dimanche 25 décembre 2016

Un enfant est né pour nous

« Un enfant est né pour nous, un fils nous est donné. Il a reçu l'autorité d'un roi. On lui donne pour nom : Conseiller merveilleux, Dieu fort, Père éternel, Prince de la paix. » (Esaïe 9.5)

Les promesses messianiques des prophètes de l'Ancien Testament sont merveilleuses. La façon dont elles se sont accomplies en Jésus-Christ est plus merveilleuse encore. Ainsi, les noms donnés au Messie dans le texte d'Esaïe s'accomplissent merveilleusement dans la personne de Jésus... et mystérieusement la nuit de Noël.

Conseiller merveilleux
Ce nom évoque la sagesse. Celle que Jésus manifestera dans son enseignement, déjouant les pièges de ses adversaires et fascinant les foules. Il est lui-même la sagesse de Dieu révélée aux hommes. Une sagesse qui se cache parfois derrière des apparences trompeuses. Comme celle du jour de Noël, dans la folie de la crèche : le Fils de Dieu naît dans une étable, au sein d'une famille modeste. C'est pourtant ainsi qu'il s'identifie à nous, jusqu'au plus petit des humains.

Dieu fort
On pense à la puissance manifestée dans ses miracles nombreux et parfois impressionnants. On pense bien-sûr à la puissance incomparable de la résurrection. Mais à Noël, elle est toute contenue dans ce petit enfant. La force de Dieu c'est aussi de pouvoir se faire tout petit, pour se faire proche de nous. Sa force se manifeste dans l'incarnation : le Fils de Dieu devient homme. Quel miracle !

Père éternel
C'est peut-être le nom le plus surprenant... pour le Fils de Dieu. Mais Jésus n'a-t-il pas dit que lui et le Père ne faisaient qu'un ? Que par le Fils nous voyons le Père ? Il est Dieu lui-même, éternel. Comme l'exprime le prologue de l'évangile selon Jean. Et pourtant il accepte de devenir mortel en devenant homme. Le Dieu éternel devient un petit enfant. L'homme Jésus deviendra éternel par sa résurrection.

Prince de la paix
C'est peut-être le nom le plus évident quand on pense à Noël. Comment un petit enfant pourrait-il être une menace ? Mais de quelle paix parle-t-on ? Non pas seulement l'absence de conflit mais une paix nouvelle, qui provient de la réconciliation avec Dieu. Jésus est celui qui rend possible cette paix, par sa mort et sa résurrection : l'oeuvre de salut qui rend possible le pardon de Dieu et invite tous les humains à la paix.

Conseiller merveilleux, Dieu fort, Père éternel, prince de la paix. Jésus l'était déjà, au moins en germe, dans la crèche. Il l'a été au cours de son ministère. Il l'est pleinement aujourd'hui et le sera plus parfaitement encore demain. Il est notre Seigneur, que nous célébrons en cette nuit de Noël !

dimanche 18 décembre 2016

La fatigue de Dieu

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Avant de lire le texte, précisons quelques éléments de contexte. Nous sommes au Ve siècle avant Jésus-Christ. Plusieurs décennies après le retour de l'Exil, les promesses de Dieu ne semblent pas vouloir s'accomplir. Zorobabel, en qui reposait tout l'espoir, est mort. La dynastie royale issue de David n'a pas été rétablie. Le temple a bien été reconstruit mais la routine s'y est déjà installée... Bref, on est loin de la gloire annoncée par les prophètes de l'Exil ! Le peuple de Juda est désabusé... et Dieu est tenu pour responsable.

Le texte que nous allons lire est révélateur de ce contexte. Et Dieu y répond aux accusations qui sont faites à son égard en annonçant qu'il va envoyer un messager pour préparer son chemin et qu'il viendra pour exercer un jugement. Un discours que nous entendrons dans les évangiles, à travers le personnage de Jean-Baptiste, identifié dans le Nouveau Testament au messager de Malachie. Ce texte est donc bien un texte de l'Avent ! Et le jugement qu'il annonce pourrait bien être éclairé d'une lumière nouvelle avec Jésus-Christ.

Malachie 2.17-3-5
17 Vous fatiguez le SEIGNEUR avec vos discours. 
Vous dites : « Comment est-ce que nous le fatiguons ? » 
Vous le fatiguez quand vous dites : « Ceux qui font le mal, le SEIGNEUR les regarde avec bonté. Il approuve ces gens-là. » Vous dites aussi : « Le Dieu qui juge avec justice, que fait-il ? »
1 Voici la réponse du SEIGNEUR de l'univers : « Je vais envoyer mon messager. Il préparera le chemin pour moi. Tout à coup, le Seigneur que vous désirez arrivera dans son temple. Voici le messager de l'alliance que vous attendez, il arrive. » 2 Qui pourra résister quand il viendra ? Qui pourra rester debout quand il se montrera ? Car il est comme le feu du fondeur, comme la lessive du blanchisseur. 3 Il s'installera pour fondre l'argent au feu et pour le rendre pur. Il purifiera les prêtres de la famille de Lévi, ils les rendra purs comme on rend purs l'or et l'argent. Alors ils pourront présenter les offrandes au SEIGNEUR en respectant les règles. 4 Ainsi, les offrandes des gens de Jérusalem et des autres habitants de Juda plairont au SEIGNEUR, comme autrefois, dans le passé. 5 Oui, le SEIGNEUR de l'univers le dit : « Je viendrai au milieu de vous pour vous juger. Je me dépêcherai d'accuser les sorciers, ceux qui commettent l'adultère, ceux qui font des serments faux, ceux qui paient mal leurs ouvriers, ceux qui écrasent les veuves et les orphelins par l'injustice, ceux qui traitent mal les étrangers, tous ceux qui ne me respectent pas. »

La Bible utilise souvent des anthropomorphismes pour parler de Dieu : on projette sur Dieu des attitudes humaines. Il faut bien parler de ce qu'on connaît... tout en étant conscient que c'est toujours une façon imparfaite d'évoquer Dieu, bien que parlante.

Il y a deux semaines, nous avons médité le Psaume 2 dans lequel Dieu riait de l'agitation des peuples contre lui, des attaques vaines qui ne l'atteignent pas. Ici, Dieu est fatigué par les discours de son peuple. L'image du Dieu moqueur parlait d'un Dieu qui ne peut pas être atteint par les moqueries des hommes. L'image, ici, du Dieu exaspéré montre qu'il est touché par les paroles et le attitudes de son peuple.


1. Fatigué...

« Vous fatiguez le Seigneur avec vos discours ! » Quelle force dans cette affirmation ! Elle dit que la patience de Dieu est à bout.

Vous savez, comme quand des parents n'en peuvent plus que leur enfant fasse toujours les mêmes bêtises : « tu me fatigues ! ». Ou quand quelqu'un vient toujours se plaindre à vous de la même chose : « tu me fatigues ! ».

Ou même quand Jésus en a assez de l'incrédulité de ses disciples qui ne comprennent jamais rien à rien : « Gens de peu de foi. Jusqu'à quand vous supporterais-je ? » (Matthieu 17.17 par exemple). Une autre façon de le dire n'aurait-elle pas été : « Vous me fatiguez ! » ?

Franchement, vous ne croyez pas que le Seigneur pourrait nous dire la même chose parfois ? « Tu me fatigues ! » Face à l'écart entre nos paroles et nos actes, face à nos plaintes et nos récriminations... « Tu me fatigues ! »

Si on revient à notre texte, Malachie évoque ce qui fatigue le Seigneur. Son peuple se plaint de la non-intervention de Dieu, qu'il n'accomplit pas ses promesses, pire, qu'il approuve ceux qui font le mal puisqu'il ne les juge pas ! Ça le fatigue, d'abord parce que ce n'est pas vrai et ensuite parce que ceux qui tiennent ces propos ne sont sans doute pas meilleurs que ceux qu'ils désignent comme des méchants que Dieu ne punit pas. Vous savez, c'est l'histoire de la paille et la poutre...

Voyez le verset 5 où Dieu dit aux Israélites : « Je viendrai au milieu de vous pour vous juger. » ! Vous voulez que je juge le méchant ? Mais alors vous aussi vous serez jugés... et vous avez bien des choses à vous reprocher. La liste qui suit le montre bien. Notez bien d'ailleurs qu'à part le premier reproche qui est de nature religieuse, la sorcellerie, les autres sont plutôt de nature sociale : adultères, faux serments, oppression des ouvriers, des veuves et des orphelins, des étrangers. On n'est pas au temple, là, mais dans la vie quotidienne.

Cette liste montre bien d'ailleurs qu'il y a une incohérence du peuple à accepter ces pratiques en son sein tout en reprochant à Dieu de ne pas accomplir ses promesses ! « C'est un scandale, Dieu n'accomplit pas ses promesses... » mais dans notre quotidien, on tolère ce que Dieu dénonce ouvertement. « Je ne comprends pas, Dieu ne répond pas à ma prière... » mais je fais un peu n'importe quoi de ma vie. Ca ne vous paraît pas incohérent ? Voilà pourquoi Dieu est fatigué par de tels discours...

En fait, en un mot, je crois que Dieu est fatigué par notre incohérence. Et je crois d'ailleurs aussi que cette incohérence est source de fatigue pour nous. Un des enjeux majeures de la vie chrétienne, c'est la cohérence : entre nos paroles et nos actes, entre ce que nous croyons et ce que nous faisons, entre le dimanche et le reste de la semaine, entre l’Église, la famille et le travail... L'incohérence crée un malaise devant Dieu, devant les autres, en nous-mêmes. La cohérence crée l'harmonie et la paix intérieure, le repos plutôt que la fatigue.


2. Retrouver le repos

Mais revenons à la « fatigue » de Dieu. Si le Seigneur est fatigué, c'est bien parce qu'il est touché par ce que nous disons et faisons. Il ne serait pas fatigué s'il s'en fichait, s'il ne se souciait pas de nous. C'est bien dans cette optique qu'il faut comprendre la perspective de jugement présente dans ce texte.

En réponse à sa « fatigue », Dieu annonce donc un jugement purificateur : comme le feu du fondeur et la lessive du blanchisseur. L'objectif, c'est de retrouver une pratique cultuelle agréable à Dieu : « Ainsi, les offrandes des gens de Jérusalem et des autres habitants de Juda plairont au SEIGNEUR, comme autrefois, dans le passé. » (v.4). On pourrait dire qu'alors, le Seigneur ne sera plus fatigué par son peuple !

Dans une perspective messianique, il y a bien-sûr un écho à ce jugement dans le ministère de Jésus. On pourrait même parler d'un double écho, l'un conforme à ce que Jean-Baptiste attendait et annonçait, l'autre plus surprenant.

En ce qui concerne l'écho conforme au jugement imminent que Jean annonçait, on peut penser à la colère de Jésus dans le temple, quand il renverse les tables des marchands et dénonce le commerce qui a transformé la maison de prière que devait être le temple en repaire de voleurs. Il y a dans ce coup de force de Jésus un accent prophétique dans la lignée de Malachie ou des autres prophètes de l'Ancien Testament, ou dans la lignée de Jean-Baptiste.

