dimanche 23 décembre 2018

Quand l'espérance répond à nos peurs

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Ne trouvez-vous pas que le temps de l'Avent est un peu étrange cette année ? Le climat social en France, avec en plus l'attentat de Strasbourg, tout cela fait qu'on n'a pas forcément le coeur pour les fêtes...

Il y a, aujourd'hui, beaucoup de craintes et d'inquiétudes qui s'expriment. Elles nourrissent des angoisses ou des colères qui transparaissent dans les mouvements sociaux qui agitent notre actualité.

  • Aujourd'hui, on a peur du lendemain, des fins de mois difficiles. On entend cette formule choc sur les rond-points : "La fin du monde, c'est la fin du mois !" On a peur du spectre du chômage, on craint de ne plus pouvoir nourrir sa famille... 
  • Aujourd'hui, on a peur de l'étranger, de celui qui est différent et qui vient d'une autre culture, d'une autre religion, d'un autre pays. Et c'est une peur qui conduit à la désignation de boucs émissaires, et qui réveille la bête xénophobe et raciste. 
  • Aujourd'hui, on a peur pour l'avenir de notre planète, on s'inquiète du déréglement climatique. C'est très présent chez les jeunes générations : avez-vous vu cette impressionante vidéo de la jeune Greta Thunberg, une adolescente suédoise de 15 ans, qui a pris la parole devant la COP 24 pour interpeller les dirigeants des pays de l'ONU quant à leur inaction pour la justice climatique ? 

Et pourtant, chaque dimanche depuis le 2 décembre, on célèbre le temps de l'Avent, on parle d'attente et d'espérance... Mais en quoi l'espérance chrétienne peut-elle être une réponse à toutes ces craintes ?

En quête d'espérance

Le texte de l'Ancien Testament de ce dimanche nous parle d'espérance. Il contient un verset qui est cité dans un récit de Noël, celui de la visite des mages d'Orient. C'est la réponse que les maîtres de la loi leur donnent quand ils demandent où doit naître le roi des Juifs : « Et toi, Bethléem Ephrata, toi qui es petite parmi les phratries de Juda, de toi sortira pour moi celui qui dominera sur Israël..."

Le prophète Michée annonce donc le lieu de naissance du Messie : Bethléem. Et c'est en général tout ce qu'on lit de Michée : le verset 1 du chapitre 5. Et encore, pas jusqu'au bout du verset... Alors on va en lire un peu plus ce matin. Mais avant de lire le texte, je vous propose un voyage dans le temps !

Replongeons-nous dans le contexte de l'époque. Nous sommes au VIIIe siècle avant Jésus-Christ. Le royaume d'Israël s'est scindé en deux royaumes, Israël au nord et Juda au sud. Ça s'est passé plusieurs siècles auparavant, après le règne de Salomon. Originaire du petit village de Morécheth, Michée est un prophète influent. Il a reçu de Dieu des messages à transmettre pour les deux royaumes.

Il faut dire que toute la région est fébrile parce que l'ogre Assyrien dévore tout sur son passage. Rien ne semble pouvoir arrêter l'expansion de cet empire qui est désormais aux portes d'Israël. Il règne dans le pays comme un parfum de fin du monde...

D'autant qu'il n'y a pas seulement les dangers qui viennent de l'extérieur. La situation sociale et spirituelle des deux royaumes est mauvaise. La gloire d'antan, au temps de Salomon, est bien lointaine. L'injustice règne dans le pays, et Michée le dénonce avec force. Au nom du Seigneur, il mène un réquisitoire contre les riches et contre les classes dirigeantes. Il dénonce les riches propriétaires qui accaparent les terres, qui recourent à la fraude et la violence pour arriver à leur fin, dans leur appétit de posséder qui est sans limite. Bref, les riches deviennent de plus en plus riche, et les pauvres de plus en plus pauvre... Il dénonce aussi la complaisance des classes dirigeantes, les magistrats et les prophètes, des responsables sensés donner l'exemple, et qui pourtant cèdent à la corruption et font preuve de favoritisme.

Tout ça ne vous rappelle rien ? Je ne sais pas si Michée aurait porté un gilet jaune... mais son réquisitoire trouve d'étonnants échos aujourd'hui. Dans leurs dénonciations, les prophètes bibliques gardent, malheureusement, un cruelle actualité, parce que le coeur de l'homme n'a pas changé. Mais ne gardent-ils pas aussi une pertinence quand ils parlent d'espérance, comme c'est le cas de Michée dans le chapitre 5 de son livre, d'où est tirée la parole dite aux mages dans l'évangile et que je vous invite maintenant à lire, dans son contexte :

Michée 5.1-5
1 Le SEIGNEUR dit :
« Et toi, Bethléem Éfrata,
tu es un petit village parmi ceux des clans de Juda.
Pourtant, celui qui doit gouverner Israël,
je le ferai sortir de chez toi.
Il appartient à une famille très ancienne. »
2 Le SEIGNEUR va abandonner son peuple pendant un certain temps.
Ensuite, le jour viendra où la femme qui doit accoucher aura un fils.
Ceux qui seront encore en vie après l'exil viendront rejoindre les autres Israélites.
3 Et lui, le chef annoncé, il se lèvera et il sera leur berger
par la puissance du SEIGNEUR, par la présence glorieuse du SEIGNEUR son Dieu.
Les gens de son peuple vivront en sécurité.
En effet, sa puissance s'étendra jusqu'au bout du monde.
4 C'est lui qui donnera la paix.
« Si les Assyriens entrent dans notre pays et s'ils pénètrent dans nos palais,
nous enverrons contre eux des chefs très nombreux.
5 Avec leurs armes, ils conquerront l'Assyrie, le pays de Nemrod, et ils le domineront.
« Le chef promis nous délivrera des Assyriens s'ils passent nos frontières et s'ils entrent dans notre pays. »


L'espérance de Michée

Lu dans son contexte, la parole citée aux mages de l'évangile prend un relief différent. Il est frappant de voir combien la prophétie de Michée est liée au contexte de son époque. On ne s'en rend pas compte en ne lisant que le verset 1... mais dans ce texte on perçoit explicitement la peur face à l'envahisseur Assyrien, et même la perspective d'un exil qui semble inéluctable : on dit que le Seigneur va abandonner son peuple pour un temps.

Mais on perçoit aussi l'espérance d'une délivrance du Seigneur, l'aspiration à une restauration, à une paix retrouvée. Une espérance qui se focalise sur un enfant, issu d'une famille ancienne, et qui naîtra à Bethléem. Cet enfant deviendra le berger du peuple. Pour un connaisseur de la Bible, la mention de cette famille ancienne de Bethléem ne peut faire référence qu'à la lignée de David, le grand roi, d'où doit être issu le Messie, le libérateur choisi par Dieu.

Quel était donc la signification de ce texte pour les contemporains de Michée ? Le malheur vient, l'exil est inéluctable. Mais un espoir demeure, au-delà de l'exil. Dieu suscitera de la lignée de David un libérateur pour son peuple. Pour le petit nombre resté fidèle à Dieu, il y avait là une source d'espérance au milieu d'une grande détresse.

Les années ont passé après cette prophétie, il n'y a jamais eu vraiment de retour de l'exil en Assyrie... il y en a bien eu un de l'exil de Juda à Babylone, quelques décennies plus tard. Mais la gloire d'antan n'a jamais été retrouvée. L'attente d'un libérateur est restée... D'ailleurs, on sent bien dans le texte de Michée que la perspective déborde le contexte de son époque, notamment à cause de sa dimension universelle.

Alors au temps de Jésus, un texte comme celui de Michée exprimait l'attente messianique. Le contexte socio-politique avait changé. Ce n'était plus les Assyriens ou les Babyloniens qui faisaient peur mais l'occupant Romain. Les soupçons de corruption et de collusion avec l'envahisseur étaient forts, la méfiance à l'égard des classes dirigeantes alimentait la grogne du peuple. L'attente d'un libérateur était importante.

Les évangiles voient dans la naissance de Jésus le véritable accomplissement de la prophétie de Michée. Mais contrairement à l'attente de beaucoup, Jésus n'est pas venu en libérateur politique mais en libérateur spirituel. Peu nombreux sont ceux qui reconnaîtront en Jésus le berger dont parle Michée. Les chefs religieux le combattront, le peuple appellera à le crucifier. Quelques-uns y ont cru, non sans difficulté. Mais de ce petit groupe de disciples est né l'Eglise, et la bonne nouvelle s'est répandue, de génération en génération, jusqu'à nous.


Quand l'espérance rencontre nos peurs

De ce texte et de sa mise en perspective, je relève que l'espérance du croyant rencontre nos peurs. Pour les croyants au temps de Michée, les peurs se nommaient Assyrie, exil, guerre... Leur espérance était alors celle d'un libérateur, d'un rétablissement, d'une paix retrouvée.

D'ailleurs, peut-on concevoir notre espérance en dehors de nos peurs ? Bien-sûr, l'espérance chrétienne est plus grande que nos craintes. Il ne s'agit pas de se construire chacun une petite espérance à soi pour calmer nos craintes personnelles. Mais elle est bien aussi pertinente pour répondre à nos peurs d'aujourd'hui.

Au coeur du message de Noël, il y a l'affirmation d'un Dieu qui se fait proche de nous, qui devient l'un des nôtres et partage notre condition. Au coeur de l'espérance chrétienne se trouve la personne et l'oeuve de Jésus-Christ : sa vie, sa mort et sa résurrection. L'espérance qui rencontre nos peurs, c'est le Christ qui nous rejoint dans nos détresses. Il s'est fait pauvre, il a accepté d'être rejeté, il s'est rendu solidaire de l'humanité.

J'ai la conviction que l'Evangile a des réponses à proposer aux peurs de nos contemporains, qui peuvent aussi être les nôtres.

