dimanche 24 mai 2015

Le fruit de l'Esprit : un défi du quotidien

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Galates 5.16-25 (TOB)
Ecoutez-moi : marchez sous l’impulsion de l’Esprit et vous n’accomplirez plus ce que la chair désire. Car la chair, en ses désirs, s’oppose à l’Esprit – et l’Esprit à la chair ; entre eux, c’est l’antagonisme– pour que, ce que vous voulez faire, vous ne le fassiez pas. Mais si vous êtes conduits par l’Esprit, vous n’êtes plus soumis à la loi.
On les connaît, les œuvres de la chair : libertinage, impureté, débauche, idolâtrie, magie, haines, discorde, jalousie, emportements, rivalités, dissensions, factions, envie, beuveries, ripailles et autres choses semblables ; leurs auteurs, je vous en préviens, comme je l’ai déjà dit, n’hériteront pas du Royaume de Dieu.
Mais voici le fruit de l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, douceur, maîtrise de soi ; contre de telles choses, il n’y a pas de loi. Ceux qui sont au Christ ont crucifié la chair avec ses passions et ses désirs. Si nous vivons par l’Esprit, marchons aussi sous l’impulsion de l’Esprit. 


Pentecôte, c'est la commémoration d'un événement majeur de l'histoire de l’Église, c'est même son événement fondateur : la descente du Saint-Esprit sur les croyants. Le livre des Actes des apôtres nous en fait le récit et en souligne le caractère spectaculaire.

Mais depuis ce jour, le Saint-Esprit habite chaque croyant, tous les jours, dans la banalité de notre quotidien, loin parfois de la gloire et de l'éclat du jour de Pentecôte. Pour l'évoquer, l'apôtre Paul parle de fruit de l'Esprit.


Ce n'est pas une option !

Mais commençons par la fin de notre texte et sa conclusion en forme d'exhortation forte et sans ambiguïté : « Si nous vivons par l’Esprit, marchons aussi sous l’impulsion de l’Esprit. » (v.25) Une exhortation qu'on pourrait transcrire ainsi, de façon prosaïque : il ne suffit pas d'être chrétien, il faut que ça se voie dans notre conduite. Bref, le fruit de l'Esprit n'est pas une option !

Vivre par l'Esprit, c'est avoir reçu la vie éternelle, le don gratuit de Dieu, son salut. C'est être chrétien, au sens le plus fort du terme. Et c'est bien l'oeuvre de l'Esprit.

Marcher par l'Esprit (ou sous l'impulsion de l'Esprit), c'est voir sa vie changée par Dieu, avoir un comportement conséquent avec notre foi. Et c'est aussi l'oeuvre de l'Esprit.

Voilà pourquoi le fruit de l'Esprit n'est pas une option mais un impératif pour le chrétien, qui est tout entier au bénéfice de l'oeuvre du Saint-Esprit. Du début de sa vie chrétienne jusqu'à la fin. L'oeuvre de l'Esprit, c'est de semer la vie éternelle en nous et de la faire germer pour nous amener à porter du fruit pour la gloire de Dieu. On ne peut pas se contenter de vivre par l'Esprit, il nous faut marcher par l'Esprit.

Mais si l'exhortation est là, c'est que ce n'est pas si évident que cela dans la pratique...


C'est un combat

La preuve : il y a un combat, une lutte au quotidien. Paul parle d'un antagonisme entre la chair et l'Esprit. Dans le langage de l'apôtre, la chair, c'est notre être en tant qu'humain pécheur. C'est ce que nous sommes tous, loin de Dieu, marqués par le péché. L'Esprit, ici, c'est le Saint-Esprit, qui renouvelle notre être intérieur.

L'un et l'autre n'agissent pas de la même façon en nous. La chair est là, en chacun de nous. Et elle nous pousse, par des pulsions, des envies, des inclinations. C'est cette part de nous-mêmes qui fait dire à l'apôtre Paul en Romains 7 : « Ce que je veux, je ne le fais pas, et ce que je déteste, je le fais. » (Romains 7.15) On connaît tous cette lutte contre la tentation, ce combat pour ne pas nous laisser emporter par des pulsions contraires à ce que Dieu attend de nous.