Mais après cette colère, Jésus ne va pas plus loin dans son coup de force. Il n'invite pas à la révolution ou la révolte. Il annonce certes la destruction du temple mais aussi sa reconstruction, en trois jours. Et c'est là que cela devient surprenant. Car il ne parle pas d'un temple fait de pierres mais du temple de son corps (Jean 2.19-21). Le culte pleinement rétabli le sera sans temple, ou plutôt à travers un autre temple, spirituel. Comme Jésus le disait à la femme Samaritaine qui lui demandait où il convenait d'adorer Dieu :
« L’heure vient, elle est là, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ; tels sont, en effet, les adorateurs que cherche le Père. Dieu est esprit et c’est pourquoi ceux qui l’adorent doivent adorer en esprit et en vérité. »
(Jean 4.23-24)

Alors, il n'y a plus de jugement ? Si, mais il est tombé sur Jésus, à notre place ! Une perspective que ni Jean-Baptiste ni Malachie n'avaient sans doute imaginée. Une perspective qui est devenue possible le jour de Noël, où le Fils de Dieu s'est fait homme. Jésus-Christ est notre paix, il est notre repos.

L'objectif de Dieu est toujours la restauration de la relation brisée. C'est vrai depuis la Genèse et c'est constamment rappelé par les prophètes. Le cœur de notre foi, en Jésus-Christ, c'est cette relation retrouvée avec Dieu. La mort et la résurrection de Jésus-Christ l'a rendue possible. Mais est-ce que nous en profitons vraiment ? Nous qui, si souvent, trouvons peu de temps pour prier et lire la Bible, nous qui ne mettons pas toujours les préoccupation spirituelles en priorité dans notre vie... Il ne s'agit pas de se culpabiliser mais de prendre à nouveau conscience du privilège que nous avons en Jésus-Christ. Et cela va bien au-delà d'un temple de pierre où l'on offre des sacrifices agréés par Dieu. Nous sommes aujourd'hui en communion directe avec Dieu, en Jésus-Christ et grâce à l'action en nous du Saint-Esprit !

Conclusion

En réalité, si Dieu se dit fatigué, c'est pour nous réveiller ! Il faut dire que nous sommes doués pour mettre à l'épreuve sa patience...

Les messagers qui préparent la voie du Seigneur, comme Malachie ou Jean-Baptiste, sont là pour mettre le doigt sur nos incohérences, pour que nous puissions vivre pleinement une relation restaurée avec Dieu.

Et le temps de l'Avent, où nous nous préparons à accueillir le Christ, est particulièrement propice à cette démarche. C'est le moment où nous nous souvenons que Dieu lui-même a pris l'initiative de la réconciliation, en devenant l'un des nôtres. Son œuvre en Jésus-Christ, sa mort et sa résurrection, nous offre le vrai repos, celui de la paix avec Dieu.

Plus de fatigue, ni pour nous, ni pour Dieu ! Mais le repos d'une communion retrouvée, d'une relation toujours à approfondir. Voilà la bonne nouvelle du salut en Jésus-Christ !

dimanche 4 décembre 2016

L'attente d'un Roi

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Psaume 2 (NBS)
1 Pourquoi les nations s'agitent-elles ? Pourquoi les peuples grondent-ils en vain ?
2 Les rois de la terre se postent, les princes se liguent ensemble contre le SEIGNEUR et contre l'homme qui a reçu son onction :
3 Brisons leurs liens, secouons leurs chaînes !
4 Il rit, celui qui habite le ciel, le Seigneur se moque d'eux.
5 Il leur parle dans sa colère, dans sa fureur il les épouvante :
6 C'est moi qui ai investi mon roi sur Sion, ma montagne sacrée !
7 Je vais proclamer le décret du SEIGNEUR ; il m'a dit : Tu es mon fils ! C'est moi qui t'ai engendré aujourd'hui.
8 Demande-moi et je te donnerai les nations comme patrimoine, comme propriété les extrémités de la terre ;
9 tu les briseras avec un sceptre de fer. Comme une poterie tu les mettras en pièces.
10 Et maintenant, rois, ayez du bon sens ! Recevez l'instruction, juges de la terre !
11 Servez le SEIGNEUR avec crainte, soyez dans l'allégresse en frissonnant.
12 Embrassez le fils, de peur qu'il ne se mette en colère et que vous ne disparaissiez en chemin ; car sa colère s'enflamme vite.Heureux tous ceux qui trouvent en lui un abri !


Pourquoi lire ce psaume dans ce temps de l'Avent ? Parce qu'il est messianique ! Autrement dit, il oriente nos regards vers le Messie, Celui que Dieu aura choisi pour accomplir son dessein.

D'ailleurs, le mot « messie » est utilisé au verset 2. « Celui qui a reçut l'onction », c'est le mot hébreu que l'on transcrit en français par « messie ». L'onction d'huile était le signe du choix et de la consécration de Dieu. Elle était notamment appliquée au roi au moment de son sacre.

Au premier abord, le Psaume peut donc être compris dans le contexte du peuple d'Israël. Son point culminant, le verset 7, « Tu es mon fils ! C'est moi qui t'ai engendré aujourd'hui », est alors compris comme l'affirmation du choix de Dieu, de son « adoption » du roi comme son propre fils, lui conférant son autorité. Mais on perçoit une portée plus large, une dimension universelle, qui déborde le cadre du peuple d'Israël et pointe vers un accomplissement futur.

Et, comme par hasard (!), le verset 7 est justement l'un des versets de l'Ancien Testament les plus cités dans le Nouveau Testament, en lien avec des épisodes clés de la vie de Jésus.

On en trouve un écho claire au moment du baptême de Jésus, lorsque la voix de Dieu retentit du ciel : « Tu es mon fils bien-aimé ; c'est en toi que j'ai pris plaisir ». Il y a bien dans ces paroles un écho au psaume 2. Et même, dans la version de Luc (Luc 3.22), plusieurs manuscrits ont en lieu et place de ces paroles le verset du psaume 2 : « Tu es mon fils, moi, aujourd'hui, je t'ai engendré. » C'est d'ailleurs la variante que retient la version de la TOB.

Dans son discours à Antioche de Pisidie, l'apôtre Paul cite explicitement notre psaume, en l'appliquant à la résurrection de Jésus :

« Nous aussi, nous vous annonçons cette bonne nouvelle : la promesse faite aux pères, Dieu l’a pleinement accomplie à l’égard de nous, leurs enfants, quand il a ressuscité Jésus, comme il est écrit au psaume second : Tu es mon fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré. » (Actes 13.32-33)

Enfin, dans l'épître aux Hébreux, le verset est cité deux fois, en lien avec l'Ascension du Christ :

« Ce Fils, qui est le rayonnement de sa gloire et l'expression de sa réalité même, soutient tout par sa parole puissante ; après avoir fait la purification des péchés, il s'est assis à la droite de la majesté dans les hauteurs, devenu d'autant supérieur aux anges qu'il a hérité un nom plus remarquable que le leur. Auquel des anges, en effet, Dieu a-t-il jamais dit : Tu es mon Fils, c'est moi qui t'ai engendré aujourd'hui.. » (Hb 1.3-5a)

De même, lorsqu'il est question du Christ comme du Grand Prêtre de la nouvelle alliance :

« De même, le Christ ne s'est pas octroyé à lui-même la gloire de devenir grand prêtre ; il l'a reçue de celui qui lui a dit : Tu es mon fils, c'est moi qui t'ai engendré aujourd'hui. » (Hb 5.5)

Les auteurs du Nouveau Testament ont donc vu dans ce psaume, et en particulier ce verset 7, une dimension messianique évidente, l'appliquant à trois événements clés de la vie de Jésus : son baptême, sa résurrection et son ascension.

Le psaume 2 exprime quelque chose de l'attente messianique, qui s'accomplira en Jésus-Christ. L'attente d'un roi dont le royaume aura une domination universelle. Un roi qui finit par se confondre avec le Seigneur lui-même. Et ce psaume l'exprime de façon très dynamique, mettant en scène Dieu et son Messie d'un côté, et les nations de l'autre, le psalmiste jouant le rôle d'arbitre. Il y a d'un côté l'hostilité des peuples, de l'autre, la réaction surprenante de Dieu.


Hostiles à Dieu

Le Psaume s'ouvre avec les nations qui s'agitent et qui affirment leur hostilité face au Seigneur et son messie : « Brisons leurs liens, secouons leurs chaînes ! »

Bien-sûr, dans le contexte du Psaume, il y avait des conflits militaires entre les peuples. Le Seigneur était perçu comme le Dieu d'Israël. Les peuples voisins, s'ils étaient ennemis d'Israël, étaient aussi ennemis du Dieu d'Israël. Mais si on place ce psaume dans sa perspective messianique, l'hostilité des peuples prend une autre dimension.

Il est alors intéressant de noter combien l'hostilité au Messie est un thème central des évangiles. Jean, dans son prologue, parle du Christ comme de la lumière venue dans nos ténèbres mais qui n'a pas été accueillie, Marie et Joseph ne trouvent pas de place pour les accueillir et Jésus naîtra dans une étable, Hérode ordonne de tuer les petits enfants Juifs après la visite des mages d'Orient, les chefs religieux s'opposent à Jésus au cours de son ministère et manipulent les foules pour le faire crucifier. Cette hostilité s'est transférée, dans le livre des Actes des apôtres, aux disciples du Christ, la première Église persécutée par les responsables religieux Juifs, puis par les autorités romaines. On en a aussi les échos dans les épîtres du Nouveau Testament. Elle est enfin au cœur de l'Apocalypse, cette révélation de Dieu sur les enjeux spirituels de l'histoire, jusqu'à son achèvement.

Le Messie, qui pourtant apporte le salut et la libération, est source d'hostilité. « Brisons leurs liens, secouons leurs chaînes. » Dit-on autre chose aujourd'hui quand on veut évacuer Dieu de la place publique ? Quand toute référence à Dieu, la foi, la religion, est perçue comme rétrograde, suspecte, voire dangereuse ?

Mais pourquoi le message libérateur de l’Évangile est-il si souvent perçu comme une entrave ?

Peut-être, en partie, parce que trop souvent l'image de la vie de disciple du Christ que renvoient les chrétiens donne l'impression d'une vie faite de contraintes et d'interdits. Comme si on avait oublié que le message de l’Évangile du Christ est avant tout un message de libération !

Mais sans doute aussi parce qu'il y a profondément ancré en tout homme cette prétention à l'autonomie devant Dieu. Le mensonge du Serpent de la Genèse résonne encore : « Vous ne mourrez pas ! Vous deviendrez comme Dieu ». Toute foi, toute confiance placée en Dieu est perçue comme une aliénation. « Je suis mon propre Dieu et je gère ma vie comme je l'entends ! »

C'est d'ailleurs à cette prétention que Dieu répond dans ce psaume. D'une façon plutôt étonnante...


Dieu réagit

En effet, quelle est la réaction de Dieu? Il rit et se met en colère ! Bien-sûr, c'est un langage anthropomorphique : on projette sur Dieu nos comportements humains. Il n'empêche... Dire de Dieu qu'il rit et se met en colère, c'est  vraiment surprenant ! Surtout que le rire ici n'est pas un rire de joie mais un rire moqueur !

Le rire de Dieu

Toute cette agitation contre lui, ces attaques, ces moqueries... Rien de tout cela n'atteint Dieu ! Comme si ça pouvait être une menace pour lui... Il en rit ! On n'a pas l'habitude de se représenter Dieu en train de rire. Et pourtant...