Sur la peur du lendemain, des fins de mois difficiles, je ne vais évidemment pas dire que Jésus va remplir votre compte en banque ! Même si, malheureusement, certaines théologies de la prospérité le prétendent... Mais l'Evangile montre bien que Dieu ne se soucie pas que de notre âme ! L'incarnation – Dieu qui prend chair - en est la preuve ! Et l'espérance de la "résurrection de la chair" en est une autre ! Comme dans la prière que Jésus a enseigné, où la première demande qui nous concerne dit "Donne-nous aujourd'hui notre pain de ce jour." Si on choisit un mode de vie simple, dans l'esprit de l'Evangile, qui n'oublie pas la générosité, on peut faire confiance à Dieu pour tous les domaines de notre vie, y compris matériel.

Face à la peur de l'étranger, de celui qui est différent, l'Evangile nous apprend que la peur et la haine ne sont jamais une solution. La solution est dans l'amour : Jésus va même jusqu'à nous inviter à aimer nos ennemis... comme il l'a fait lui-même. Il est venu pour tous, il est mort pour tous. "Dieu a voulu tout réconcilier avec lui, par son Fils et pour son Fils." (Colossiens 1.20) L'espérance de la réconciliation nous conduit sur des chemins de paix et de pardon.

Quant à la peur pour l'avenir de notre planète, on peut évidemment se référer à la doctrine de la Création qui doit nous inciter à respecter et protéger l'oeuvre du Créateur. Mais l'espérance chrétienne a aussi quelque chose à nous dire sur le sujet. On oublie parfois que l'espérance de la résurrection, c'est pour toute la création ! La création aussi "sera libérée de l'esclavage de la corruption, pour avoir part à la liberté et à la gloire des enfants de Dieu." (Romains 8.21) Cette perspective conduit à la fois à  respecter et préserver cette terre destinée aussi au salut, et à éviter toute idolâtrie de la nature, qu'on retrouve dans certaines postures écologistes extrêmes.

Conclusion

Oui, l'espérance chrétienne est pertinente aujourd'hui. Laissons-la nous rejoindre... et nous surprendre !

Mais quand l'espérance chrétienne est réduite à un ensemble de doctrines ou à un schéma eschatologique, elle n'est plus capable de nous surprendre. Dans la perspective biblique, l'espérance est une personne. C'est l'enfant et le berger dont parle Michée. C'est Jésus-Christ dont parle les évangiles.

Se laisser surprendre par notre espérance, c'est laisser le Seigneur nous rejoindre sur notre chemin, comme il l'entend... et non comme nous le voudrions. Car sinon, on risque bien de manquer les rendez-vous que le Seigneur nous fixe, comme tant de contemporains de Jésus qui n'ont pas su voir devant leurs yeux s'accomplir leur espérance.

Oui, l'espérance chrétienne est pertinente aujourd'hui. Et ce temps de Noël est propice à le rappeler, particulièrement dans le contexte agité qui est le nôtre.

dimanche 2 décembre 2018

Attendre sa venue

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Aujourd'hui c'est le premier dimanche de l'Avent... Dans quel état d'esprit êtes-vous au début de cette période des fêtes de fin d'année ?

Pour certains, c'est une période de joie et d'excitation... et je ne parle pas seulement des enfants ! On ressort les décorations de Noël pour le sapin, on profite des illuminations le soir dans la ville, on va faire un tour au marché de Noël, on peaufine sa "liste pour le père Noël", on réfléchit aux cadeaux originaux à acheter ou confectionner pour ceux qu'on aime, on ressort les CD de chants de Noël traditionnels, on imagine les bons menus pour le Réveillon... "Les fêtes ? C'est le meilleur moment de l'année !"

Pour d'autres, c'est une période de stress... C'est un vrai casse-tête pour trouver des cadeaux un peu originaux pour la belle-mère ou l'oncle machin, ou pour confectionner un menu qui plaira à tout le monde. Et puis il faut faire tous les achats, après les heures de boulot, et donc en se retrouvant aux heures de pointe dans les magasins et faire la queue pendant des heures aux caisses. Sans oublier une place pour le sapin, qui va mettre des épines partout dans la maison... et même si c'est un faux sapin, il faut quand même déménager la moitié du salon pour l'installer. "Les fêtes ? Vivement que ce soit fini !"

Pour d'autres enfin, c'est une période difficile et triste... Certains n'aiment pas les fêtes parce qu'elles font remonter à la surface des souvenirs douloureux. Je pense à ceux qui ont perdu récemment un être cher et passeront les fêtes sans lui ou sans elle. Et puis il y a ceux qui sont seuls et qui s'apprêtent à passer le réveillon de Noël devant la télé, ou les familles désunies ou en conflit pour lesquelles la perspective de réunions de famille est une vraie inquiétude... "Les fêtes ? J'angoisse..."

Je suis sûr qu'on peut trouver ces différents sentiments parmi nous. Parfois même avec un mélange de plusieurs sentiments...

Mais comment peut-on vivre autrement ce temps de l'Avent, dans l'Eglise et en tant que chrétien ? Le calendrier liturgique nous invite chaque année à consacrer quatre dimanches à préparer la célébration de Noël. En venant à l'église le dimanche matin, nous pouvons décider de faire une pause, pour attendre Noël autrement.

Qu'est-ce qu'on attend pendant l'Avent ? Etymologiquement, l'Avent c'est l'avènement, la venue. C'est un temps où on se prépare à commémorer la venue du Fils de Dieu sur terre mais aussi où on se rappelle qu'on attend encore sa venue, une autre venue, celle de son retour, comme il l'a promis.

La question du retour du Seigneur était, il y a quelques décennies, un sujet brûlant dans les églises évangéliques. Chacun se battait pour son schéma eschatologique (le calendrier des événements liés au retour de Jésus), et ça allait parfois jusqu'à l'anathème pour celui qui ne pensait pas comme nous ! Heureusement, on en est sorti... mais il ne faudrait pas pour autant oublier que l'attente du retour du Seigneur fait bien partie de l'enseignement du Nouveau Testament. Et le temps de l'Avent est un temps propice pour nous le rappeler !

Cette attente de la venue du Seigneur peut d'ailleurs aussi être vécue de différentes façons. On peut l'attendre avec joie, voire avec impatience, en se remémorant les promesses de l'établissement du Royaume de Dieu ! Mais on peut aussi l'attendre dans le stress ou l'angoisse, en s'interrogeant : Serai-je prêt ? Aurai-je fait tout ce qu'il faut ?

La question de l'attente du retour de Jésus-Christ est au coeur de la première lettre de Paul aux Thessaloniciens et l'apôtre s'efforce surtout de rassurer et d'apaiser les craintes de ses lecteurs, tout en les encourageant à persévérer dans leur attente. C'est le texte du Nouveau Testament de ce dimanche :

1 Thessaloniciens 3.12-4.3
12 Que le Seigneur fasse grandir de plus en plus l'amour que vous avez les uns pour les autres et pour tous ! Que cet amour ressemble à notre amour pour vous ! 13 Ainsi, le Seigneur remplira vos cœurs de sa force. Et quand notre Seigneur Jésus viendra avec tous ceux qui lui appartiennent, vous serez saints devant Dieu notre Père, et on ne pourra rien vous reprocher.
1 Frères et sœurs chrétiens, vous avez appris de nous comment vous devez vivre pour plaire à Dieu, et c'est bien de cette façon que vous vivez. Mais faites encore des progrès ! Nous vous demandons et nous vous conseillons cela au nom du Seigneur Jésus. 2 En effet, vous connaissez les conseils que nous vous avons donnés de la part du Seigneur Jésus. 3 Ce que Dieu veut, c'est que vous soyez entièrement à lui. N'ayez pas une vie immorale. 

La perspective de ce texte est bien le retour du Seigneur (v.13), et le fait que nous soyons prêts pour son retour : "quand notre Seigneur Jésus viendra avec tous ceux qui lui appartiennent, vous serez saints devant Dieu notre Père, et on ne pourra rien vous reprocher."

Être saint, ici, ce n'est pas être parfait ! Car alors on pourrait craindre de ne jamais être à la hauteur ! Être saint, ici, c'est être consacré à Dieu, lui appartenir... autrement dit, être prêt pour accueillir le Seigneur qui vient.


C'est Lui qui nous prépare

La première chose que dit ce texte à propos de notre attente du retour du Seigneur, c'est que c'est Dieu qui nous prépare à sa venue : c'est lui qui fait grandir son amour en nous, c'est lui qui nous remplit de sa force.

C'est quand même réconfortant. Ça nous enlève une sacrée pression : c'est lui qui nous prépare ! Pas besoin de nous demander si nous serons à la hauteur, si nous aurons fait tout ce qu'il fallait, si nous avons les ressources et les compétences nécessaires pour être prêt. C'est lui qui nous prépare à sa venue !

Il suffit de nous laisser remplir de son amour et de sa présence. Il y a comme un paradoxe : avant son retour, le Seigneur n'est pas absent. Être dans l'attente de la venue du Seigneur, c'est aussi s'ouvrir à sa présence aujourd'hui, par son Esprit. C'est lui qui nous remplit de l'amour de Dieu et de sa force, que nous soyons dans la joie, dans la tristesse ou l'angoisse.


C'est nous qui devons progresser

Mais la deuxième chose que dit ce texte à propos de notre attente du retour du Seigneur, c'est que nous ne pouvons pas vivre cette attente les bras croisés, passifs. Nous avons toujours des progrès à faire... Paul le dit aux chrétiens de Thessalonique : "Faites encore des progrès !" (v.1). Et il rappelle un peu plus loin que ce que Dieu attend de nous, c'est un chemin de progrès spirituels constants : "Ce que Dieu veut, c'est votre sanctification" (v.3)

Ce rappel, chaque année, de l'attente de la venue du Seigneur doit entretenir en nous une certaine insatisfaction. Non pas pour ne jamais être content mais pour ne pas croire qu'on est arrivé au bout du chemin... Un des plus grands dangers pour notre vie spirituelle, c'est la suffisance, l'autosatisfaction. Elle commence quand on se compare aux autres et qu'on se dit que, finalement, on est plutôt pas mal comme chrétien.

Les chrétiens de Thessaloniques étaient plutôt des bons chrétiens ! Paul le dit : "vous avez appris de nous comment vous devez vivre pour plaire à Dieu, et c'est bien de cette façon que vous vivez." Vous êtes de bons chrétiens ! Mais il ajoute aussitôt :  "faites encore des progrès !" Ne vous contentez pas de vos acquis, ne pensez pas une seconde que vous êtes arrivés au bout du chemin !

