées à son Fils, le Père ne parle-t-il pas d'amour et de joie ? Toute la Trinité est mobilisée pour cet épisode, jalon essentiel dans l'accomplissement du projet de salut de Dieu.

Si, pour Jésus, le baptême est le premier pas de son chemin vers la croix, pour nous, c'est le premier pas de notre chemin de salut. Dieu lui-même a jugé bon d'élaborer un plan pour nous sauver, et de lier son sort au nôtre. Il y a bien de l'espoir. Toujours.

S'il y a un espoir à garder dans l'humanité, c'est parce qu'elle est créée à l'image de Dieu. L'image de ce Dieu qui a choisi de nous sauver en Jésus-Christ, de ce Dieu qui a fait preuve de la plus belle des solidarités. Capable du pire, à cause de son péché et de son arrogance, l'humanité est aussi capable du meilleur quand elle laisse l'image de Dieu en elle se manifester.

S'il y a un espoir, donc, c'est moins à cause de l'homme que grâce à Dieu. C'est moins par humanisme que par espérance et foi. C'est moins à cause de la solidarité entre les hommes que grâce à la solidarité de Dieu avec nous. Mais l'espoir est réel. A cause de l'amour de Dieu. Jésus lui-même a été victime de la haine et de la barbarie des hommes. Il a été condamné, lui l'innocent. Et il est mort, crucifié. Mais la haine a été vaincue, sur la croix, quand Jésus a dit : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font. » La mort elle-même a été vaincue : Jésus-Christ est ressuscité.

Dieu est toujours capable de faire surgir la vie de la mort, de faire éclater la lumière des ténèbres. C'est notre espérance, celle qui naît de l’Évangile !


Conclusion

En guise de conclusion, je vous propose un dessin... de Cabu.

On n'impose pas la foi par la force ou la terreur. Jamais. Toutes les formes de violence justifiées au nom de Dieu sont autant d'atteintes directes à Dieu. Voilà les vrais blasphèmes !

L'exemple que Jésus nous a laissé, le jour de son baptême, est celui de l'humilité et de la solidarité. Si nous voulons être vraiment ses disciples et ses témoins, c'est le même chemin que nous devons emprunter !