Et allez savoir s'il n'y a pas aussi, dans ce rire de Dieu, l'expression de son humour ? Car n'y a-t-il pas de l'humour dans ce Dieu qui prend les hommes à rebrousse-poil ? Y compris dans la façon dont il accomplira son plan de salut... Voyez à Noël : les mages et les sages cherchent le Messie dans un palais ; il est dans une étable. Voyez le modèle de foi que Jésus prend pour son Royaume : les petits enfants... Et que dit-il des chefs religieux ? Ils seront devancés dans le Royaume de Dieu par les péagers et les prostituées. Un humour grinçant... que l'on retrouve dans ce refrain des évangiles : « Les premiers seront les derniers, et les derniers seront les premiers ».

Oui, il y a de quoi rire devant la prétention et l'orgueil des peuples, la suffisance des sages et des grands de ce monde qui pensent pouvoir s'opposer à Dieu, se passer de lui ! Il y a de quoi sourire quand on considère que le chemin choisi par Dieu pour nous sauver de notre orgueil et nos suffisances, c'est l'humble venue du Fils de Dieu en tant que serviteur, homme parmi les hommes, souffrant jusqu'à la mort. L'exact opposé de l'orgueil des hommes voulant prendre la place de Dieu... c'est Dieu qui a pris notre place !

La colère de Dieu

L'autre réaction de Dieu, immédiatement associée au rire du verset 4, c'est la colère du verset 5. Si les attaques des humains ne l'atteignent pas, ne le mettent pas en danger, ça ne signifie pas autant que leur rébellion ne le touche pas. L'aveuglement des hommes, leur orgueil, les emmène sur un chemin de perdition. L'enjeu est vital. Et il faut taper du poing sur la table pour qu'ils le réalisent. C'est ce que faisaient constamment les prophètes dans l'Ancien Testament... Ce psaume 2 a aussi cette dimension prophétique.

Mais la colère de Dieu a un but : ramener chacun à une juste attitude devant Dieu. A la fin du psaume, l'appel adressé aux rois les invite à servir le Seigneur avec crainte, et à être dans l'allégresse... en tremblant ! La crainte dont il est question ici n'empêche donc pas d'être dans la joie. Et le psaume se termine par une béatitude : « Heureux tous ceux qui trouvent en lui un abri ! »

En réalité, le rire et la colère de Dieu poursuivent le même objectif : nous faire descendre de notre piédestal, rabaisser notre orgueil et nos prétentions. Bref, nous remettre à notre juste place. Et trouver en Dieu un abri.


Conclusion

L'accomplissement ultime de la perspective messianique de ce psaume, on la trouvera en Jésus-Christ, à travers un plan surprenant que l'orgueil des hommes ne pouvait même pas imaginer.

Pour nous faire descendre de notre piédestal, le Fils de Dieu a quitté la gloire du Ciel pour nous rejoindre dans notre humanité. Pour nous ramener à notre juste place, Dieu a pris notre place. Il s'est fait homme, il est mort pour nous.

Le Roi annoncé par ce psaume s'est fait serviteur, il a partagé notre humanité. Son Royaume est ouvert à ceux qui savent devenir comme des petits enfants. Alors si Dieu rit de notre orgueil et de nos prétentions, il se réjouit de notre humilité. Il l'a même partagée, en Jésus-Christ.

dimanche 20 novembre 2016

L’Évangile, tout simplement

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Romains 1.1-17
1Moi, Paul, serviteur du Christ Jésus, je vous écris. Dieu m'a appelé pour être apôtre et il m'a mis à part pour annoncer sa Bonne Nouvelle.
2Cette Bonne Nouvelle, Dieu l'a promise depuis longtemps, par ses prophètes, dans les Livres Saints. 3Elle parle de son Fils : Comme être humain, il est né dans la famille de David, son ancêtre. 4Par l'Esprit Saint, Dieu l'a établi dans sa puissance de Fils de Dieu, quand il l'a fait se lever de la mort. C'est Jésus-Christ, notre Seigneur. 5Par lui, j'ai reçu le don d'être apôtre, pour l'honneur du Christ, afin d'amener les gens de tous les peuples à croire en lui et à lui obéir. 6Vous aussi, vous faites partie de ces gens-là, puisque Jésus-Christ vous a appelés.
7Vous tous qui êtes à Rome, Dieu vous aime et il vous a appelés à vivre pour lui. Que Dieu notre Père et le Seigneur Jésus-Christ vous bénissent et vous donnent la paix !
8Tout d'abord, je remercie mon Dieu par Jésus-Christ pour vous tous, parce qu'on parle de votre foi dans le monde entier. 9Quand j'annonce la Bonne Nouvelle du Fils de Dieu, je sers Dieu de tout mon cœur. Et lui, il sait que je dis la vérité : quand je prie, je dis toujours vos noms, 10et je demande sans cesse de pouvoir aller chez vous, si Dieu le veut. 11Oui, j'ai très envie de vous voir pour partager avec vous les dons de l'Esprit Saint, alors vous serez plus forts. 12Ou plus exactement, quand je serai auprès de vous, la foi que nous avons, vous et moi, nous encouragera tous.
13Frères et sœurs chrétiens, je ne veux pas que vous ignoriez ceci : j'ai eu plusieurs fois l'intention d'aller chez vous, mais jusqu'à maintenant, je n'ai pas pu le faire. J'espérais obtenir de bons résultats, chez vous comme dans les autres pays. 14Je dois m'occuper de tous, des gens civilisés et de ceux qui ne le sont pas, des gens instruits et des ignorants. 15Je désire donc vivement vous annoncer la Bonne Nouvelle, à vous aussi qui habitez à Rome.
16Je n'ai pas honte d'annoncer la Bonne Nouvelle. Elle est la puissance de Dieu pour sauver tous ceux qui croient : les Juifs d'abord, les autres ensuite. 17En effet, la Bonne Nouvelle montre ceci : Dieu reconnaît les êtres humains comme justes quand ils croient en lui, et cette foi suffit. Oui, dans les Livres Saints, on lit : « Celui qui croit en Dieu est juste, et ainsi, il aura la vie. »


A l'heure de la communication par mail ou SMS, une telle entrée en matière impressionne ! Et même au temps où vous écriviez des lettres, je ne pense pas que vous les commenciez de la sorte... Il faut dire qu'elle donne le ton de toute l'épître, sans doute la plus dense du Nouveau Testament. Elle contient en germe tout le développement théologique qui va suivre.

Mais en réalité, le cœur du message de l'épître est simple, et il apparaît déjà dans cette introduction. Le cœur du message, c'est l’Évangile, la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ. Tout simplement.


L’Évangile, c'est Jésus-Christ !

Il faut savoir que les versets 1-7, en grec, sont une seule et longue phrase. L'apôtre Paul est coutumier du fait. C'est un enchaînement de phrases relatives qu'on est obligé de traduire par plusieurs phrases séparées en français. Mais elle est structurée de telle façon qu'au centre de cet enchevêtrement de phrases se trouve une affirmation : « Jésus-Christ notre Seigneur ».

Autrement dit, si on condensait au maximum cette introduction pour faire ressortir son idée centrale, pour Paul, l’Évangile, c'est Jésus-Christ. Et rien d'autre. Comme il le dira d'ailleurs aux Corinthiens :

« Je suis venu chez vous pour vous annoncer le projet caché de Dieu. Mais je ne l'ai pas fait avec des paroles compliquées ni avec des connaissances extraordinaires. En effet, au milieu de vous, je n'ai rien voulu savoir, sinon Jésus-Christ, et Jésus-Christ cloué sur une croix. » (1 Co 2.1-2)

L’Évangile n'est pas un code de morale ou un ensemble de valeurs. Ce n'est même pas un corpus doctrinal. L’Évangile, c'est la personne et l’œuvre de Jésus-Christ. Une Bonne Nouvelle qui s'est incarnée dans l'histoire : Jésus a été annoncé par les prophètes, il est né issu de la famille de David. Mais elle bouleverse aussi l'histoire : Jésus est mort et ressuscité, proclamé Fils de Dieu.

J'ai l'impression que dans nos traditions évangéliques, on a eu tendance à avoir de l’Évangile une définition assez doctrinale, presque abstraite (les 4 lois spirituelles), dans laquelle on veut tout intégrer : le péché, la prédestination, la Trinité, voire même le millénium ! On y a parfois aussi ajouté certains impératifs moraux ou des valeurs indissociables : l’Évangile, c'est Jésus-Christ et tel changement de comportement, telle valeur, etc...

Tout cela est intéressant... mais est-ce qu'on ne risque pas de perdre de vue ce qui est le cœur de l’Évangile ? N'est-il pas salutaire de revenir à cette définition la plus sobre possible : l’Évangile, c'est Jésus-Christ. Car cela a des implications pratiques...

Si l’Évangile, c'est Jésus-Christ, alors accueillir l’Évangile, ce n'est pas adopter des valeurs, se conformer à une éthique ou adhérer à une confession de foi doctrinale. Accueillir l’Évangile, c'est rencontrer le Christ. Bien-sûr que cette rencontre aura des conséquences éthiques et théologiques, qu'elle va changer notre vie, notre vision de Dieu, du monde et de nous-mêmes. Mais tout cela sera une conséquence de la rencontre première avec le Christ.

Si l’Évangile, c'est Jésus-Christ, alors proclamer l’Évangile, c'est être témoin de Jésus-Christ. C'est raconter le Christ. C'est bien ce que font les quatre évangiles ! Ne sommes-nous pas appelés à faire de même dans notre témoignage personnel ? En le faisant, du coup, de manière personnalisée. Raconter le Christ qui nous est révélé dans la Bible et raconter le Christ dans ma vie.

Si l’Évangile, c'est Jésus-Christ, alors être fidèle à l’Évangile, c'est être fidèle au Christ. Il ne s'agit pas d'être les promoteurs de valeurs chrétiennes ou de comportements moraux évangéliques. Notre tâche première n'est pas d'être les défenseurs de la saine doctrine. Notre responsabilité première est d'être attaché au Christ et à son exemple. C'est là que se révèle la puissance de l’Évangile.

Car comment un code de morale ou un corpus doctrinal pourrait-il être une puissance de Dieu ? C'est Jésus-Christ, mort et ressuscité, qui est puissance de Dieu. La puissance qui a ressuscité le Christ d'entre les morts, c'est aussi celle qui est à l’œuvre dans notre vie.

L’Évangile, c'est Jésus-Christ. Tout simplement.


L’Évangile, c'est pour tous !

Une autre affirmation fondamentale sur l’Évangile, au cœur de cette introduction, c'est son caractère universel. L’Évangile, c'est pour tous !

C'est particulièrement pertinent dans le contexte de l'épître aux Romains où Paul travaille à l'unité de l’Église face aux difficulté de la cohabitation entre chrétiens d'origine juive et chrétiens d'origine païenne. C'est au cœur de toute sa démonstration tout au long de l'épître et dès cette introduction.

Paul parle ici de l’Évangile comme d'une puissance pour sauver « tous ceux qui croient ». Et il décrit son ministère d'apôtre comme universel : « Je dois m'occuper de tous, des gens civilisés et de ceux qui ne le sont pas, des gens instruits et des ignorants. » Parce que l’Évangile n'est pas réservé à une élite, à quelques privilégiés ou une poignée d'élus.