Et ce n'est pas contradictoire avec ce qui précède, c'est complémentaire... C'est Dieu qui nous prépare mais il ne le fera pas sans nous, à notre insu.
Oubliez que c'est Dieu qui nous prépare, et vous vous épuiserez à chercher à plaire à Dieu par vos propres forces, vous ploierez sous la culpabilité parce que vous n'y arriverez pas et vous vous découragerez de ne pas voir assez de progrès dans votre vie spirituelle !
Mais oubliez que vous avez votre part à faire, et vous oublierez aussi de vivre l'attente du Seigneur comme une autre façon de vivre sa présence. Votre attente sera vide, triste, sans espérance.


Conclusion

Et si nous vivions ce temps de l'Avent comme une occasion de nous rapprocher du Seigneur ? Attendre le Seigneur, c'est s'attendre à lui, dès aujourd'hui ! Il vient, par son Esprit, il s'approche de nous, là où nous sommes. Chacun peut y trouver son compte.

Regardez le récit de Noël ! C'est la fête, le choeur des anges se réjouit ! Mais c'est aussi le stress et l'angoisse : il vient dans une famille modeste en situation précaire puisqu'elle doit loger dans une étable !

Jésus nous rejoint là où nous sommes. Il vient se réjouir avec nous. Il nous apporte le repos au milieu du stress. Il apaise notre angoisse et nous console. Nous rapprocher de lui c'est le laisser nous rejoindre... et vivre sa présence autrement, dans l'attente de son retour !

dimanche 25 novembre 2018

Une place pour elles

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Savez-vous qu'il existe au moins 500 journées mondiales dans l'année, pour des causes plus ou moins sérieuses ou importantes ? Certaines sont plutôt légères, voire farfelues. Par exemple :

  • 21 janvier : journée internationale des câlins (Hug Day)
  • 1er vendredi d'octobre : journée mondiale du sourire (à l'origine du fameux smiley !)
  • 1er samedi de septembre : Journée mondiale de la barbe
  • 4 mai : Journée mondiale Star Wars (May the Fourth... be with you)


D'autres journées sont soutenues par l'ONU, pour de grandes causes : en mémoire des victimes de l'Holocauste (27 janvier) ou de l'esclavage (25 mars), contre le travail des enfants (12 juin),  journée internationale des femmes (8 mars), journée mondiale des réfugiés (20 juin), journée internationale de la paix (21 septembre)...

Mais savez-vous quelle est la journée qui est commémorée aujourd'hui, le 25 novembre ? La journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes.

J'ai une amie qui est à l'origine d'une initiative, en France, qui s'appelle "Une place pour elles". Il s'agit de choisir une chaise dans un lieu public, éventuellement de la recouvrir d'un tissu de couleur, et d'y adosser une pancarte "Une place pour elles". Une chaise vide pour signifier l'absence des femmes victimes de violences conjugales. Savez-vous que tous les trois jours, en France, une femme meurt sous les coups de son partenaire ? Chaque année, plus de 200 000 femmes se déclarent victimes de violences conjugales en France. Plus de 80 000 femmes adultes se déclarent victimes de viols ou tentatives de viols. Les chiffres explosent si on parle de toutes les violences dont sont victimes les femmes : physiques, psychologiques, verbales, sexuelles, économiques, spirituelles... que ce soit dans le couple, dans la famille, au travail ou ailleurs.

On en entend peut-être un peu plus parler aujourd'hui, après une certaine libération de la parole via les hashtags #MeToo ou #balancetonporc sur les réseaux sociaux, et suite à tous les scandales qui ont éclaté. Mais faut-il en parler dans l'Eglise ?

Il y a quelques jours, j'ai été contacté par une journaliste de l'hebdomadaire Réforme, pour un article qui est paru cette semaine à propos des violences faites aux femmes. Elle me demandait ce qu'on faisait et ce qu'on disait de ce sujet dans les Eglises évangéliques. Et j'ai bien dû répondre... qu'on n'en disait pas grand chose ! Vous en avez souvent entendu parler, vous, de ce sujet, dans une Eglise ?

Et pourquoi n'en parle-t-on pas, m'a-t-elle demandé ? Eh oui, au fait, pourquoi ? Penses-t-on que les cas ne se rencontrent pas dans les églises évangéliques ? Vraiment ? Se voile-t-on la face, pour préserver l'image de couples et de familles unis parce qu'on est chrétiens ? N'impose-t-on pas un silence qui fait peser un poids supplémentaire sur les femmes qui subissent ces violences, et qui n'osent pas briser le tabou ?

Aux USA, la parole s'est plus libérée qu'en France. Un hashtag #ChurchToo est apparu, dénonçant les violences subies, dans l'Eglise. Et des Eglises évangéliques, et même des responsables évangéliques, étaient aussi concernés !

La journaliste m'a aussi posé la question : pensez-vous qu'il soit légitime d'aborder ces questions dans les églises ? Oui, bien-sûr, ai-je répondu ! Pourquoi ? Parce qu'il y a un impératif biblique constant, qui traverse autant l'Ancein Testament que le Nouveau Testament : nous devons protéger et prendre soin des plus faibles, des rejetés, des victimes de toutes les violences.

Alors je me suis dit que j'allais en parler ce matin... D'autant que la Bible a bel et bien des choses à nous dire à ce propos. Je propose de l'évoquer dans un premier temps par une évocation globale de ce que la Bible nous dit des rapports entre les hommes et les femmes, puis dans un deuxième temps à partir d'un texte du Nouveau Testament qui évoque à quel type de relation nous sommes tous appelés en Christ.


Les hommes et les femmes dans la Bible

Au début, tout se passait bien, dans l'harmonie. Dans le récit de Genèse 1, l'homme et la femme sont créés en même temps, en parfaite égalité : "Dieu créa les humains à son image : il les créa à l'image de Dieu ; homme et femme il les créa." (Gn 1.27)  La Bible laisse même entendre que c'est en tant qu'hommes et femmes que les humains sont à l'image de Dieu !

Dans Genèse 2, tout est aussi paisible et harmonieux. Certes, dans ce récit, la femme est créée après l'homme... mais le texte souligne que tant que la femme n'avait pas été créée, l'homme n'était pas heureux. Dieu le constate : "il n'est pas bon que l'homme soit seul..." (Gn 2.18) Et l'explosion de joie (et d'amour !) de l'homme lorsqu'il voit la femme pour la première fois le confirme : "Cette fois, voici quelqu'un comme moi ! Elle tient vraiment de moi par tout son corps !" (Gn 2.23 - Parole de Vie)

Mais c'est en Genèse 3 que ça se complique ! Le Serpent met en doute la parole de Dieu, fait naître la suspicion dans le coeur de la femme et l'homme qui désobéissent à Dieu... et l'harmonie est brisée, avec Dieu, entre l'homme et la femme. "Ton désir se portera vers ton mari, et lui, il te dominera." (Gn 3.16) D'un point de vue biblique, la domination de l'homme sur la femme est bien un conséquence du péché, pas l'expression d'un ordre créationnel ! On ne peut donc pas la justifier !

Mais le mal est fait. Et même si dans l'AT, quelques fois, Dieu parvient à faire émerger une femme, une prophétesse comme Miriam, la soeur de Moïse, ou même une Déborah pour délivrer son peuple, la domination masculine est écrasante...

Dans les évangiles, les choses semblent changer, un peu. Certes, les 12 apôtres sont des hommes... Mais bon nombre de femmes font partie des proches de Jésus, elles jouent un rôle important, plusieurs sont données en exemple de foi, les premiers témoins de la résurrection sont des femmes ! L'élan se poursuit dans le reste du Nouveau Testament. Dans les Actes des apôtres, Priscille a instruit Apollos, Lydie a été la première chrétienne en Europe. Dans les salutations de ses épîtres, l'apôtre Paul nomme plusieurs femmes et les appelle ses collaboratrices, Phoebé est désignée comme ministre de l’Église de Cenchrées, Junia même comme apôtre...

Pourtant tout n'est pas si simple et l'apôtre doit plusieurs fois répondre à des questions ou des problèmes quant à la place des femmes dans l'Eglise. Il faut faire avec les traditions et les cultures de l'époque, il faut alors fixer quand même certaines règles, veiller à ce que ce ne soit pas un contre-témoignage envers l'extérieur. C'est, à mon avis, les raisons des quelques restrictions qu'on voit figurer dans certaines épîtres.

Mais Paul ne parle pas des femmes dans l'Eglise seulement en terme de restrictions et de limites. Ainsi, quand il évoque le changement radical que l'Evangile apporte aux chrétiens, jusque dans leurs relations, il affirme avec force : "Il n'y a plus ni Juifs ni Grecs, ni esclaves ni hommes libres, ni hommes ni femmes ; car tous vous n'êtes qu'un en Jésus-Christ." (Galates 3.28)

Il évoque trois fractures qui existaient dans l'Eglise et qui étaient appelées à disparaître sous l'influence de l'Evangile : entre Juifs et non-Juifs, entre esclaves et hommes libres, entre hommes et femmes. Et il faut reconnaître, avec tristesse, que la troisième perdure aujourd'hui... peut-être parce qu'elle est aussi la plus ancienne. On l'a vu, elle remonte à la Genèse !


De nouvelles relations en Christ

Ailleurs dans le NT, plusieurs textes soulignent la nécessité de relations transformées par le Christ. D'ailleurs, à la suite de l'exemple laissé par Jésus-Christ, l'idéal évangélique quant aux relations, pour tous, hommes ou femmes, c'est la soumission mutuelle.  "Soumettez-vous les uns aux autres dans la crainte du Christ." (Ephésiens 5.21) Ou comme le disait Jésus : "Si l'un de vous veut être le premier, il doit être l'esclave de tous." (Marc 10.44)

Lisons ce que Paul écrit dans sa lettre aux chrétiens de Philippe. Ce sont les versets qui précèdent immédiatement ce grand hymne à la gloire du Christ qui a quitté la gloire du ciel pour se faire serviteur, jusqu'à la mort sur la croix :

Philippiens 2.1-4 (Bible en Français Courant)
1 Votre union avec le Christ vous donne-t-elle du courage ? Son amour vous apporte-t-il du réconfort ? Êtes-vous en communion avec le Saint-Esprit ? Avez-vous de l'affection et de la bonté les uns pour les autres ? 2 Alors, rendez-moi parfaitement heureux en vous mettant d'accord, en ayant un même amour, en étant unis de cœur et d'intention. 3 Ne faites rien par esprit de rivalité ou par désir inutile de briller, mais, avec humilité, considérez les autres comme supérieurs à vous-mêmes. 4 Que personne ne recherche son propre intérêt, mais que chacun de vous pense à celui des autres.