L'Esprit saint, lui, vient habiter le croyant. Il s'installe, il remplit le chrétien petit à petit pour le changer de l'intérieur. Il est comme un nouveau moteur à notre vie, qui nous donne une nouvelle impulsion. Et il peut nous donner la force de résister et de contrer les inclinations de la chair.

La chair produit des œuvres. C'est ce que nous sommes tout à fait capables de faire par nous-mêmes... malheureusement ! L'Esprit produit du fruit. C'est ce qui grandit naturellement en nous lorsque l'Esprit de Dieu agit. C'est la conséquence naturelle de la semence de vie de l'Esprit, plantée en nous.

Tout l'art de la vie chrétienne, c'est d'apprendre à ce que nos œuvres deviennent le fruit de l'Esprit... alors que naturellement, notre vie est le fruit de nos pulsions et de nos envies, pas toujours saintes. C'est un combat de tous les jours, dans le quotidien. Mais c'est une lutte qui en vaut la peine parce qu'ils sont beaux les fruits produits par l'Esprit, et ils sont bons pour nous et ceux qui nous entourent.


Dans le quotidien

La force de ce texte, c'est de nous parler du quotidien de la vie dans l'Esprit saint. On a quitté le côté spectaculaire de l'événement de la Pentecôte pour la banalité du quotidien et de ses luttes. Un quotidien qui peut être sombre ou lumineux, selon que s'exprime la chair ou l'Esprit. Car notre vie est tiraillée entre ces deux pôles. Entre ce que nous sommes encore (les œuvres de la chair) et ce que Dieu par son Esprit veut faire de nous (le fruit de l'Esprit).

Comme le dit l'apôtre Paul, les œuvres de la chair, on les connaît. Et pas seulement chez les autres ! Cette liste nous est familière... On ne les rencontre bien-sûr pas toutes en même temps chez la même personne ou dans la même Église ! Mais on les connaît...

Ces « œuvres de la chair » qui sont aussi parfois notre quotidien, sont multiformes : sexuelles, spirituelles, relationnelles surtout. Elles se manifestent dans les comportements dépravés, conflictuels, excessifs qui n'affectent pas seulement ceux qui les commettent mais aussi ceux qui les subissent. Et elles se manifestent aussi, reconnaissons-le, dans nos Églises et dans nos vies.

Le fruit de l'Esprit, on l'oublierait presque. Parce qu'il n'a rien de spectaculaire et s'inscrit simplement dans notre quotidien. Franchement, il n'y a rien de surhumain dans l'amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bienveillance, la confiance, la douceur ou la maîtrise de soi. Rien de surhumain... et pourtant c'est si difficile de s'y tenir avec persévérance.

Et c'est bien dans notre quotidien que cela se joue. Cette liste du fruit de l'Esprit évoque toutes des qualités relationnelles. L'oeuvre du Saint-Esprit dans notre vie se manifeste dans la qualité de nos relations avec notre prochain. Les manifestations spectaculaires du Saint-Esprit ont été données parfois par Dieu dans l'histoire de son Église, à commencer par le jour de la Pentecôte. Mais l'enjeu principal de l'oeuvre de l'Esprit se joue dans notre quotidien, dans la banalité de notre vie de tous les jours.

Quand on nous regarde, quand on nous voit vivre au travail, avec les amis, dans notre famille, que voit-on ? Qu'est-ce qui caractérise notre relation à nos prochains ? Pas seulement le dimanche matin au culte mais aussi le lundi matin au bureau, le vendredi soir en rentrant à la maison ou le samedi après-midi dans nos loisirs ? C'est là que se manifeste on non le fruit de l'Esprit...


Conclusion

L'événement de la Pentecôte relaté dans le livre des Actes des apôtres est l'événement fondateur de l'histoire de l’Église. Il est l'accomplissement de la promesse de Jésus-Christ : ressuscité et assis auprès du Père, il envoie son Esprit pour être toujours avec nous.