En fait, si l’Évangile n'est pas pour tous, alors ce n'est pas l’Évangile du tout !

Cette puissance de Dieu, « pour les Juifs d'abord, les autres ensuite », c'est celle de la mort et la résurrection du Christ. Et l'accès à cette puissance est la même pour tous, Juifs ou non-Juifs : la foi. «  Dieu reconnaît les êtres humains comme justes quand ils croient en lui, et cette foi suffit ». Dieu nous déclare juste en vertu du Christ. Nous recevons sa justice, et nous sommes pardonnés. Et c'est la même chose pour tous ceux qui croient, qu'ils soient Juifs et païens, instruits ou ignorants, riches ou pauvres...

Cette universalité de l’Évangile nous interroge toujours sur le regard que nous portons sur notre prochain. Chaque être humain sur cette terre, quel qu'il soit, quoi qu'il ait fait, est un être que Dieu veut sauver, un pécheur perdu pour lequel Jésus-Christ a donné sa vie. Je ne suis pas sûr que nous ayons vraiment le même regard sur tous nos contemporains...

A cet égard, j'aime beaucoup le livre de Jonas et son humour piquant, véritable pépite de l'Ancien Testament. C'est l'histoire d'un prophète qui refuse d'aller en Assyrie, chez l'ennemi, pour annoncer la destruction de Ninive de peur que ses habitants se repentent et que Dieu les épargne... et qui se met à bouder lorsque, justement, ça arrive ! Non sans humour, ce texte pointe du doigt notre difficulté, parfois, à accepter la grâce pour les autres. Pour ceux qui, nous le pensons, ne la mérite pas... oubliant que nous ne la méritons pas plus qu'eux !

Du coup, dire que l’Évangile est pour tous, c'est aussi dire qu'il est encore pour nous aussi. Il est pour tous, et toujours. Pour moi aujourd'hui encore. Sinon, c'est comme si on disait : l’Évangile, c'est pour la conversion. Après, on passe à autre chose, on va plus loin. Ca n'a pas de sens. C'est en Christ que se révèle toute la plénitude de Dieu, c'est par lui que s'accomplit tout le projet de Dieu. Que rechercher d'autre ?

Il est d'ailleurs intéressant de noter comment Paul expose ses projets de voyage à Rome. On le sent motivé, enthousiaste à l'idée d'aller les rencontrer. Dans quel but ? Pour leur annoncer l’Évangile. Pourtant, il écrit à des chrétiens... Ils ont déjà reçu l’Évangile. Mais celui qui a déjà reçu l’Évangile doit le recevoir encore. La rencontre avec le Christ est toujours à renouveler, notre relation à entretenir. L'histoire du Christ doit sans cesse nous rejoindre dans notre histoire.

L’Évangile, c'est pour tous, et pour tous les jours de ma vie !


Conclusion

L’Évangile, c'est Jésus-Christ. Tout simplement. Il est notre Seigneur, notre sauveur. Il est notre justice. Il est notre espérance. Il est le chemin, la vérité et la vie.

Pourquoi voudrions-nous y ajouter quoi que ce soit ?

Alors proclamons Jésus-Christ : racontons son histoire, son enseignement, son œuvre. Témoignons de son histoire dans notre vie. Attachons-nous à lui : rencontrons-le par la foi, et approfondissons notre relation à lui chaque jour.

C'est lui qui est la puissance de Dieu pour le salut de tous ceux qui croient !

dimanche 30 octobre 2016

Gérer sa vie

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Lecture biblique : Jacques 4.13-5.6
13Maintenant, faites attention, vous qui dites : « Aujourd'hui ou demain, nous irons dans cette ville, nous resterons là-bas une année. Nous ferons du commerce, nous gagnerons de l'argent. » 14Pourtant, vous ne savez même pas comment vous vivrez demain. Oui, vous êtes comme un petit nuage qui est là quelques instants et qu'on ne voit plus ensuite. 15Au contraire, vous devez dire : « Si le Seigneur le veut, nous vivrons, et nous ferons ceci ou bien cela. » 16Mais non ! Vous vous vantez avec des paroles pleines d'orgueil. Se vanter de cette façon, c'est mauvais ! 17Celui qui sait faire le bien et ne le fait pas, se rend coupable d'un péché.
1Maintenant, faites attention, vous, les riches ! Pleurez ! Criez à cause des malheurs qui vont venir sur vous ! 2Votre richesse est pourrie, les vers mangent vos vêtements ! 3Votre or et votre argent rouillent, et leur rouille va vous accuser, elle va dévorer votre corps comme un feu. Le monde va bientôt finir, pourtant vous conservez des richesses en réserve ! 4Et même, vous gardez pour vous le salaire des ouvriers qui font la récolte dans vos champs ! Alors ils se plaignent, et les cris de ces ouvriers arrivent aux oreilles de Dieu, le Seigneur tout-puissant ! 5Sur la terre, vous avez vécu au milieu des richesses, vous avez fait ce qui vous plaisait. Vous avez bien mangé pendant que des gens mouraient. 6Vous avez condamné les innocents et vous les avez tués. Ils ne vous ont pas résisté.

Sur Internet, dans les magazines, à la télévision ou la radio... partout on nous donne des conseils pour gérer notre vie. Les 10 conseils pour prendre sa vie en main, les 7 astuces pour gérer ses économies, les 4 principes pour booster sa carrière professionnelle, etc.

On nous propose partout des coachs pour notre développement personnel, des offres incontournables pour une assurance vie, des manuels pratiques pour réussir sa vie... Bref, nous apprendre à gérer notre vie est aujourd'hui un business qui rapporte !

Tout cela n'existait pas au temps de l'épître de Jacques... Mais n'est-ce pas un peu les mêmes questions qui sont posées dans ce texte ? Comment gérer sa vie ? Quels projets bâtir ? Quelles assurances se donner ?

Jacques y répond, comme à son habitude, d'une façon directe voire provocatrice...


Des sécurités illusoires

On pourrait dire qu'il pousse un double coup de gueule ! Les deux paragraphes de son propos sont introduits par la même formule d'interpellation (4.13, 5.1), qu'on pourrait traduire : « A vous, maintenant ! ». Jacques vise spécialement deux types de comportements qu'il veut condamner avec vigueur, et qui devaient être particulièrement présent parmi ses lecteurs.

Il dénonce deux sécurités illusoires. Dans le premier paragraphe, celle des projets (trop) bien ficelés et dans le deuxième paragraphe, celle des richesses amassées. L'idée commune à ce passage est celle-ci : nos projets et nos richesses sont des illusions quand ils deviennent notre sécurité. C'est même une manifestation d'orgueil spirituel : soit parce qu'on pense être seul maître de son destin, soit parce qu'on pense pouvoir se mettre à l'abri grâce à ses biens matériels.

Or, Jacques remet ceux qui tiennent de tels raisonnements à leur place :
Vous pensez être maître de votre destin ? Eh bien, aussi riche et ambitieux que vous soyez, vous n'êtes guère plus, à l'échelle de l'histoire, qu'un petit nuage qui s'évapore.
Vous pensez vous garantir un avenir radieux par les richesses que vous amassez ? Vos richesses sont éphémères, elles pourrissent et elles rouillent. Le monde va disparaître, et pourtant vous amassez les richesses alors que vous ne les emporterez pas dans la tombe...

Plus grave encore, ces sécurités illusoires leur font oublier les autres, elles les enferment dans leur égoïsme. Les ouvriers ne sont pas payés (v.4), des innocents sont condamnés et meurent (v.6).

La leçon est celle-ci : quand le but de sa vie est de se construire un petit monde sécurisé, on s'enferme dans son égoïsme. L'avertissement est valable pour chacun. S'ouvrir à l'autre, l'accueillir, l'aimer, tout simplement, comme nous y invite le Seigneur, ça peut mettre en danger notre confort et notre sécurité. Quand ma sécurité est ma préoccupation première, je ne suis pas sûr que l'amour du prochain ait beaucoup de place...

Notez d'ailleurs que ce qui est vrai à l'échelle individuel reste pertinent à l'échelle d'un peuple ou d'un pays. Quand le souci premier est la sécurité, alors les peurs de l'autre grandissent, on est dans le repli, on construit des barrières et des murs, on préfère la méfiance et la suspicion à l'accueil et l'hospitalité. Toute ressemblance avec ce qui se passe aujourd'hui en Europe n'est pas fortuite... Dans une société, quand la sécurité est érigée en valeur suprême, je ne suis pas sûr que la liberté, l'égalité et la fraternité y résistent longtemps...


Dieu voulant... 

Face à ces sécurités illusoires, et notamment celle de nos projets, Jacques fait une préconisation : « Vous devez dire : 'Si le Seigneur le veut, nous vivrons, et nous ferons ceci ou bien cela.' » (v.15)

Ce verset biblique a donné naissance à une formule utilisée, parfois un peu à tout-va chez les chrétiens : « Dieu voulant ». J'ai même déjà vu écrit simplement DV pour le signifier... c'est dire qu'elle est bien connue ! Si je n'ai rien contre l'usage de cette formule, comme précaution de langage, je me méfie un peu de l'usage systématique. Le Dieu voulant devenant un peu le Inch Allah évangélique !

Du coup, je me permets une petite parenthèse sur ce qu'on pourrait appeler les « formules magiques » évangéliques. Ces formules sont, à la base, bibliques. Il n'y a donc pas lieu de les proscrire. Mais attention à l'usage quasi magique qui peut en être fait. Comme s'il ne fallait pas bâtir le moindre projet sans, explicitement, dire « Dieu voulant ». Comme si on ne devait pas prononcer une seule prière, surtout d'intercession, sans la conclure par la formule « au nom de Jésus » (et si on peut répéter la formule au cours de la prière, c'est plus efficace). Comme si le secret de la plénitude dans la louange, c'est de dire Alléluia comme un mantra ! Et si on arrive à placer d'autres mots en hébreu, voire en araméen, c'est encore mieux (même si on ne connaît pas trop leur signification...) : Maranatha, Hosanna, Abba...

Mais revenons à notre épître de Jacques. Derrière la formule, il y a la reconnaissance de notre dépendance de Dieu. Jacques veut nous situer à notre juste place ici-bas, que nous soyons lucides quant à notre condition humaine. Non, nous ne sommes pas maîtres de notre destin, même si nous sommes responsables de nos choix et de nos projets !

Bien gérer sa vie, devant Dieu, c'est subordonner tous ses projets à la volonté de Dieu. Non pas s'attendre à ce que la feuille de route nous tombe comme par magie du ciel et que nous n'ayons plus qu'à la suivre, sans réfléchir. Mais, dans tout ce que nous faisons, dans tous nos projets restons attentifs à la voix de Dieu. Restons sensibles à sa main qui pourrait nous conduire ailleurs que ce que nous avions prévu.

« Si le Seigneur le veut, nous vivrons, et nous ferons ceci ou bien cela. »


Laisser de la place à l'imprévu

Cela nous conduit à notre troisième point. Si nous ne sommes pas maîtres de notre destin et que Dieu, lui, est souverain, alors nous devons laisser de la place dans la gestion de notre vie, pour de l'imprévu.