Pensez-vous que ce que dit l'apôtre Paul ici ne concerne pas les relations entre les hommes et les femmes ? Evidemment non ! L'exhortation est générale, fondamentale et vraie pour tout chrétien, homme ou femme. Elle est motivée par l'union avec le Christ, son amour pour nous, notre communion avec le Saint-Esprit, le lien qui nous unit entre croyants... Bref, tout ce qui fait le coeur de l'Evangile. Et l'enjeu n'est rien d'autre que l'unité de l'Eglise.

L'exhortation de l'apôtre se résume par cette formule choc, absolue : "Considérez les autres comme supérieurs à vous-mêmes."

Il ne suffit pas de considérer les autres comme nos égaux, il faut les considérer comme supérieurs à nous-mêmes. L'idée n'est pas de se rabaisser soi-même mais d'élever l'autre. Il s'agit de refuser toute relation basée sur la domination en faveur d'une relation basée sur le service.

Encore une fois, l'exemple de Jésus s'impose. Lui qui a, littéralement, pris la posture du serviteur, de l'esclave, en lavant les pieds de ses disciples. N'a-t-il pas dit ensuite : "Je vous ai donné un exemple : ce que je vous ai fait, faites-le vous aussi." (Jean 13.15)

En réalité, quand nous adoptons la posture du serviteur, toute tentation de domination tombe. Et il ne peut plus être question de violence puisqu'on recherche les intérêts de celui ou celle au service duquel ou de laquelle on se met !

L'exhortation est pertinente pour toute relation où la tentation de la domination existe. Elle est encore bien présente aujourd'hui entre les hommes et les femmes. Mais on la trouve aussi en lien avec la fonction (le ministère), avec l'expérience ou la connaissance, la culture, l'âge, etc.

Toute autorité dans l'Eglise est une autorité de service. C'est pourquoi il est anti-biblique, contraire à l'Evangile, qu'une autorité s'exerce par la domination, peu importe ici qu'on parle d'un homme ou d'une femme !


Conclusion

Dans l'article de Réforme, une psychologue témoigne du cas d'une femme qui lui avait confié qu'elle subissait des violences conjugales et qu'elle craignait pour sa vie. Elle lui avait conseillé de trouver de toute urgence un lieu pour être en sécurité mais elle apprend 4 mois plus tard que cette femme a été tuée par son mari. Et plusieurs années plus tard, elle apprend que cette femme était pourtant bien partie se mettre à l’abri chez sa mère... mais que c’est son Église qui avait fait pression pour qu’elle rentre chez elle !

Si aujourd'hui vous êtes dans un telle situation, pensez à vous, pensez à vos enfants si vous en avez. Mettez-vous à l'abri. Brisez le silence ! Et en tant qu'Eglise soyons prêts à l'entendre, à ne pas nous voiler la face.

Autour de vous, en dehors de l'Eglise, vous avez peut-être des femmes qui sont dans cette situation et qui vous tendent des perches, vous lancent des appels au secours dissimulés. N'y soyez pas sourds !

Et puis examinons toujours nos paroles, nos attitudes, nos relations, dans l'Eglise et en dehors. Demandons à Dieu de nos purifier de toute forme de violence, physique, verbale, psychologique, de toute tentation de domination. Et choisissons d'emprunter humblement la voie ouverte par Jésus-Christ, celle du service !

#UnePlacePourElles dimanche 25/11/2018 à l'Eglise évangélique libre de Toulouse


dimanche 28 octobre 2018

Se laisser déranger

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Je vous propose ce matin de cheminer, pas à pas, avec le récit d'une rencontre de Jésus dans l'évangile selon Marc. Etape par étape, nous nous laisserons interpeller par le récit et nous en tirerons finalement quelques leçons, pour nous aujourd'hui. Le texte se trouve en Marc 10.46-52.

46 Jésus et ses disciples arrivent à Jéricho, puis ils sortent de la ville avec une grande foule. Un aveugle appelé Bartimée, fils de Timée, est assis au bord du chemin, c’est un mendiant.

Vous avez remarqué ? Le mendiant de cette histoire a un nom... il s'appelle Bartimée. Pourtant, il n'y a rien de plus anonyme qu'un mendiant. Surtout au milieu d'une grande foule. Vous connaissez, vous, le nom des SDF que vous croisez sur les trottoirs près de chez vous ?

Un mendiant, en général on l'ignore, ou on lui donne une petite pièce en passant. Mais souvent, il nous dérange, il ne nous donne pas vraiment bonne conscience... Quand il n'y a pas de notre part un jugement : "ce n'est certainement pas un hasard s'il en est arrivé là !"

Mais le mendiant de notre histoire a un nom. Rien ne nous dit qu'il était particulièrement connu. Peut-être même que son nom n'est devenu connu qu'après cet épisode, à cause de ce qu'il a vécu... Mais pour tous les lecteurs de la Bible depuis près de 2000 ans, cet homme à la sortie de Jéricho s'appelle Bartimée, fils de Timée.


47 Quand il apprend que Jésus de Nazareth arrive, il se met à crier : « Jésus, Fils de David, aie pitié de moi ! »48 Beaucoup de gens lui font des reproches et lui disent : « Tais-toi ! » Mais l’aveugle crie encore plus fort : « Fils de David, aie pitié de moi ! »

Bartimée a beau être aveugle, il n'est pas muet ! Il a même visiblement une voix qui porte, jusqu'à couvrir le bruit de la foule. Et ça dérange...

La réaction de la foule aux cris de Bartimée est symptomatique : "Tais-toi !" Ce n'est peut-être pas toute la foule qui s'exprime... mais c'est quand même "beaucoup de gens". Et les autres n'en pensent sans doute pas moins !

Déjà quand il mendie au bord de la route, il dérange, mais il pourrait au moins faire profil bas et rester discret... Non, il crie et appelle Jésus. Quel culot ! On essaye de le faire taire et il crie encore plus fort ! Non, il ne se taira pas !

Il interpelle Jésus, il réclame sa compassion.


49 Jésus s’arrête et dit : « Appelez-le. » Les gens appellent l’aveugle en lui disant : « Courage ! Lève-toi, il t’appelle ! »

La foule essaye de faire taire Bartimée, Jésus, lui, est prêt à se laisser déranger par lui. Au milieu de la foule, sans doute bruyante, il entend Bartimée qui l'appelle. Alors il demande qu'on le fasse venir à lui. Il veut l'extraire de la foule, le sortir de son anonymat.

Ici, je m'amuse du changement d'attitude des gens. Avant, ils disaient tous à Bartimée de se taire. Maintenant, ils l'encouragent : « Courage ! Lève-toi, il t’appelle ! » On ne peut pas faire confiance à une foule... c'est tellement versatile ! Mais au moins maintenant, leur attitude envers Bartimée est bien meilleure...

C'est l'accueil de Jésus qui fait passer les voix de la foule de "Tais-toi !" à "Courage ! Lève-toi !" Le regard qu'il porte sur Bartimée change l'attitude de la foule à son égard. C'est le regard que porte le Christ sur mon prochain qui devrait orienter mon attitude envers lui... alors que je peux facilement en rester à un regard de méfiance, de peur ou de jugement.


50 L’aveugle jette son manteau, il se lève d’un bond et il va vers Jésus.

Je vous rappelle qu'il est aveugle quand même ! Il jette son manteau, se lève d'un bond et va vers Jésus... et il n'y voit rien du tout !

Comment sait-il où est Jésus ? Est-ce que la foule le guide ? Ou se base-t-il sur la voix de Jésus qui l'appelle ? Je n'en sais rien...

En tout cas, il n'y a pas d'hésitation de sa part, et son enthousiasme impressionne. Il est aussi prompt à bondir vers Jésus qu'à crier jusqu'à ce qu'il soit entendu ! Quand on lui dit "Lève-toi", il ne répond pas : "Mais je suis aveugle, je ne peux pas aller jusqu'à Jésus !" Il ne demande pas qu'on le conduise, ou qu'on demande à Jésus de venir lui-même...

Sans hésiter, il se lève ! Je ne suis pas sûr que nous ayons toujours le même enthousiasme à répondre à l'appel de Jésus... On dirait peut-être plutôt : une fois que je serai guéri, je me lèverai. Quand j'aurai retrouvé la vue, je répondrai. Quand j'aurai reçu une réponse à ma prière, quand j'y verrai parfaitement clair dans ma vie, pour mon avenir, alors je me lèverai...


51 Jésus lui demande : « Qu’est-ce que tu veux ? Qu’est-ce que je peux faire pour toi ? » L’aveugle lui dit : « Maître, fais que je voie comme avant ! »52 Jésus lui dit : « Va ! Ta foi t’a sauvé ! » Aussitôt l’aveugle voit comme avant et il se met à suivre Jésus sur le chemin.

Non mais c'est quoi cette question de Jésus ? Franchement, ce n'est pas évident ce que veut Bartimée ? Jésus est en train de demander à un aveugle ce qu'il veut qu'il fasse pour lui...

Notez que la réponse de Bartimée ("Maître, fais que je voie comme avant !") nous apprend qu'il a perdu la vue : il n'est donc pas aveugle de naissance. Jusqu'ici c'était un mendiant perdu dans la foule, maintenant on apprend un peu de son histoire. Le mendiant anonyme est en train de devenir Bartimée. Jésus ne veut pas seulement le guérir, accomplir un miracle. Il veut que Bartimée retrouve sa dignité, que la foule cesse de le voir seulement comme un mendiant...