Mais la réalité de la Pentecôte, pour nous aujourd'hui, se vit le plus souvent dans la banalité de notre quotidien. Un quotidien de luttes et de combat, car l'antagonisme entre la chair et l'Esprit est le lot de tous les chrétiens, jusqu'à notre dernier jour. Nous vivons dans une tension, source parfois de frustration, entre ce que nous sommes encore et ce que nous sommes appelés à devenir en Christ.

Mais notre quotidien est aussi fait de victoires, petites ou grandes, qui sont autant de marques de l'oeuvre en profondeur de l'Esprit de Dieu. C'est le fruit de l'Esprit, témoignage que le Christ vivant habite en nous.

dimanche 3 mai 2015

Débusquer la bête

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Lecture biblique : Apocalypse 13

On a beau dire que l'Apocalypse n'est pas un livre écrit pour nous faire peur, cette vision n'est quand même pas très rassurante...

On y rencontre deux bêtes. La première, très impressionnante, sort de la mer. Son apparence rappelle les bêtes de la prophétie de Daniel, au chapitre 7, qui symbolisaient la succession de plusieurs royaumes humains. Elle sort de la mer, élément naturel inquiétant (beaucoup de marins périssaient dans les tempêtes). Mais du coup, elle vient aussi de l'occident, là où se trouve Rome. C'est bien l'empire romain qui est dans le viseur : l'empire qui en ce temps-là s'élevait contre Dieu en persécutant les chrétiens.

L'autre bête est moins inquiétante : elle n'a que deux cornes comme celles d'un agneau. De plus, elle vient de la terre, beaucoup moins inquiétante que la mer. Mais son pouvoir est dans sa parole : elle parle comme un dragon. C'est le prophète de la première bête, séduisant et menaçant les hommes pour les conduire à adorer la bête.

Il est frappant de constater combien cette double image est parlante, non seulement dans le contexte de l'empire romain au Ier siècle mais tout au long des siècles, jusqu'à aujourd'hui ! Dans toute l'histoire, des empires, des puissances humaines se sont élevés et sont devenus monstrueux. La bête a pris de nombreux visages, ceux de la puissance de pouvoirs politiques totalitaires et de la propagande de leur idéologie. Avec plus ou moins de collusion avec telle ou telle religion, y compris chrétienne, d'ailleurs !

Les bêtes ont changé de visage dans l'histoire, maniant tour à tour la terreur et la séduction. Avec une même motivation : prendre la place de Dieu. C'est le sens du fameux 666 dont l'interprétation la plus plausible est celle d'une trinité humaine singeant Dieu : 3 x 6, le chiffre de l'homme. Comme le Dragon et les deux bêtes singent la Trinité divine. Le Dragon prend la place du Père, la bête qui sort de la mer prend celle du Fils (envoyée par le Dragon, l'une de ses têtes est blessée à mort mais ressuscite) et la bête qui sort de la terre prend celle du Saint-Esprit, qui convainc la terre d'adorer la première bête.

Que faire d'une telle vision aujourd'hui ? Je vous propose trois pistes, résumées en trois verbes.


Décrypter

Cette vision nous invite à décrypter notre monde. Sans pour autant vouloir jouer au « Nostradamus évangélique », cherchant à deviner l'avenir ! C'est là une mauvaise compréhension de l'Apocalypse qui veut d'abord nous donner des clés pour comprendre l'histoire mais pas des énigmes pour nous faire deviner l'avenir !

Des « Nostradamus évangéliques », il y en a eu et il y en aura encore... D'ailleurs récemment, j'ai lu un article parlant d'un « prophète » évangélique qui a écrit un livre et qui donne des conférences, annonçant que l'enlèvement de l’Église aura lieu en septembre prochain et que l'Antichrist était le prince William !

Le décryptage auquel notre texte nous invite est tout autre. Il nous invite à la lucidité sur tout pouvoir humain. Bref, à ne pas être dupe, ne pas s'illusionner. Nous sommes heureux de vivre en démocratie mais comme disait Winston Churchill, « la démocratie est le pire des régimes, à l'exception de tous les autres déjà essayés dans le passé. » Le cœur de l'homme étant ce qu'il est, ce n'est pas un type de régime politique en lui-même qui préserve de toute dérive. Hitler est arrivé démocratiquement au pouvoir en Allemagne... N'oublions pas que c'est la seconde bête, d'apparence inoffensive, qui conduit à la première bête terrifiante.