Cela éclaire peut-être l'usage que fait Jaques d'une formule sans doute connue à son époque et que l'on retrouve au verset 17 : « Celui qui sait faire le bien et ne le fait pas, se rend coupable d'un péché. »

Certes, cette formule peut, simplement, accentuer l'importance de ce qu'il dit. « Maintenant, vous savez, et si vous n'agissez pas en conséquence, vous en serez responsable ». Mais ne peut-on pas y voir aussi, en lien avec le contexte, une invitation à saisir les occasions de faire le bien quand elle se présentent... y compris quand elles n'entrent pas dans les projets que nous avions prévus ?

On ne peut pas planifier à l'avance les occasions que nous aurons de faire le bien ! Dire « demain, nous ferons ceci ou cela » de façon absolue c'est s'interdire de faire autre chose si les circonstances le demandent. Des projets trop ficelés, qui ne laissent aucune place à l'improvisation et l'adaptation, peuvent empêcher de voir les occasions de faire le bien qui se présentent. Ne se préoccuper que de sa propre sécurité nous empêche de voir les occasions que Dieu met sur notre route.

Jacques ne nous invite-t-il pas à laisser de la place à l'imprévu dans nos vies ? Car notre imprévu, c'est peut-être le prévu de Dieu ! Et on risque de passer à côté parce que ce n'était pas dans le projet initial, parce que ça nous détourne de notre feuille de route, ou parce que ça met en péril ce que nous pensions construire pour notre avenir...

Si notre sécurité est dans nos projets ou dans nos richesses (quelles qu'elles soient), alors elle est illusoire. Mais si notre sécurité est en Dieu, le tout-puissant souverain, alors les imprévus de notre vie ne doivent pas nous faire peur. Avoir confiance en Dieu, c'est aussi accueillir l'imprévu comme une chance de découvrir des projets de Dieu surprenants, des découvertes étonnantes, des rencontres inattendues.


Conclusion

Gérer sa vie. C'est, indéniablement, un défi. Et je ne suis pas sûr que les multiples offres, conseils et astuces qu'on nous propose soient toujours de bon conseil.

L'erreur est de croire que Dieu ne serait qu'un spectateur de notre vie et que c'est à nous de tout planifier et de tout assurer. En réalité, ce que sous-entend Jacques, c'est qu'on ne peut pas gérer correctement sa vie sans laisser Dieu en prendre les rennes. Ca ne nous rend pas à notre tour spectateur de notre vie, nous en restons les acteurs... mais aux côtés de Dieu. Et il pourrait bien parfois nous emmener sur des chemins que nous n'avions pas prévus.

Du coup, je vous propose une autre formule en conclusion : Celui qui sait faire place à l'imprévu, dans la confiance en Dieu, se verra emmener sur des chemins de bénédictions qu'il n'avait pas prévu !

dimanche 23 octobre 2016

Frustrés !

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Jacques 4.1-12 (version Parole de Vie)
1D'où viennent les disputes ? D'où viennent les luttes entre vous ? Est-ce qu'elles ne viennent pas des désirs mauvais qui luttent dans vos corps ? 2Vous voulez quelque chose et vous ne pouvez pas l'avoir ? Alors vous êtes prêts à tuer. Vous êtes jaloux et vous ne pouvez pas obtenir ce que vous désirez ? Alors vous luttez et vous vous battez. Vous n'avez pas ce que vous voulez, parce que vous ne le demandez pas à Dieu ! 3Vous demandez et vous ne recevez rien ? C'est que vous demandez mal ! Vous demandez seulement pour satisfaire vos désirs mauvais. 
4Vous trompez Dieu ! Vous ne savez donc pas ceci : aimer le monde, c'est détester Dieu. Celui qui veut être l'ami du monde devient l'ennemi de Dieu. 5Ce n'est sûrement pas pour rien que les Livres Saints disent : « Dieu aime très vivement l'esprit qu'il a mis en nous. » 6Mais Dieu nous fait un cadeau plus grand encore. En effet, les Livres Saints disent aussi : « Dieu résiste aux orgueilleux. Il est bon pour les petits. » 
7Alors obéissez à Dieu, mais résistez à l'esprit du mal, et il va fuir loin de vous. 8Approchez-vous de Dieu, il s'approchera de vous. Purifiez-vous, vous qui êtes pécheurs ! Nettoyez vos cœurs, vous qui êtes faux ! 9Soyez tristes, mettez des habits de deuil, pleurez ! Changez vos rires en larmes et votre joie en tristesse ! 10Faites-vous petits devant le Seigneur, et il vous honorera.
11Frères et sœurs chrétiens, ne dites pas de mal les uns des autres ! Celui qui dit du mal d'un frère ou d'une sœur, ou qui les juge, dit du mal de la loi et il juge la loi. Et si tu juges la loi, tu n'obéis plus à la loi, tu es son juge. 12C'est Dieu seul qui donne la loi et qui est juge, lui seul peut sauver et faire mourir. Mais toi qui juges ton prochain, tu te prends pour qui ?


Jacques ne fait pas dans la dentelle ! On a même un peu l'impression qu'il exagère... En réalité, il force peut-être un peu le trait mais c'est pour souligner les enjeux. D'une certaine façon, il propose une dissection spirituelle de notre cœur... et ce n'est pas joli joli !

Il y trouve un cœur partagé, traversé de motivations ambiguës. Il y voit les racines de tensions et de disputes entre frères et sœurs dans la foi. Il y discerne surtout des frustrations : vous voulez quelque chose et vous ne pouvez pas l'avoir... vous demandez et vous ne recevez pas...

Nous connaissons tous, à différents niveaux, des frustrations, parfois difficiles à gérer. Et c'est le cas bien-sûr dans notre vie spirituelle. Jacques, ici, veut nous aider à les comprendre et à les surmonter.

Comprendre nos frustrations

Dans son propos, Jacques évoque deux sources possibles de nos frustrations spirituelles :
- La comparaison avec les autres
- La duplicité de notre cœur

La comparaison avec les autres

« Vous voulez quelque chose et vous ne pouvez pas l'avoir ? Alors vous êtes prêts à tuer. Vous êtes jaloux et vous ne pouvez pas obtenir ce que vous désirez ? Alors vous luttez et vous vous battez. » (v.2)

La convoitise et la jalousie, qui sont soulignées ici par Jacques, ont pour racine la comparaison avec les autres. Bien-sûr, ici on pense d'abord aux convoitises pour les biens matériels. Mais cela reste valable pour tout type de convoitise.

Dès le moment où on se laisse aller à la comparaison, alors naît la frustration. Parce qu'il y a toujours cette impression tenace que l'herbe est plus verte dans le pré du voisin... Sauf, bien-sûr, si vous vous pensez tellement supérieur qu'il ne vous manque rien et que la comparaison avec les autres vous conforte dans votre sentiment de supériorité. Là, votre problème est différent. Sautez directement au verset 6 : « Dieu résiste aux orgueilleux. Il est bon pour les petits. » et entendez le conseil du verset 10 : « Faites-vous petits devant le Seigneur, et il vous honorera. »

Mais pour les autres, entendons ce que Jacques indique ici : arrêtons de nous comparer les uns aux autres. C'est ce qui crée frustrations, dissensions et disputes, qui peuvent parfois aller très loin. Arrêtons de comparer nos situations sociales ou familiales, arrêtons de comparer nos dons et nos ministères, arrêtons de comparer nos spiritualités ou nos cheminements spirituels. Notre modèle, notre horizon, notre référence, c'est le Christ, et lui seul.

La duplicité de notre coeur

Une deuxième source de frustration se manifeste dans la prière. Et il faut avouer que le non-exaucement de nos prières peut parfois être une source douloureuse de frustration spirituelle. Je demande à Dieu de m'exaucer et il ne le fait pas ! Je lui demande de me donner ceci ou cela et il ne me le donne pas ! Je lui demande de me délivrer de ce penchant ou de cette addiction mais il ne le fait pas !

Pour expliquer cette frustration, Jacques pointe du doigt notre cœur : « Vous demandez et vous ne recevez rien ? C'est que vous demandez mal ! Vous demandez seulement pour satisfaire vos désirs mauvais. » (v.3)

Pour Jacques, demander mal, c'est demander avec de mauvaises motivations, « pour satisfaire vos désirs mauvais ». Et il le fait avec des termes extrêmement sévères en traitant ses lecteurs d'adultères (c'est bien le sens du mot grec au début du verset 4) et de gens faux (« avec l'âme partagée », au verset 8).

Cette duplicité du cœur, c'est notre ambiguïté à être attirés à la fois par Dieu et par le monde. Le monde, ici, c'est tout ce qui est contraire à Dieu. On ne peut être l'ami des deux à la fois ! Le problème, c'est que nous sommes l'hôte des deux à la fois... D'où nos frustrations ! D'où aussi la nécessaire prise de conscience que nous aurons toujours cette lutte intérieure, ce combat à mener en nous-mêmes. Le chemin de la sanctification, c'est aussi apprendre à gérer et surmonter nos frustrations spirituelles


Surmonter nos frustrations

Même s'il utilise un langage direct et sévère, Jacques ne veut pas nous laisser perdu dans nos frustrations. Il donne des clés pour apprendre à les surmonter. Nous pouvons en discerner trois :

1° Choisir son maître et s'y attacher

« Obéissez à Dieu, mais résistez à l'esprit du mal, et il va fuir loin de vous. » (v.7)

Par cette exhortation, Jacques nous dit que la résistance paye. La victoire est possible ! La duplicité de notre cœur peut petit à petit s'estomper.

Le mouvement est double : obéir à Dieu et résister au diable. Il y a une dynamique positive qui nous fait avance, qui repose sur l'obéissance à Dieu, sur le fait d'entrer dans ses projets, de nous accorder à sa volonté. Il s'agit donc sans cesse d'apprendre à mieux connaître ce que Dieu veut. Et là, il n'y a pas 36 solutions : il faut lire la Bible !

Mais il y a aussi une dynamique négative contre laquelle résister, un force qui nous écrase, nous détruit, nous égare, celle de la volonté du diable. Autrement dit : cette volonté, qui devient nôtre, de mettre en doute ou rester sourd à la voix de Dieu. Comme dans le jardin d'Eden lorsque la voix du Serpent a su insinuer le doute au sujet de la parole de Dieu.

Pour surmonter nos frustrations, il y a une décision ferme à prendre : choisissons Dieu comme maître et restons-lui attaché. Refusons le diable comme maître et résistons-lui.

2° Cultiver la proximité avec Dieu

Le deuxième conseil est lié au premier : « Approchez-vous de Dieu, il s'approchera de vous. » (v.8a) Jacques nous invite à cultiver la proximité avec Dieu. Elle est réciproque, vécue dans une relation authentique. Et cela permet de comprendre que Dieu n'est pas un maître distant et lointain mais un Père proche et aimant.

Mettre à part des temps d'intimité avec Dieu est vital ! Et ça ne se fait pas tout seul, il faut le vouloir. A cause de nos emplois du temps minutés, à cause des sollicitations incessantes de notre société de consommation, à cause du bruit constant d'un monde où le silence n'a plus de place, parce que nous sommes toujours connectés, dérangés, alertés... et nos frustrations sont alimentées !

Sachons dire stop. Et cultiver la proximité avec Dieu, pour nous ouvrir à la plénitude de sa présence. Et nos frustrations s'envoleront. Dans la plénitude de la présence de Dieu, les frustrations disparaissent complètement ! De quoi aurions-nous besoin d'autre que de la présence du Dieu infini, tout-puissant, éternel ?