Mais Jésus va bien le guérir. Et sur la base de sa foi : "ta foi t'a sauvé !" Mais est-ce qu'il ne va pas un peu vite ? De quelle foi parle-t-il ? Bartimée n'a pas fait une déclaration de foi en bonne et due forme, il n'a pas dit, comme Pierre, le bon élève : "Je crois que tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant !" Bref, Bartimée n'a pas montré patte blanche évangélique !

Jésus voit au coeur, OK. Mais peut-être aussi la foi de Bartimée transparaît-elle dans son attitude : sa soif de rencontrer Jésus, son enthousiasme à répondre à son appel... D'ailleurs, une fois guéri, il suit Jésus. C'est  bien l'attitude du disciple... Jésus n'en demandait pas plus. Nous, on en aurait peut-être demandé plus !


Relisons le récit :

Marc 10.46-52
46 Jésus et ses disciples arrivent à Jéricho, puis ils sortent de la ville avec une grande foule. Un aveugle appelé Bartimée, fils de Timée, est assis au bord du chemin, c’est un mendiant.
47 Quand il apprend que Jésus de Nazareth arrive, il se met à crier : « Jésus, Fils de David, aie pitié de moi ! »
48 Beaucoup de gens lui font des reproches et lui disent : « Tais-toi ! » Mais l’aveugle crie encore plus fort : « Fils de David, aie pitié de moi ! »
49 Jésus s’arrête et dit : « Appelez-le. » Les gens appellent l’aveugle en lui disant :
« Courage ! Lève-toi, il t’appelle ! »
50 L’aveugle jette son manteau, il se lève d’un bond et il va vers Jésus.
51 Jésus lui demande : « Qu’est-ce que tu veux ? Qu’est-ce que je peux faire pour toi ? » L’aveugle lui dit : « Maître, fais que je voie comme avant ! »
52 Jésus lui dit : « Va ! Ta foi t’a sauvé ! » Aussitôt l’aveugle voit comme avant et il se met à suivre Jésus sur le chemin.


Se laisser déranger

L'attitude de Jésus, celle de la foule, l'enthousiasme de Bartimée... cet épisode nous interpelle.

Il y a, d'abord, cette figure du mendiant, qui dérange... et qui fait tout pour déranger la foule par ses cris qu'on cherche à étouffer. Et, en contraste, l'accueil de Jésus qui se laisse déranger, et qui arrive à faire changer d'attitude à la foule.

Quel est l'accueil que nous réservons à ceux qui nous dérangent, dans notre vie, dans notre Eglise ?

Dans notre quotidien, il y a tant de personnes qu'il est tellement facile d'ignorer... parmi nos voisins, nos collègues de travail ou d'étude, ceux que nous croisons parfois tous les jours. On ne s'en rend même plus compte. On les ignore même, parfois, quand ils font appel à nous. Leurs appels ne sont pas toujours aussi explicites que les cris de Bartimée... Mais on peut facilement ne plus être capable d'entendre leur appel, parce qu'on est trop préoccupé par nos soucis, notre zone de confort, notre bien-être, notre vie privée, notre équilibre... Parce qu'on n'est pas prêt à se laisser déranger.

La même question, nous pouvons nous la poser en tant qu'Eglise... En théorie, bien-sûr, notre Eglise est ouverte, nous accueillons tout le monde. En théorie... Mais en pratique ? Allez-vous à la rencontre de ceux qui sont là pour la première fois ? Vous n'êtes peut-être pas très à l'aise pour parler, mais vous pouvez au moins dire bonjour, accorder un regard bienveillant et accueillant. Et cela, y compris s'ils n'ont pas le code vestimentaire évangélique : une jupe trop courte à notre goût, un tatouage ou un piercing trop voyant. Ils ne sont peut-être pas très à l'aise, pas souriants, ils ne connaissent peut-être rien aux codes évangéliques, à ce qu'il faut dire, ce qu'il faut faire quand on vient dans une église, ils n'ont rien à voir avec le « chrétien moyen » qui, lui, ne nous dérange pas du tout... On est tellement prompt à juger, à enfermer dans des cases, à se laisser piéger par des a priori !

Jésus, lui, s'est laissé déranger par Bartimée. On est frappé, dans les évangiles, par sa disponibilité, l'accueil qu'il réservait à tous, les invitations auxquelles il répondait, au risque de se faire critiquer par les chefs religieux bien pensant. On est frappé par son accueil bienveillant, sans jugement, et sa capacité à discerner la foi là où elle n'est pas toujours évidente pour nous.

Jésus est l'expression de la grâce de Dieu, qui accueille tous ceux qui viennent à lui. Il est venu pour cela ! C'est pour cela que le Fils de Dieu est devenu homme : pour venir à notre rencontre, jusque dans sa mort. Et sa résurrection nous ouvre les portes d'une espérance éternelle, dans une rencontre toujours renouvelée avec le Dieu de grâce.

Et heureusement qu'il en est ainsi, car comment pourrions-nous espérer être accueilli par lui aujourd'hui s'il ne nous accueillait pas avec grâce ? Et si nous sommes ses disciples, alors laissons-nous inspirer par son exemple d'accueil et de grâce. Comme lui, laissons-nous déranger. Et ouvrons-nous à des rencontres surprenantes, au-delà de nos a priori et nos jugements.

dimanche 14 octobre 2018

Motivés par l'essentiel (5) Formés pour servir Dieu

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Ne vous arrive-t-il pas, parfois, d'avoir l'impression de perdre votre temps ? Et je ne parle pas seulement des moments où vous faites la queue dans une administration pour remplir tel ou tel formulaire et qu'il vous manque toujours un document pour finaliser le dossier ! Je parle de ce sentiment de ne pas être à sa place, et qui crée de la frustration, du découragement, de la fatigue. Un sentiment que vous pouvez ressentir dans votre vie de tous les jours, dans votre travail ou même dans l'Eglise !

Par exemple, lorsque vous êtes mis au placard dans votre entreprise, parce que la direction ne peut pas vous licencier mais qu'elle vous attribue un poste où vous êtes payé pour ne rien faire... Ou quand vous faites partie d'un groupe mais que vous y êtes réduit à un rôle de spectateur, soit parce que vous ne comprenez pas grand chose à ce qui s'y vit, soit parce que vous n'êtes jamais intégré dans la vie du groupe. Et ce groupe peut d'ailleurs aussi être une Eglise...

On entend assez souvent les chrétiens se demander : "Quelle est la volonté de Dieu pour ma vie ?" En réalité, si on est honnête, je crois qu'il faut surtout entendre derrière cette question très spirituelle, une question existentielle : "A quoi je sers ?" ou une question plus pragmatique : "En quoi puis-je être utile ?" Et c'est une question qui se pose plusieurs fois dans notre vie, avec une nuance : "Est-ce que je suis encore à ma place ? Est-ce que je ne serais pas plus utile ailleurs ?"

Ces questions, ainsi formulées, sont légitimes. Car pour que notre vie, notre engagement, ait un sens, nous avons besoin de nous sentir utiles. Nous avons besoin de comprendre pourquoi nous faisons telle ou telle chose. Et le fait de savoir que ce que nous faisons correspond bien à ce que Dieu attend de nous contribue évidemment à se sentir utile !

Nous retrouvons les mêmes préoccupations dans ce que l'apôtre Paul écrivait aux chrétiens d'Ephèse :

Ephésiens 2.8-10
En effet, vous êtes sauvés grâce à la bonté de Dieu, et parce que vous croyez. Cela ne vient pas de vous, c’est Dieu qui vous donne le salut .
Ce salut ne vient pas de vos actions à vous, donc personne ne peut se vanter !
Oui, c’est Dieu qui nous a faits. Il nous a créés dans le Christ Jésus pour que nous menions une vie riche en actions bonnes. Et ces actions, Dieu les a préparées pour que nous les fassions.


Le salut et les oeuvres

Il y a, dans ces quelques versets, plusieurs concepts clés de l'Evangile : le salut, la foi, la grâce, les oeuvres... Et il y a notamment cette formule étonnante où l'apôtre Paul parle des actions bonnes, ou des oeuvres bonnes, que Dieu a préparées d'avance pour que nous les pratiquions.

Il le rappelle clairement, ce ne sont pas nos oeuvres qui nous sauvent. C'est Dieu qui nous sauve, pas ce que nous pouvons faire ou mériter. Nous sommes sauvés parce que Jésus-Christ est mort et ressuscité ! Son pardon nous est offert, la vie éternelle nous est acquise. C'est une donnée fondamentale de l'Evangile. Mais ça ne signifie pas que les oeuvres, les bonnes actions, ne sont pas notre affaire !

Les œuvres ne sont pas à l'origine de notre salut mais elles font bien partie de la dynamique du salut. Il faut absolument sortir d'une compréhension statique du salut qui voudrait qu'être sauvé, c'est échapper au jugement de Dieu, assurer sa place au Paradis ! Si votre conception du salut s'arrête là, quelle tristesse !

Le salut, c'est toute l'oeuvre de restauration de Dieu en nous. Une restauration qui est un don de Dieu, une grâce que nous recevons. Et cette grâce, elle nous transforme et elle crée en nous des oeuvres bonnes, elle nous poussent à agir, à servir. L'oeuvre restauratrice de Dieu se manifeste aussi en nous par des oeuvres bonnes.

Dans ces versets, l'apôtre Paul compare le salut à une oeuvre de création : "Dieu nous a créés dans le Christ Jésus." C'est une autre façon de dire "Dieu nous a sauvés", c'est le début d'une vie nouvelle. Mais depuis quand un bébé reste-t-il un bébé toute sa vie ? Un bébé ne fait pas grand chose, à part manger, faire pipi, dormir et pleurer. Et on peut être chrétien et ne pas en faire beucoup plus qu'un bébé !

Si Dieu nous a créés en Christ, c'est pour que nous vivions, pour que nous grandissions, pour que nous agissions ! C'est donc tout à fait légitime de se poser la question : "qu'est-ce que Dieu attend de moi ? Que veut-il que je fasse ?" Et se demander "à quoi je sers ?", "en quoi puis-je être utile" est une démarche très spirituelle.