Décrypter, c'est être vigilant sur notre monde, notre société, ses dirigeants et ses puissants. C'est chercher à comprendre les enjeux spirituels, parfois évidents et parfois cachés.


Résister

La deuxième piste découle de la première. Après avoir décrypté, il s'agit de résister. Veiller à ne jamais plier le genou devant la bête, quelle que soit la forme qu'elle prend.

Il y a eu dans l'histoire des manifestations évidentes de cette bête, d'autres plus insidieuses. Aujourd'hui, il y a une bête évidente à identifier. C'est la bête islamiste. Pas de doute possible. Daesh a la marque des bêtes de l'Apocalypse, avec sa logique de terreur, sa volonté d'expansion et d'extermination, en particulier envers les chrétiens. Avec sa puissance totalitaire et sa force de propagande. Il faut la combattre, prier pour que la communauté internationale mette tout en œuvre pour la vaincre.

Mais est-elle la seule contre laquelle se prémunir aujourd'hui ? L'apparence inoffensive de la seconde bête doit nous mettre en garde. Sa voix de dragon n'est-elle pas aussi dans les discours haineux et xénophobes, antisémites ou islamophobe, qui ont tendance à se banaliser ? La poussée des partis politiques extrêmes en Europe, et en particulier en France, est inquiétante. Surtout quand elle se confirme dans les urnes...

Saviez-vous que l'ONU, à travers son comité pour l’élimination de la discrimination raciale (Cerd) a dénoncé cette semaine la banalisation du discours haineux en France à l’égard des minorités ?

Il nous faut résister aux deux bêtes : la première, terrifiante et inquiétante, autant que la seconde, insidieuse et séductrice.


Prier

La troisième piste découle des deux premières. Prier. L'exhortation n'est pas présente explicitement dans notre texte mais elle en est la conséquence inévitable pour le croyant.

Prier pour avoir la sagesse de comprendre le « chiffre de la bête », débusquer la bête et ne pas nous laisser séduire ou terroriser. Prier pour décrypter notre monde avec discernement et ne pas s'engager dans des théories fumeuses ou farfelues.

Prier pour avoir la force et le courage de résister quand cela est nécessaire. Le courage de s'élever contre le pouvoir quand il se transforme en bête, le courage de dénoncer les idéologies haineuses et moribondes.

Prier aussi pour les autorités, comme l'apôtre Paul nous y invite. C'est une façon de leur être soumis, de les respecter. Car si tout pouvoir humain a le risque de basculer dans le côté obscur, Dieu peut aussi utiliser des hommes et des femmes pour le bien de tous. Résister au mal, c'est aussi promouvoir le bien.

Prier enfin pour garder l'espérance, en toute circonstance. Car l'Apocalypse nous apprend que ce ne sont ni le Dragon ni les bêtes qui auront le dernier mot mais le Christ ressuscité. Au chapitre 19 de l'Apocalypse, la bête et le faux prophète sont vaincus par le cavalier montant un cheval blanc, une image du Christ. Ils sont jetés dans l'étang de feu, là où le diable les rejoindra.


Conclusion

Faut-il avoir peur de l'Apocalypse ? Non ! Certes, la vision assez terrifiante de ce chapitre ne nous encourage guère à l'optimisme. Mais elle est là avant tout pour nous mettre en garde et nous appeler à la vigilance, pour que nous sachions être attentifs aux véritables enjeux spirituels.

Les pouvoirs politiques ne sont pas toujours bienveillants à l'égard des chrétiens, ils ne sont pas toujours en accord avec les valeurs de l’Évangile. Loin de là... C'est pourquoi nous sommes appelés à la vigilance, pour décrypter, résister et prier. Tout en sachant que le dernier mot ne sera pas à un quelconque pouvoir humain, aussi terrifiant et monstrueux soit-il, mais à Celui qui est mort et ressuscité et qui viendra un jour établir son règne d'amour, de justice et de paix.