3° Faire le ménage

« Purifiez-vous, vous qui êtes pécheurs ! Nettoyez vos cœurs, vous qui êtes faux ! Soyez tristes, mettez des habits de deuil, pleurez ! Changez vos rires en larmes et votre joie en tristesse ! Faites-vous petits devant le Seigneur, et il vous honorera. » (v.8b-10)

Il faut, régulièrement, faire le ménage dans notre cœur. Chez vous, j'imagine que vous faites régulièrement le ménage, en passant l'aspirateur, la serpillière, etc. Et quelques fois dans l'année, vous faites un grand ménage. Et c'est là, en général, que vous retombez sur les clés que vous aviez perdues depuis plusieurs semaines ou que vous découvrez que certains coins cachés de votre maison sont infestés de bestioles désagréables.

Nous avons aussi besoin de faire le ménage dans notre cœur, dans nos aspirations et nos motivations profondes. Prendre le temps de nous écouter et de prendre du recul sur nous-mêmes. On peut le faire régulièrement, comme une hygiène de vie spirituelle : y passer l'aspirateur. Et de temps en temps, notre cœur a besoin d'un grand ménage, plus en profondeur, par une retraite spirituelle ou avec l'aide de quelqu'un d'autre par exemple.


Conclusion

Nous avons tous des frustrations, de différents ordres, à gérer dans notre vie. Et si nous en manquons, notre société est là pour nous en fournir... Ces frustrations, lorsqu'elles sont alimentées, pourrissent notre vie et nos relations aux autres. Surtout quand elles trouvent racine dans la comparaison avec notre prochain.

En Christ, nous ne sommes pas appelés à la frustration mais à la plénitude :

« Que (Dieu) fasse habiter le Christ en vos cœurs par la foi ; enracinés et fondés dans l’amour, vous aurez ainsi la force de comprendre, avec tous les saints, ce qu’est la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur… et de connaître l’amour du Christ qui surpasse toute connaissance, afin que vous soyez comblés jusqu’à recevoir toute la plénitude de Dieu. (Ephésiens 3.17-19 – version TOB)

C'est cette plénitude de Dieu en Christ qui nous pouvons connaître, dans la communion avec Dieu, pour vaincre nos frustrations et vivre dans le contentement et la reconnaissance. De quoi aurions besoin d'autre que toute la plénitude de Dieu ?

dimanche 2 octobre 2016

La langue, un organe petit mais costaud !

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Jacques 3.1-12
1Mes frères et mes sœurs, ne vous mettez pas tous à enseigner ! Vous le savez, nous qui enseignons, on nous jugera plus sévèrement que les autres. 2Nous faisons tous beaucoup d'erreurs. Si quelqu'un parle sans faire d'erreur, il est parfait, il peut être maître de tout son corps. 3Quand nous mettons une tige en fer dans la bouche des chevaux pour les faire obéir, nous pouvons diriger tout leur corps. 4Regardez les bateaux ! Ils sont grands, et ce sont des vents très forts qui les font avancer. Pourtant, c'est avec un petit morceau de bois qu'on les dirige, et ils vont là où le pilote veut. 5La langue, c'est pareil. C'est une petite partie du corps, pourtant elle peut se vanter de grandes choses. Regardez ! Il faut seulement une petite flamme pour mettre le feu à une grande forêt.6La langue aussi est comme une flamme, c'est là que le mal habite. Elle fait partie de notre corps et elle le salit tout entier. Notre langue met le feu à notre vie, de la naissance jusqu'à la mort ! Ce feu vient du lieu de souffrance lui-même. 7Les êtres humains sont capables de faire obéir tous les animaux : bêtes sauvages et oiseaux, serpents et poissons. 8Mais la langue, personne ne peut la faire obéir ! C'est une chose mauvaise qui ne reste jamais tranquille, et elle est pleine d'un poison qui donne la mort. 9Avec la langue, nous chantons la louange de notre Seigneur et Père. Avec elle aussi, nous jetons des malédictions aux êtres humains que Dieu a faits à son image. 10Bénédiction et malédiction sortent de la même bouche ! Mes frères et mes sœurs, cela ne va pas ! 11Est-ce que la même source fait couler de l'eau douce et de l'eau amère ? 12Est-ce qu'un figuier peut donner des olives ? Est-ce qu'une vigne peut donner des figues ? De même, une source d'eau salée ne peut pas donner de l'eau douce.


En Français, il y a pas mal d'expressions avec le mot langue. Mais peu ont un sens vraiment positif : ne pas tenir sa langue, être mauvaise langue, avoir une langue de vipère, avoir la langue bien pendue, ne pas avoir la langue dans sa poche, avoir la langue qui fourche, tourner sept fois sa langue dans la bouche avant de parler...

Et Jacques, dans notre texte, ne va pas vraiment redorer le blason de ce petit organe ! Son argumentation repose sur un langage très imagé. C'est peut-être la plus grande concentration de métaphores dans la Bible ! Ainsi, la langue est comme un mors dans la bouche des chevaux, comme un gouvernail sur un bateau, comme une petite flamme qui met le feu à toute une forêt, comme un animal indomptable, comme une source qui donnerait de l'eau douce et de l'eau salée, comme un figuier qui donnerait des olives ou une vigne qui donnerait des figues.

Toutes ces métaphores, qui soutiennent le raisonnement de Jacques, peuvent être classée en trois catégories :

  • Les trois premières soulignent la puissance de ce petit organe : la langue, c'est petit mais costaud !
  • La quatrième souligne son caractère incontrôlable : la langue est un animal indomptable.
  • Avec les trois dernières, on passe du constat à l'exhortation : il faut que ça change !




Petit mais costaud !

La première étape de l'argumentation de Jacques est de souligner la force qui réside dans ce petit organe de la parole qu'est la langue. La langue, c'est petit... mais c'est costaud !

Les deux premières images sont plutôt positives : le mors dans la bouche du cheval ou le gouvernail, c'est très bien. Ça permet de voyager, de diriger un cheval ou un bateau. La troisième image par contre est beaucoup plus négative... et c'est celle que Jacques développe le plus. Une petite flamme peut à elle seule mettre le feu à toute une forêt. On sait qu'un simple mégot de cigarette peut être à l'origine de terribles incendies. De même, une seule parole peut avoir un effet dévastateur...

Ces métaphores soulignent la force des paroles, leur véritable puissance de vie ou de mort. Qu'est-ce qu'une parole ? Une combinaison de quelques sons, quelques ondes émises par notre bouche. Ce n'est rien... et pourtant quelle puissance potentielle !

On ne doit pas négliger la force d'une parole d'encouragement pour retrouver de l'assurance, d'une parole de réconfort pour être consolé, d'une parole sage pour conseiller  dans une prise de décision. Ces paroles-là peuvent marquer une vie.

Mais on doit aussi être conscient de la puissance destructrice d'autres paroles. Une insulte ou une moquerie qui ridiculise en public peut blesser profondément. Une parole humiliante peut laisser des traces toute une vie : « tu n'arriveras jamais à rien ! ». Une rumeur qu'on propage peut salir une réputation pour longtemps. Voilà autant de petites flammes qui peuvent embraser toute la forêt d'une vie...

C'est pourquoi Jacques se concentre sur les dangers des paroles destructrices. Est-ce parce qu'il est plus facile de faire du mal que de faire du bien avec nos paroles ? En tout cas, la puissance destructrice des paroles est soulignée de façon saisissante dans le verset 6. Cela ressort bien dans la version de la TOB : « La langue aussi est un feu, le monde du mal ; la langue est installée parmi nos membres, elle qui souille le corps entier, qui embrase le cycle de la nature, qui est elle-même embrasée par la géhenne. »

C'est terrible ! Mais Jésus n'a-t-il pas dit dans le Sermon sur la Montagne que le commandement « tu ne tueras point » concerne jusqu'à nos paroles de haine et de colère ? Oui, une parole peut blesser, voire même tuer !


Un animal indomptable

La quatrième métaphore est indirecte : les êtres humains sont capables de dompter tous les animaux mais la langue, elle, personne ne peut la dompter. L'image prolonge celle du feu destructeur. Mais l'insistance ici n'est pas sur la puissance inversement proportionnelle à la taille de la langue mais sur le caractère incontrôlable de la parole, ou peut-être plus précisément de ses conséquences.

La langue est un animal indomptable, et c'est bien regrettable parce que, en plus, c'est un animal venimeux ! Jacques parle d'un poison mortel qu'elle distille.

En quoi la langue est-elle indomptable ? D'abord, sans doute, parce qu'il nous arrive à tous de nous laisser piéger par notre langue. Qui n'a jamais dit une parole qu'il regrette aussitôt qu'il l'a prononcée ? D'ailleurs, Jacques dit que si quelqu'un arrive à toujours contrôler sa langue, il est parfait !

Il y a peut-être une autre raison pour laquelle la langue est indomptable. Lorsqu'une parole est dite, elle est donnée, elle nous échappe complètement. Une parole dite est indomptable, les conséquences de cette parole sont incontrôlables. Et on ne soupçonne pas les effets que peuvent produire telle ou telle parole !

Vous avez sans doute comme moi des exemples à l'esprit. Je pense à des personnes qui m'ont dit : « un jour tu as dit cela, dans un entretien, dans une prédication, et ça a été un déclic pour ma vie ». Ou, à l'inverse, « un jour, dans cette circonstance, tu as dit cela et je ne l'ai toujours pas avalé, ça m'a blessé ». Et dans un cas ou l'autre, je ne me souviens pas forcément de l'avoir dit...

Ce sont des expériences que l'on vit, dans notre famille, avec nos amis, dans l’Église... Prenons conscience qu'aucune parole n'est anodine. Et que les conséquences nous échappent... pour le meilleur ou pour le pire.


Il faut que ça change !

Les trois dernières métaphores sont l'occasion pour Jacques de passer du constat et de la mise en garde à l'exhortation : « Bénédiction et malédiction sortent de la même bouche ! Mes frères et mes sœurs, cela ne va pas ! » (v.10) On pourrait dire : il faut que ça change !

Les métaphores sont issues de la nature. Une source est soit d'eau douce soit d'eau salée. Un figuier donne des figues, pas des olives. Un vigne donne des raisins, pas des figues. Ce sont des évidences... alors comment peut-on accepter qu'une même bouche chante les louanges de Dieu d'une part, et maudisse des être humains créés à l'image de Dieu d'autre part ? Il faut que ça change.

Mais il y a un problème : si on ne peut pas dompter sa langue, que faire ? La métaphore de la source pointe vers l'intériorité, vers le cœur. La langue ne peut pas être domptée, mais la source peut être purifiée. Et on peut penser ici à l'enseignement de Jésus sur ce qui souille l'être humain, non pas ce qui y entre mais ce qui en sort :

Mais ce qui sort de la bouche vient du cœur. Voilà ce qui rend une personne impure. En effet, les mauvaises pensées sortent du cœur. Alors les gens tuent les autres, ils commettent l'adultère, ils ont une vie immorale, ils volent. Ils mentent devant le tribunal et ils disent du mal des autres. (Matthieu 15.18-19)

La source, c'est notre cœur. C'est là qu'il faut travailler, pas sur la langue. Il faut purifier le cœur plutôt que brider la langue ! Ou plutôt laisser Dieu purifier notre cœur, en laissant sa Parole prendre racine dans notre cœur, en laissant agir son Esprit en profondeur, en cultivant l'intimité avec Dieu.