Les oeuvres que Dieu a préparées

Mais que sont donc ces "oeuvres que Dieu a préparées" ?

Ce n'est certainement pas une sorte de planning personnalisé que Dieu aurait préparé pour chacun de nous, et qu'il nous faudrait discerner, ou deviner, pour l'accomplir. Ce n'est pas une liste de tâches qu'il faudrait avoir entièrement cochée pour avoir réussi sa vie aux yeux de Dieu !

L'Evangile nous libère du poids de notre salut : ce ne sont pas nos oeuvres qui nous sauvent mais la grâce de Dieu. Ça n'est pas pour nous remettre sous un autre poids, en nous imposant le fardeau d'oeuvres à accomplir pour réussir notre vie.

Il faut voir dans ces paroles de l'apôtre Paul une promesse. Celle d'un Dieu qui ne nous laisse pas seul dans la mise en oeuvre de notre salut. Un Dieu qui nous prend par la main et qui préparent toutes choses pour nous permettre d'accomplir ses oeuvres bonnes. Il me semble qu'on peut le comprendre de deux façons au moins :

  • D'une part que Dieu va nous préparer, nous rendre capable d'accomplir ces œuvres, parce qu'il nous a créés pour ça en Christ ! 
  • D'autre part qu'il va préparer les conditions et les circonstances qui vont nous permettre d'accomplir les oeuvres qu'il a prévues pour nous. 


Bref, Dieu rend possible, dans notre vie, la mise en pratique de son oeuvre de restauration. Et cela aussi, c'est le fruit de sa grâce !

C'est pourquoi dans le processus de discernement auquel nous sommes appelés, je vois une double mouvement, une double dynamique dans laquelle entrer.

La première dynamique me pousse vers les autres et vers mon environnement. Là où je suis, là où je vis. Je vais être attentif aux circonstances de ma vie, aux besoins qui se manifestent autour de moi, aux rencontres que je vais faire. Les questions que je vais me poser seront alors : "Quels sont les besoins de ceux que je côtoie au quotidien ?", "Dans quels services a-t-on besoin d'aide autour de moi, ou dans l'Eglise que je fréquente ?"

La deuxième dynamique me pousse vers Dieu et vers moi-même. En approfondissant ma relation avec mon Créateur et Sauveur, je vais apprendre à mieux le connaître et par la même occasion, à mieux me connaître moi-même. Et je vais écouter mon coeur, là où l'Esprit de Dieu est venu faire sa demeure. Je vais être attentif à mes aspirations, à ce qui me fait vibrer, à ce que Dieu prépare dans mon coeur.

Et il peut arriver que les besoins autour de moi et les aspirations de mon coeur se rejoignent. C'est l'idéal. Et là, on n'a pas le droit d'hésiter et d'attendre ! Tous les voyants sont au vert : il faut foncer ! Mais ce n'est pas toujours le cas. Parfois, ce sont les besoins autour de moi qui prévaudront et me pousseront au service. Et il faudra accepter d'être patient avec certaines aspirations de notre coeur, qui ne se concrétiseront pas tout de suite dans un service...

Même si Dieu prépare des oeuvres bonnes pour que nous les pratiquions, il ne faut pas s'attendre à ce que tout nous tombe du ciel, de façon évidente. Il est de notre responsabilité d'être attentif aux autres et à notre environnement, et d'écouter Dieu, et notre coeur.


Conclusion

Dieu ne veut pas que vous vous sentiez inutile. Il ne veut pas que vous perdiez votre temps, que vous ne vous sentiez pas à votre place. Il vous a créé en Jésus-Christ pour que votre vie soit riche en oeuvres bonnes, en actions utiles, pour votre prochain, pour Dieu lui-même !

C'est pourquoi, par sa grâce il vous a sauvé. Et par sa grâce, il a préparé, en vous et autour de vous, les oeuvres que vous allez pratiquer. Alors soyez attentif aux besoins autour de vous et écoutez votre coeur. Dieu vous appelle à vous mettre au service !



dimanche 16 septembre 2018

Motivés par l'essentiel (1) Conçus pour le plaisir de Dieu

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Si vous deviez estimer la part que l'adoration prend dans votre journée, quel pourcentage donneriez-vous ? Soyez honnêtes ! Enlevons 8 heures de sommeil, il reste 16 heures dans la journée... presque 1000 minutes. Ca ferait quel pourcentage pour l'adoration ? 1% ? 5 % ? Plus ?

Pour l'apôtre Paul, le pourcentage que nous devrions viser n'est pas de 1%, 5 %, ni même 10 % de notre vie mais 100 % !

Romains 12.1-2
1 Frères et sœurs chrétiens, Dieu est plein de bonté pour nous. Alors, je vous demande ceci : offrez-lui votre personne et votre vie, c'est le sacrifice réservé à Dieu et qui lui plaît. Voilà le vrai culte que vous devez lui rendre. 2 Ne suivez pas les coutumes du monde où nous vivons, mais laissez Dieu vous transformer en vous donnant une intelligence nouvelle. Ainsi, vous pourrez savoir ce qu'il veut : ce qui est bon, ce qui lui plaît, ce qui est parfait.

En nous exhortant à offrir notre personne et notre vie comme un sacrifice à Dieu, Paul nous invite à faire de toute notre vie une adoration à Dieu. C'est du 100 % ! Mais comment est-ce possible ?


Un sacrifice vivant

Il faut mesurer combien l'appel de l'apôtre Paul dans ces deux versets est radical. On pourrait même se demander s'il ne pousse pas le bouchon un peu loin quand même ! Offrir notre vie entière comme sacrifice à Dieu, ce n'est pas rien... On ne parle pas ici de consentir dans notre vie à quelques sacrifices, comme donner une part de ses biens à ceux qui en ont besoin ou renoncer aux grasses matinées le dimanche pour aller au culte !

L'apôtre Paul ne nous appelle pas seulement à faire des sacrifices mais à offrir notre vie entière comme un sacrifice à Dieu. Il utilise ici un vocabulaire lié au temple (sacrifice, culte...) tout en parlant de notre vie entière. Littéralement, il invite à "offrir notre corps comme un sacrifice vivant". On est bien dans la métaphore du sacrifice offert au temple mais il s'agit ici de vivre et non pas de mourir. Le sacrifice que Dieu attend de nous, c'est notre vie toute entière. Le culte, l'adoration, ne concerne pas que le temple ou l'église. Tout, dans notre vie, est appelé à être adoration de Dieu !

Et quand Paul dit que c'est ce qui est agréable à Dieu, ce qui lui plaît, ce n'est pas comme s'il parlait du bon plaisir du roi qui peut demander tout et n'importe quoi à ses sujets. Il ne s'agit pas de satisfaire ses caprices ! Dieu n'est pas un enfant gâté qui pique une crise si les chrétiens ne l'adorent pas assez ou ne le servent pas comme il faut !

Dieu nous aime et prend plaisir à l'adoration de ses créatures. Il nous a créés à son image, pour que nous soyons en relation avec lui. En faisant de notre vie une adoration de Dieu, nous retrouvons l'intention première de Dieu pour nous, le sens profond de notre vie. Quand vous aimez quelqu'un, vraiment, vous n'avez envie que d'une chose : lui faire plaisir ! Il en est de même dans notre relation avec Dieu. Il s'agit de trouver notre plaisir dans le plaisir de Dieu.


Tout est adoration

Pour le croyant, tout est donc adoration. Ou tout devrait l'être... parce que, avouons-le, ce n'est pas si simple que ça à vivre ! Pourtant il s'agit bien d'un concept clé pour comprendre la vie chrétienne.

Le risque si on l'oublie, c'est d'avoir une vie compartimentée : l'adoration est confinée au dimanche ou au temps de prière et de méditation personnelle, le reste, c'est du boulot, des loisirs, des corvées... mais pas de l'adoration ! L'adoration, c'est quand je chante des cantiques, quand je prie, quand je lis la Bible. Pas quand je suis au bureau, quand je passe l'aspirateur à la maison ou quand je fais du sport... à la rigueur quand je fais du bien à mon prochain !

Mais offrir toute notre vie comme un sacrifice à Dieu, ça concerne... toute notre vie ! Et ça impacte aussi ma vie de prière : si l'adoration vécue le dimanche matin au culte, et la prière personnelle vécue avec Dieu, sont complètement coupées de ma vie quotidienne, je suis à côté de la plaque !

Et le problème avec cette vision étriquée de l'adoration, c'est quand on veut essayer d'instiller artificiellement de l'adoration dans notre vie quotidienne. Alors, pour se donner  bonne conscience, on place des références bibliques dans toutes ses discussions, on s'efforce de toujours bien montrer qu'on est un bon chrétien et on met le Seigneur à toutes les sauces dans ses paroles... C'est ce que j'appelle des bondieuseries évangéliques ! Ça sonne faux...

A l'extrême inverse, il ne faut pas diluer l'adoration dans une réalité floue qui n'engage plus vraiment, et qui pourrait même conduire, à la limite, à ne plus prier. Si tout est adoration, est-ce vraiment utile de prier et d'aller au culte le dimanche ? Je peux bien adorer Dieu chez moi, dans mon lit, ou allongé sur la plage !

Mais nous n'adorons pas Dieu à notre insu... L'adoration demande qu'on se tourne consciemment vers Dieu, qu'on fasse l'effort de chercher à lui faire plaisir. En toutes circonstances. En fait, si mon désir n'est pas que ma vie toute entière fasse plaisir à Dieu, mon Créateur et mon Sauveur, celui qui a tout donné pour moi en son Fils Jésus-Christ, c'est que je n'ai pas encore vraiment compris l'amour de Dieu pour moi...


Un besoin de transformation

Même si l'appel est là, Paul ne pense pas que c'est du tout cuit ! Loin de là. En réalité, l'adoration dont il est question, dans toutes ses dimensions, ne nous est pas naturelle. Pour y arriver vraiment, il faut nous laisser transformer par Dieu : "laissez Dieu vous transformer !"

L'enjeu, c'est de ne pas suivre les coutumes du monde. Ou, de façon plus littérale, de ne pas se conformer au monde présent. Mais attention, il ne faut pas croire que ces "coutumes" ou ce "monde" dont parle Paul seraient ce qui vient de l'extérieur et qui risque de nous contaminer. Les "coutumes du monde", c'est notre façon naturelle de vivre ! La frontière du "monde" passe par notre coeur. La preuve : pour échapper à leur influence, il faut que notre intelligence, notre façon de penser, soit transformée. Si le problème venait de l'extérieur, on n'aurait pas besoin d'une transformation intérieure !

Paul assume ainsi que sans une transformation de notre intelligence, nous ne sommes pas capables de savoir ce que Dieu veut, et donc comment lui faire plaisir. Pour que notre vie soit une adoration, il faut que dans notre coeur il y ait une transformation. Il me semble donc que Paul parle ici d'une discipline de vie dont les effets se mesurent dans la durée. Cette transformation dont parle l'apôtre, c'est l'oeuvre de Dieu tout au long de notre vie chrétienne.

C'est un vrai défi à relever. Car il y a, c'est vrai, des domaines de notre vie où il est facile de percevoir une dimension d'adoration et d'autres où c'est moins évident... La question que nous sommes toujours appelés à nous poser est celle-ci : comment ce que je fais et ce que je vis dans mon quotidien peuvent-ils être adoration de Dieu ?

Des activités créatrices ou solidaires peuvent facilement être perçues comme des expressions de l'image de Dieu en nous, une façon d'honorer le Dieu Créateur et amour.

Un esprit de service dans les tâches pratiques, le souci du travail bien fait peuvent aussi être une façon d'honorer Dieu, y compris dans les choses concrètes du quotidien. Les intentions donnent de la valeur à nos actes. Et Dieu connaît notre coeur !

Même le repos (pas la paresse !) fait partie de ce que Dieu veut pour nous : la 4e parole du Décalogue concerne le sabbat ! Certes, il permet la contemplation qui est une forme d'adoration. Mais le sabbat nous rappelle aussi que notre valeur devant Dieu ne dépend pas de ce que nous produisons... Vivre la gratuité, c'est vivre quelque chose de la grâce. Nous n'avons pas besoin d'être "utile" pour adorer Dieu. Voyez dans les évangiles la femme qui verse le parfum sur Jésus. Les disciples le lui reprochent en disant que ça aurait été plus utile de le vendre pour donner l'argent aux pauvres... mais Jésus honore cette femme pour ce qu'elle a fait : une geste généreux d'adoration.


Conclusion

Dieu attend 100 % de notre vie parce qu'il s'est donné à 100 % pour nous en Jésus-Christ ! On ne peut pas se satisfaire de demies mesures... Toute notre vie est appelée à être adoration.

Mais pour arriver à 100 %, ou au moins s'en rapprocher, il faut élargir notre vision de l'adoration. Et pour cela, laisser Dieu nous transformer de l'intérieur pour comprendre comment faire de notre quotidien, et pas seulement des temps explicitement spirituels, une adoration de Dieu.

L'appel de l'apôtre Paul, c'est que nous ayons une vie qui cherche toujours à faire plaisir à Dieu, dans laquelle notre plaisir est de faire plaisir à Dieu.

dimanche 2 septembre 2018

L'approbation de Dieu et/ou celle des hommes

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Deutéronome 4.1-8
1 Moïse dit : Et maintenant, Israélites, écoutez les lois et les règles que je vous enseigne pour que vous leur obéissiez. Ainsi, vous vivrez et vous pourrez posséder le pays que le SEIGNEUR, le Dieu de vos ancêtres, vous donne. 2 N'ajoutez rien aux commandements que je vous communique de la part du SEIGNEUR votre Dieu. N'enlevez rien non plus, mais respectez tous ces commandements. 3 Vous avez vu vous-mêmes ce que le SEIGNEUR votre Dieu a fait dans l'affaire du dieu Baal de Péor. Il a tué tous ceux du peuple qui avaient suivi ce faux dieu. 4 Mais vous, vous êtes restés attachés au SEIGNEUR votre Dieu, et vous êtes tous vivants aujourd'hui.
5 Voyez, je vous enseigne des lois et des règles, comme le SEIGNEUR mon Dieu me l'a ordonné. Quand vous serez entrés dans le pays que vous allez posséder, obéissez à ces lois et à ces règles. 6 Si vous les gardez et si vous leur obéissez, les autres peuples vous trouveront sages et intelligents. En effet, quand ils connaîtront toutes ces lois ils diront : 
« Quelle sagesse, quelle intelligence il y a dans ce grand peuple ! » 7 Chaque fois que nous appelons à l'aide le SEIGNEUR notre Dieu, il est vraiment proche de nous. Est-ce qu'il y a un autre peuple, même parmi les plus grands, qui a des dieux aussi proches ? 8 L'enseignement que je vous présente aujourd'hui contient des lois et des règles très justes. Est-ce qu'il y a un autre peuple, même parmi les plus grands, qui a des lois et des règles aussi justes ?


Je suis un petit peu actif sur les réseaux sociaux... Et j'avoue que quand j'écris un post sur facebook ou twitter, je me demande toujours si je vais avoir beaucoup de like et qui va me retweeter. Et je regarde régulièrement, sur mon ordinateur ou mon smartphone, si j'ai de nouvelles notifications. Rassurez-vous, ce n'est pas une obsession, ce n'est pas ma raison de vivre. Je ne suis pas accroc. Enfin pas complètement... Les réseaux sociaux accentuent, sans doute à l'excès, cette course à l'approbation... ou à la provocation.

Je ne sais pas comment vous vous situez par rapport au regard des autres, quelle importance vous donnez à l'opinion que les gens ont de vous. Mais ne me dites pas : "je me fiche pas mal de ce que les gens pensent de moi." J'aurais vraiment du mal à le croire...On vit tous, au moins en partie, à travers le regard des autres.On a tous besoin du regard approbateur, au moins de ceux qu'on aime... et sans doute plus largement encore.

D'ailleurs, en tant que croyant, il me paraît tout à fait légitime de nous soucier de ce que les gens pensent de nous. C'est une question de témoignage : notre vie, notre comportement, nos paroles peuvent être des obstacles ou au contraires des atouts dans notre témoignage au nom de l'Evangile. Alors ce qu'ils pensent de nous compte dans cette perspective !

C'est cette corde sensible de la réputation que Moïse fait vibrer dans notre texte : "Si vous gardez (ces commandements) et si vous leur obéissez, les autres peuples vous trouveront sages et intelligents. En effet, quand ils connaîtront toutes ces lois ils diront : « Quelle sagesse, quelle intelligence il y a dans ce grand peuple ! »" (v.6)

Et là je me demande, si on transpose ce verset dans notre cas, retrouverait-on la même approbation ? Quelle sagesse, quelle intelligence chez ce croyant, cette croyante ! Quelle sagesse, quelle intelligence il y a dans cette Eglise ! Est-ce vraiment cela que les gens disent de nous ?

Evidemment, on pourrait aussi s'étonner de l'importance que Moïse donne au regard des autres peuples... Le plus important n'est-il pas d'avoir l'aprobation de Dieu, parfois au détriment de l'approbation des autres ? Ne faut-il pas préférer l'approbation de Dieu à celle des hommes ?

Voilà la question que nous pose ce texte : faut-il forcément mettre en tension, voire en opposition, l'approbation de Dieu et celle des hommes ?


L'approbation de Dieu, d'abord

Il faut bien-sûr le dire : l'approbation de Dieu est première. Les commandements dont parle Moïse viennent de lui, ce sont ses promesses qui y sont associées. Et Moïse rappelle un épisode douloureux de l'histoire des Hébreux, avec l'affaire du Baal de Péor. Cet épisode, relaté dans le livre des Nombres (Nb 25.1-15), évoque comment les Israélites se sont laissés entraînés à la débauche et à l'idolâtrie, et comment le jugement de Dieu s'est abattu sur son peuple tombé dans le chaos. Cet épisode qui a fait des miliers de morts rappelle l'importance de la loyauté au Seigneur. Car l'idolâtrie, c'est un problème de loyauté, qui entraîne la désapprobation de Dieu.

L'approbation de Dieu, c'est donc la priorité absolue. Et le moyen d'avoir l'approbation de Dieu se trouve dans l'obéissance à ses commandements. A tous les commandements. "N'ajoutez rien aux commandements que je vous communique de la part du SEIGNEUR votre Dieu. N'enlevez rien non plus, mais respectez tous ces commandements." (v.2)

Et ne faisons pas le raccourci de dire trop vite : "ça c'était l'Ancien Testament, maintenant c'est différent". Jésus a dit explicitement qu'il n'était pas venu abolir la Loi mais l'accomplir. Il a dit clairement que pas un seul trait de lettre de la Loi ne devait disparaître. L'amour pour Dieu et l'amour du prochain que Jésus place au sommet de la Loi ne remplacent pas les commandements de l'Ancien Testament, ils les accomplissent.

Le problème, ce ne sont pas les commandements de Dieu, c'est ce que nous en faisons. Toute une partie du Sermon sur la Montagne montre comment Jésus cherche à "rectifier le tir", corriger ce que les chefs religieux ont fait des commandements de Dieu, en les développant, ou en les tordant, ou en les restreignant... pour revenir au coeur de la loi. Et Jésus montre qu'il ne s'agit pas d'avoir une obéissance servile, sans réflexion, mais une obéissance à ses principes de vie. C'est la distinction entre la lettre et l'esprit, pour utiliser le langage de l'apôtre Paul.

Ce qui a changé, c'est qu'on ne cherche plus dans l'obéissance aux commandements une voie de salut. Le salut nous est acquis par le sacrifice de Jésus-Christ qui, lui, a parfaitement accompli la Loi. Mais aujourd'hui comme hier, le croyant est appelé sans cesse à se demander ce que Dieu attend de lui, comment lui faire plaisir. A chercher l'approbation de Dieu, d'abord.


Une bonne réputation réputation, aussi

Pour autant, cela signifie-t-il que l'approbation des hommes n'a aucune importance ? Certainement pas. On l'a dit, il y a là un enjeu pour le témoignage. Notre réputation, le regard que les autres posent sur nous, peuvent nous ouvrir ou nous fermer des portes dans notre témoignage à l'Evangile.