Une promesse de Jésus, en lien avec le Saint-Esprit, me paraît essentielle ici :

Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive ! Celui qui met sa foi en moi, — comme dit l'Ecriture — des fleuves d'eau vive couleront de son sein. (Jean 7.37b-38)

La voilà, la source dont nous avons besoin ! Elle transforme notre cœur en source d'eau vive, celle du Saint-Esprit. C'est une promesse de Jésus. Par l'œuvre en nous de l'Esprit de Dieu, il peut sortir de notre cœur, et donc de notre bouche, non plus un feu destructeur mais une eau vive rafraîchissante. Cette langue indomptable peut devenir un instrument de bénédiction dans les mains de Dieu. Ce n'est pas nous qui bridons notre langue, c'est Dieu qui l'utilise, en faisant couler des fleuves d'eau vive de notre cœur habité par son Esprit.

Et face aux paroles de haine, d'humiliation, qui nous blessent et nous marquent profondément parfois, une parole résonne au plus profond de nos cœurs. Une parole d'amour et de grâce que le Saint-Esprit imprime dans notre cœur :

L'Esprit rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu (Romaines 8.16)

Dieu nous le dit :  « tu es mon enfant et je t'aime. » Cette parole de vie est capable d'éteindre tant de flammes qui nous consument...


Conclusion

Le problème, c'est la langue. La solution, c'est le cœur. Et justement, c'est là que Dieu veut faire sa demeure en nous, par son Esprit. Laissons-le s'installer, laissons-le purifier notre source, laissons-le y faire jaillir des fleuves d'eau vive.

Le jour de la Pentecôte, où le Saint-Esprit a été donné aux croyants rassemblées à Jérusalem, des langues de feu sont apparues sur les disciples et ces langues-là les ont poussé à proclamer les merveilles de Dieu.

Alors, par ce même Esprit, nous pouvons répondre aux paroles de haine, aux mauvaises langues et aux langues de vipères, par des paroles d'amour, de grâce et de pardon, qui peuvent éteindre bien des incendies.

dimanche 18 septembre 2016

La dimension prophétique de l'accueil

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Jacques 2.1-13
1Mes frères et mes sœurs, vous croyez en Jésus-Christ, notre Seigneur plein de gloire. Alors ne faites pas de différence entre les gens. 
2Prenons un exemple : un homme vient là où vous êtes réunis. Il porte une bague en or et des habits très beaux. Un pauvre vient à la même réunion, il est mal habillé. 3Vous montrez plus de respect à l'homme qui porte les beaux habits et vous lui dites : « Vous, asseyez-vous ici, à cette bonne place ! » Au pauvre, vous dites : « Toi, reste debout ! » ou bien : « Assieds-toi là, par terre, à mes pieds ! » 4Quand vous agissez ainsi, est-ce que vous ne faites pas des différences entre vous ? Est-ce que vous ne jugez pas avec un cœur mauvais ?
5Écoutez, mes frères et mes sœurs très aimés ! Est-ce que Dieu ne choisit pas justement ceux qui sont pauvres aux yeux du monde ? Il veut les rendre riches en leur donnant la foi, il veut qu'ils reçoivent le Royaume promis à ceux qui ont de l'amour pour lui. 6Mais vous, vous méprisez les pauvres ! Pourtant, qui vous écrase ? Qui vous traîne devant les tribunaux ? Ce sont les riches, n'est-ce pas ? 7Ce sont les riches qui se moquent du beau nom que Dieu vous a donné.
8Les Livres Saints disent : « Aime ton prochain comme toi-même. » C'est la loi du Royaume, et si vous obéissez à cette règle, vous agissez bien. 9Mais si vous faites des différences entre les gens, vous péchez, et la loi de Moïse vous condamne parce que vous désobéissez. 10Oui, celui qui suit toute la loi, mais qui désobéit à un seul commandement est coupable envers toute la loi. 11En effet, Dieu a dit : « Ne commets pas d'adultère. » Mais il a dit aussi : « Ne tue personne. » Donc, par exemple, tu ne commets pas d'adultère, mais tu assassines quelqu'un. En faisant cela, tu désobéis à la loi. 12Parlez et vivez comme des gens qui vont être jugés par une loi qui rend libre. 13Oui, au moment du jugement, il n'y aura pas de pitié pour ceux qui n'ont pas eu pitié des autres. Mais même quand Dieu juge, il est plein de pitié.


Comment avez-vous été accueillis ce matin ? Peut-être particulièrement si vous êtes nouveaux... Et comment avez-vous accueilli les autres ? Avec quel regard, quelle parole, quel geste ?

Jacques, dans ce texte, part d'un cas concret d'accueil auquel il a peut-être assisté... et qui semble en tout cas entrer en échos avec la situation de l’Église à laquelle il écrit. Et ce n'est pas simplement une question de politesse ou de savoir-vivre. L'enjeu est bien spirituel et théologique. La gloire du Christ est en jeu !


Accueillir comme le Christ nous accueille

Le premier verset annonce le thème de cette section mais avec une formule qui n'est pas très facile à comprendre au premier abord :

« Mes frères et mes sœurs, vous croyez en Jésus-Christ, notre Seigneur plein de gloire. Alors ne faites pas de différence entre les gens. »

Quel est le rapport entre la gloire de Jésus et le fait de ne pas faire de différence entre les gens ? Dans le texte biblique original, en grec, les deux idées sont encore plus entremêlées, dans une seule phrase à la structure assez complexe. Mais la suite de l'argumentation nous aide à comprendre quel est l'enjeu. L'idée centrale semble bien être de souligner une inconséquence grave dans l’Église à laquelle Jacques écrit. Il y a une contradiction entre la gloire du Christ d'une part et l'honneur, ou la gloire, qui était donnée aux riches qu'on accueillait.

Or, le problème c'est que donner les places d'honneur aux riches et mépriser les pauvres, c'est agir à l'exact opposé de Dieu lui-même. Jacques le souligne dans son argumentation :

« Est-ce que Dieu ne choisit pas justement ceux qui sont pauvres aux yeux du monde ? Il veut les rendre riches en leur donnant la foi, il veut qu'ils reçoivent le Royaume promis à ceux qui ont de l'amour pour lui. » (v.5).

Cette idée était d'ailleurs déjà présente au premier chapitre : « Le chrétien qui est pauvre et petit peut être fier, parce que Dieu lui donne une place importante. Le chrétien qui est riche doit être fier, parce que Dieu le rend petit. » (Jacques 1.9-10a)

Or, l'attitude des chrétiens à qui Jacques écrit est exactement l'inverse. Ils honorent les riches et méprisent les pauvres. Il y a donc d'abord un problème théologique sérieux.

Il n'est pas impossible que les chrétiens destinataires de l'épître étaient marqués par une sorte de théologie de la prospérité avant l'heure, où la richesse en elle-même pouvait être perçue comme un signe de la bénédiction de Dieu. Du coup, les riches méritaient les places d'honneur. Mais là, on se retrouve aux antipodes de l'esprit du Royaume de Dieu pour lequel le modèle n'est pas le riche mais le pauvre, l'humble, le petit. C'est lui qu'il faudrait honorer !

Il y a donc un problème théologique mais aussi un problème simplement logique. Jacques le souligne non sans ironie : « Pourtant, qui vous écrase ? Qui vous traîne devant les tribunaux ? Ce sont les riches, n'est-ce pas ? » (v.6) Et en retour, on veut les honorer... Ca n'a pas de sens. Notez bien qu'ils voulaient peut-être ainsi essayer de s'attirer les bonnes grâces de ces riches. Mais alors à quel prix ! Surtout si, par la même occasion, ça les conduisait à mépriser ceux qui méritaient toute leur attention : les pauvres et les petits...

Bref, les destinataires de l'épître de Jacques ont vraiment tout faux ! Et ils méritent d'être sévèrement repris.


Accueillir de façon à aimer notre prochain 

A partir du verset 8, Jacques donne un autre argument, qui permet d'élargir le propos : le favoritisme transgresse la loi royale « tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Cette loi est « royale » sans doute parce qu'elle concerne le Royaume de Dieu.

On pourrait d'ailleurs dire qu'il y a deux lois royales, l'une qui régit notre relation à Dieu et l'autre qui régit notre relation aux autres. C'est bien ce que Jésus voulait dire quand on l'a questionné pour savoir quel était le plus grand commandement et qu'il en a cité deux :

  • « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ta pensée ». C'est la loi royale qui oriente notre relation à Dieu. 
  • « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». C'est la loi royale qui oriente notre relation au autres. 


C'est cette deuxième loi royale qui est directement concernée par le propos de Jacques. Faire preuve de favoritisme, d'accueil partial, qui plus est basé sur des signes extérieurs de richesse, c'est contraire à l'amour du prochain. Soit parce qu'on se montre partial en faveur de quelqu'un parce qu'on peut en retirer un bénéfice. Ce n'est pas alors de l'amour, c'est du calcul... Soit parce qu'en favorisant l'un, pour quelque raison que ce soit, on défavorise l'autre !

On ne choisit pas son prochain ! On ne peut pas faire des catégories, avec d'un côté les bons prochains, aimables et honorables, et de l'autre les mauvais prochains, qu'on peut ignorer ou négliger. La preuve, Jésus est allé jusqu'à dire que nous devions aimer nos ennemis !

On déborde largement, ici, le cadre de l'accueil des riches et des pauvres. L'amour du prochain, qui régit nos relations selon le Royaume de Dieu, exclut toute forme de partialité ou de favoritisme. En parlant longuement de la loi, Jacques souligne qu'il ne s'agit pas là d'une simple opinion ou d'un choix optionnel mais bel et bien d'un chemin obligé pour le croyant. Certes, c'est une loi de liberté. Nous sommes libérés par le Christ, délivré du poids d'une loi qu'il faudrait accomplir pour mériter notre salut. C'est une loi de liberté... mais ça n'est est pas moins une loi ! C'est bien ce que Dieu attend de nous et nous aurons des comptes à lui rendre à ce sujet !


Et notre accueil ?

Si on réfléchit à la pertinence de ce texte pour nous aujourd'hui, il convient de nous interroger sur notre accueil, en particulier en tant qu'Eglise. Et je ne parle pas seulement de l'équipe d'accueil mais de chacun de nous, de notre regard, notre attitude, nos paroles. Il y a sans doute des formes actuelles de favoritismes, voire de discriminations, des mauvais réflexes qu'il convient de corriger.

Je ne suis pas sûr que ça se joue aujourd'hui, chez nous, entre ceux qui ont les signes apparents de richesse et ceux qui semblent pauvres ! Encore que... Mais réservons-nous vraiment un même accueil à un SDF qui entre avec son baluchon et ses habits sales, et à un jeune couple dynamique avec des enfants ? Et qu'en est-il pour un maghrébin, surtout s'il est barbu ? Et pour un couple d'homosexuels ?

Le Christ n'accueillait-il pas toutes et tous ? On le lui a reproché... Il accueillait la femme adultère, les collecteurs d'impôts, la femme atteinte d'une perte de sang depuis 12 ans et mise au banc de la société, les lépreux que tout le monde fuyait... Il n'accueillait pas seulement les « bons » prochains respectables, il accueillait le pécheurs et les gens de mauvaise vie. Et il n'hésitait pas à les honorer et pouvait même donner leur foi en exemple. N'a-t-il pas dit aux chefs religieux que les collecteurs d'impôts et les prostituées les devanceraient dans le Royaume de Dieu (Matthieu 21.31) ?


Conclusion

L'accueil dans l’Église n'est pas qu'une question de savoir-vivre. Il doit être comme un véritable geste prophétique : nous sommes appelés à accueillir comme le Christ nous a accueilli, d'un accueil qui témoigne de notre amour pour le prochain. Et ça doit rester vrai aujourd'hui, même avec la peur des attentats et la suspicion qu'elle entraîne.

L'accueil est notre responsabilité à tous et il commence dans le regard que nous portons les uns sur les autres. Et même si nous ne pouvons pas, comme Dieu seul le peut, regarder au cœur, ne tombons pas dans le piège des apparences. Cherchons à accueillir vraiment, sans a priori, avec les yeux de la foi, de l'espérance et de l'amour.

dimanche 4 septembre 2016

Attention c'est fragile !

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Lecture biblique : Psaume 90

1Prière, de Moïse, l’homme de Dieu.
Seigneur, d’âge en âge
tu as été notre abri.
2Avant que les montagnes naissent
et que tu enfantes la terre et le monde,
depuis toujours, pour toujours, tu es Dieu.
3Tu fais retourner l’homme à la poussière,
car tu as dit : « Fils d’Adam, retournez-y ! »
4Oui, mille ans, à tes yeux,
sont comme hier, un jour qui s’en va,
comme une heure de la nuit.
5Tu les balayes, pareils au sommeil,
qui, au matin, passe comme l’herbe ;
6elle fleurit le matin, puis elle passe ;
elle se fane sur le soir, elle est sèche.
7Oui, nous avons été achevés par ta colère,
épouvantés par ta fureur.
8Tu as placé nos fautes en ta présence,
nos secrets à la clarté de ta face.
9Oui, devant ta fureur s’effacent tous nos jours ;
le temps d’un soupir, nous avons achevé nos années :
10Soixante-dix ans, c’est parfois la durée de notre vie,
quatre-vingts, si elle est vigoureuse,
et son agitation n’est que peine et misère ;
c’est vite passé, et nous nous envolons.
11Qui peut connaître la force de ta colère ?
Plus on te craint, mieux on connaît ton courroux !
12Alors, apprends-nous à compter nos jours,
et nous obtiendrons la sagesse du cœur.
13Reviens, SEIGNEUR ! Jusqu’à quand ?
ravise-toi en faveur de tes serviteurs.
14Dès le matin, rassasie-nous de ta fidélité,
et nous crierons de joie nos jours durant.
15Rends-nous en joie tes jours de châtiment,
les années où nous avons vu le malheur.
16Que ton action soit visible pour tes serviteurs,
et ta splendeur pour leurs fils !
17Que la douceur du Seigneur notre Dieu soit sur nous !
Consolide pour nous l’œuvre de nos mains,
oui, consolide cette œuvre de nos mains.


En arrière-plan de ce psaume, il y a le récit d'Eden : « Fils d'Adam, retourne à la poussière ! » (v.3), échos de la fameuse parole de Dieu à Adam : « Tu es poussière et tu retourneras à la poussière ». On y trouve du coup l'évocation de la mort, marque de notre faiblesse et de nos limites, celle d'une vie marquée par la peine, la souffrance, rappelant les paroles de jugement de Dieu contre Adam et Eve. Et la colère de Dieu, n'est-elle pas aussi celle qui s'est exprimée dans la jardin d'Eden avec la malédiction du serpent et l'expulsion d'Adam et Eve du jardin ?

Dans le récit d'Eden, l'enjeu était la place de l'homme devant Dieu. Créature dépendante de son Créateur, l'homme a voulu être autonome et décider seul ce qui est bien ou mal. La créature a voulu devenir comme Dieu... et c'est la raison de sa chute, de son retour à la poussière.

Du coup, ce psaume médite sur la condition humaine, marquée par la fragilité. Une méditation qui passe par tous les états : de la contemplation à la lamentation, de la supplication à la confiance.


1. L'homme est éphémère

L'homme est éphémère.... surtout quand il se place devant Dieu ! Car même si le psaume médite sur la condition humaine, il commence par évoquer Dieu. C'est un croyant qui s'exprime. Et pour le croyant, l'homme ne peut pas se définir sans référence à Dieu. Pour comprendre la créature, il faut parler du Créateur. Et quel Créateur ! En un seul verset, majestueux, le portrait est dressé :

Avant que les montagnes naissent
et que tu enfantes la terre et le monde,
depuis toujours, pour toujours, tu es Dieu. (v.2)

Dieu est éternel... ce qui nous rend encore plus éphémère. Le psaume parle d'une durée de vie de 70 ans, 80 pour les plus vigoureux... Même si on vit un peu plus longtemps aujourd'hui, qu'est-ce que ça change ? Une vie humaine, de l'ordre d'un siècle pour les plus endurants, qu'est-ce que c'est au regard de l'histoire de l'humanité ? Et encore plus au regard de l'histoire de l'univers ! Et Dieu est plus grand, et plus vieux, que l'Univers...

Selon les connaissances scientifiques actuelles, si l'on réduit l'histoire de l'univers à une année, avec le big bang à 0h le 1er janvier et aujourd'hui qui serait le 12e coup de minuit du 31 décembre, c'est tout à fait saisissant :

  • La Voie lactée, notre galaxie, apparaît fin janvier
  • La formation de la terre et de notre système solaire ne prend qu'une petite journée, le 31 août. 
  • Les premières traces de vie connues sur terre apparaissent le 16 septembre
  • Les premiers poissons arrivent le 19 décembre
  • Les mammifères et les dinosaures, dans la nuit du 25 au 26 décembre
  • Lucy, notre ancienne cousine australopithèque, née le 31 décembre vers 22h30
  • Les parois de la grotte de Lascaux sont peintes le 31 décembre à 23 h 59 et 26 secondes
  • Les pyramides de Cheops sont érigées au 6e coup de minuit le 31 décembre

(source : http://planet-terre.ens-lyon.fr/article/chronologie-terre.xml)

Avouez que face à cela, nous ne sommes qu'une infime poussière, des créatures bien éphémères...

Et Dieu, lui, est encore plus grand que toute cette année entière. Pour ma part, les découvertes scientifiques modernes sur l'origine et l'histoire de l'Univers me donnent une compréhension plus grande encore de l'immensité de Dieu. Et je comprends d'autant mieux ces paroles :

Oui, mille ans, à tes yeux,
sont comme hier, un jour qui s’en va,
comme une heure de la nuit.
Tu les balayes, pareils au sommeil,
qui, au matin, passe comme l’herbe ;
elle fleurit le matin, puis elle passe ;
elle se fane sur le soir, elle est sèche. (v.4-6)

Voilà qui est Dieu ! Et moi, simple poussière, que suis-je ? Ephémère...


2. L'homme est fragile

Plus encore qu'éphémère, l'homme est fragile. Sa vie n'est pas un long fleuve tranquille... Comme le dit le psalmiste :

Soixante-dix ans, c’est parfois la durée de notre vie,
quatre-vingts, si elle est vigoureuse,
et son agitation n’est que peine et misère ;
c’est vite passé, et nous nous envolons. (v.10)

Pour ce psaume, la raison pour laquelle cette vie est faite de peine et de misère, c'est la colère de Dieu ! La colère de Dieu, c'est sa réaction au péché, au mal qu'il ne peut en aucun cas tolérer. On pense bien-sûr au récit d'Eden où Dieu annonce, comme conséquence de leur désobéissance à Dieu, une vie marquée par la peine et la souffrance.

Non seulement l'homme est éphémère, la mort est le lot commun partagé par tous. Mais il est aussi fragile, la souffrance, sous toutes ses formes, vient le lui rappeler au quotidien. C'est ici que le Psaume se transforme en lamentation... Et s'il se terminait au verset 11, il serait bien déprimant !

Il y a tout de même une sagesse à retirer de cela. C'est le verset 12, qui pourrait sortir tout droit du livre de l'Ecclésiaste :

Alors, apprends-nous à compter nos jours,
et nous obtiendrons la sagesse du cœur.

Compter nos jours, c'est être conscient du caractère éphémère et fragile de notre vie. C'est une sagesse, qui nous prévient du piège de l'orgueil, cette ambition égocentrique et futile, qui pousse les uns ou les autres à rechercher, comme bien ultime, la gloire. Que ce soit chez les « grands » de ce monde qui veulent laisser une trace dans l'histoire, ou chez les candidats de téléréalité qui veulent devenir célèbre.


3. L'homme trouve la paix en Dieu

Après avoir contemplé Dieu, puis s'être lamenté de sa fragilité, le psalmiste se tourne à nouveau vers Dieu, à partir du verset 13. Il lui adresse une série de demandes, qui suivent une évolution intéressante à noter.

Il y a d'abord un appel au secours : « Reviens, SEIGNEUR ! Jusqu’à quand ? Ravise-toi en faveur de tes serviteurs. » (v.13) Puis un appel teinté d'espoir. Ah, si le Seigneur le voulait, il pourrait changer notre malheur en joie (v.14-15). Et puis les demandes s'apaisent, et prennent une tournure nouvelle, en appelant à la gloire de Dieu (v.16) et finissant même  par évoquer la douceur de Dieu : « Que la douceur du Seigneur notre Dieu soit sur nous ! » (v.17) On est bien loin de la colère de Dieu !

Le Psaume se termine même par une demande surprenante quand on considère le ton de presque tout ce qui a précédé : « Consolide pour nous l’œuvre de nos mains, oui, consolide cette œuvre de nos mains. » (v.17b). L'oeuvre de NOS mains ! Nous, si petits, si fragiles...

Pourtant, il n'y a aucun orgueil dans cette demande. Juste la confiance dans le fait que ce Dieu si grand, infini et éternel, s'intéresse aux petites poussières que nous sommes. C'était déjà présent au tout début du psaume :

Seigneur, d’âge en âge
tu as été notre abri. (v.1)

Et cela s'exprime dans cette ultime demande. L'oeuvre de nos mains n'est que du vent, une petite goutte d'eau. Mais si le Seigneur l'affermit, alors cette goutte d'eau trouvera sa place dans l'océan de son Royaume. Nos œuvres, notre vie aura un sens. Celui d'entrer dans les projets de Dieu, d'être associé à son œuvre.


Conclusion

Nous avons besoin de prendre conscience de la grandeur de Dieu pour réaliser ce que nous sommes. Et si nous comprenons combien nous sommes éphémères et fragiles, alors nous comprenons l'immensité de l'amour de Dieu.

Car, en Jésus-Christ, Dieu s'est fait poussière. Pour répondre à notre détresse, il est devenu un homme, comme nous. Et il est mort, pour nous. Mais, ressuscité, il nous assure que notre retour à la poussière n'est plus définitif. La puissance de la résurrection fait de nous des poussières d'éternité, dont les modestes œuvres ici-bas, affermies par Dieu, peuvent participer à l'oeuvre de son Royaume.