D'ailleurs, dans le Nouveau Testament, la "bonne réputation", y compris parmi les non croyants, est même perçue parfois comme une qualité spirituelle. Ne la trouve-t-on pas dans la liste des qualités requises pour les responsables d'Eglise ? 1 Timothée 3.7 : "Il faut aussi que ceux du dehors lui rendent un beau témoignage..." (Nouvelle Bible Segond) ou comme le traduit la version Parole de Vie :  "Il faut aussi que les non-chrétiens pensent du bien de ce responsable." Et dans le portrait de la première Eglise, à Jérusalem, au lendemain de la Pentecôte, le livre des Actes des apôtres dit des chrétiens qu'il "louaient Dieu et avaient la faveur de tout le peuple" (Actes 2.42).

Demandons-nous toujours, quand on nous accuse d'être moralisateurs, réactionnaires, coincés, rabat-joie, présomptueux, etc... si ce n'est pas vrai, au moins en partie ! Ce n'est pas forcément le cas... mais, honnêtement, est-ce que ça ne peut pas l'être un peu quand même, parfois ? La Parole de Dieu est une parole de vie qui libère. Et un croyant qui vit selon les principes de Dieu devrait être un croyant qui donne envie de croire ! Et je ne suis pas sûr que ce soit toujours l'image que nous renvoyons du chrétien ou de l'Eglise...

Avoir une bonne réputation auprès des non-croyants ne doit certainement pas être notre but ultime. Sinon on peut s'exposer à de fâcheuses compromissions. Par souci de fidélité à Dieu, on peut être amené à écorner un peu notre image auprès des non-croyants. Mais si on veut être pertinents dans notre témoignage, accessibles à nos contemporains, capables d'aimer notre prochain comme nous-mêmes, alors la façon dont les autres nous voient est importante.

Arrêtons de voir les commandements de Dieu comme des prescriptions qui nous mettront toujours en porte à faux avec les non-croyants. Ça peut arriver, bien-sûr. Mais l'amour du prochain, qui est au coeur de la Loi, le respect de la vie, le souci des plus faibles, l'écoute, le service, la solidarité qui s'expriment dans de si nombreux commandements bibliques, surtout quand ils sont vécus comme Jésus les a vécus, croyez-moi, c'est reconnu et apprécié par nos contemporains ! Mais il faut que nous les vivions vraiment !


Conclusion

Faut-il donc forcément mettre en tension, voire en opposition, l'approbation de Dieu et celle des hommes ? Dans certains cas, oui, évidemment. On en a des exemples dans l'histoire biblique et dans toute l'histoire de l'Eglise, jusqu'à aujourd'hui. Si pour être approuvé des autorités d'un pays il faut renier sa foi chrétienne, alors clairement l'approbation de Dieu est plus importante que l'approbation des hommes !

Mais bien souvent, nous n'avons pas à les opposer. En particulier dans un pays comme le nôtre... Et le premier adversaire qui nous met au défi de la fidélité à Dieu n'est pas la plupart du temps l'autre qui ne partage pas ma foi, mais plutôt moi-même, dans ma difficulté à vivre pleinement les commandements de Dieu à l'image de Jésus-Christ.

Le croyant ne vit pas sa vie chrétienne seul devant son Dieu, il la vit avec des frères et soeurs en Christ, et en relation avec son prochain, quel qu'il soit. Et pour que ces relations soient fécondes, porteuses de foi, d'espérance et d'amour, il faut bien aussi se préoccuper de ce que les autres pensent de nous. D'autant que, parfois, cela permet aussi de mettre en lumière chez nous des travers qu'il nous faut bel et bien corriger.

dimanche 19 août 2018

Jonas - épisode 4

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Résumé des épisodes précédents : Au VIIIe siècle avant J-C, alors que l'Assyrie terrifie toute la région, le Seigneur envoie son prophète Jonas annoncer la destruction de Ninive, la capitale assyrienne. Contre toute attente, Jonas refuse d'obéir à Dieu et prend un bateau pour Tarsis, aux antipodes de Ninive. Il faut que le Seigneur déclenche une tempête et suscite un grand poisson qui engloutit Jonas pour faire entendre raison au prophète. Une fois recraché sur la terre ferme, Jonas se voit confier à nouveau la même mission par le Seigneur... et cette fois il obéit. Mais il n'a pas fini de parcourir Ninive en annonçant sa destruction qu'un grand mouvement de repentance gagne toute la ville, jusqu'au roi. Et, surprise, Dieu renonce alors à la destruction de Ninive !

Le livre de Jonas aurait pu s'arrêter au troisième épisode, sur un happy end... Toute une ville qui se repent grâce à la proclamation de Jonas : c'est le rêve de tout prophète ou de tout prédicateur ! Mais on n'est jamais au bout de nos surprises avec Jonas... Nous allons le voir avec ce quatrième et dernier épisode.


Lecture biblique : Jonas 4

1 Jonas n'est pas content du tout, vraiment pas du tout. Il se met en colère. 2 Il fait cette prière au SEIGNEUR : « Ah ! SEIGNEUR, je le savais bien quand j'étais encore dans mon pays. C'est pourquoi je me suis dépêché de fuir à Tarsis. Je le savais bien, tu es plein de tendresse et de pitié, patient, plein d'amour, et tu regrettes tes menaces. 3 Maintenant, SEIGNEUR, laisse-moi mourir. Oui, je préfère la mort à la vie. » 
4 Le SEIGNEUR répond à Jonas : « Est-ce que tu as raison de te mettre en colère ? » 
5 Jonas sort de la ville et il s'arrête à l'est de Ninive. Là, il se construit un abri et s'assoit dessous, à l'ombre. Il veut voir ce qui va se passer dans la ville. 6 Alors le SEIGNEUR Dieu fait pousser une plante au-dessus de Jonas. De cette façon, il aura de l'ombre et sera guéri de sa mauvaise humeur. Jonas est rempli de joie à cause de la plante. 7 Mais le jour suivant, un peu avant le lever du soleil, Dieu envoie un ver. Le ver pique la plante, et la plante sèche. 8 Puis, quand le soleil se lève, Dieu envoie de l'est un vent brûlant. Le soleil tape sur la tête de Jonas. Il va bientôt s'évanouir. Alors il souhaite la mort et dit : « Je préfère la mort à la vie. » 
9 Dieu demande à Jonas : « Est-ce que tu as raison de te mettre en colère à cause de cette plante ? » 
Jonas répond : « Oui, j'ai bien raison de me mettre en colère et de souhaiter la mort ! » 
10 Le SEIGNEUR lui dit : « Toi, tu as pitié de cette plante. Pourtant, elle ne t'a demandé aucun travail. Ce n'est pas toi qui l'as fait pousser. En une nuit elle a grandi, en une nuit elle a séché. 11 À Ninive, il y a plus de 120 000 habitants qui ne savent pas ce qui est bon pour eux. Il y a aussi beaucoup d'animaux. Alors, est-ce que je ne peux pas, moi, avoir pitié de cette grande ville de Ninive ? »


Jonas : un homme en colère

« Je le savais ! » Voilà la réaction de Jonas. « Je le savais et c'est pour ça que je ne voulais pas obéir ! »

Jonas est en colère. Il éclate. Ce qu'il tenait enfoui dans son coeur (et qui n'échappait pas à Dieu qui connaît notre coeur...), ce qu'il se retenait de dire jusqu'ici, il l'exprime enfin et on comprend enfin pourquoi il a voulu désobéir à Dieu !

Ce n'était pas parce qu'il ne comprenait pas pourquoi Dieu lui confiait cette mission. C'était au contraire parce qu'il le comprenait trop bien ! Jonas sait qui est le Seigneur. Sa confession de foi est parfaite : « tu es plein de tendresse et de pitié, patient, plein d'amour, et tu regrettes tes menaces. » Et c'est justement ce que Jonas n'accepte pas : que Dieu puisse pardonner aux habitants de Ninive. Il ne supporte pas que Dieu soit bon et compatissant. Ou du moins que cette compassion s'exerce en faveur des habitants de Ninive ! Jonas voulait en quelque sorte décider qui a droit à la compassion de Dieu ou non. Et pour lui, Ninive n'y avait pas droit.

Ca ne vous est jamais arrivé d'avoir envie de « donner des conseils » à Dieu ? De vous dire que là, quand même, il devrait faire quelque chose, il devrait intervenir, il devrait répondre... Peut-être que vous ne l'avez pas fait avec la même véhémence que Jonas, peut-être vous êtes-vous contenté d'y penser, de façon implicite... Mais quand même...

L'histoire de Jonas nous enseigne que lorsque nous ne comprenons pas le Seigneur (et bien-sûr que ça arrive!), même lorsque ce qu'il fait (ou ne fait pas) nous paraît injuste, le problème ne vient pas de Lui mais de nous...


Une bonne leçon pour Jonas

Plutôt que de s'expliquer avec Jonas, d'argumenter pour se justifier, le Seigneur va lui donner une leçon. C'est le maître de la Création qui se manifeste une fois de plus : après la tempête et le grand poisson, il utilise une plante (un ricin), un ver et un vent d'est étouffant.

Il s'agit pour le Seigneur de confondre Jonas et de lui montrer l'absurdité de sa réaction. Il va donc faire en sorte que le prophète se mette en colère... à cause d'une plante ! Et la situation est cocasse : Jonas se met est en colère parce que Dieu détruit une plante alors qu'avant il était en colère parce que Dieu n'a pas détruit une ville entière ! En d'autres termes, il est capable de pitié (et encore, avec des motifs tout à fait égoïstes) pour une plante et il n'accepte pas que Dieu puisse avoir pitié de 120 000 hommes et femmes qui se repentent !!! Si Jonas trouve une raison (même égoïste) d'épargner une plante, ne peut-il pas trouver une raison d'épargner 120 000 êtres humains perdus ?

D'autant que, comme le dit le Seigneur, Jonas s'émeut pour une plante qu'il n'a pas fait pousser. Dieu, lui, a non seulement fait pousser le ricin mais il a aussi créé les habitants de Ninive... En réalité, si Dieu est bon avec les humains, toujours prêts à nous pardonner, c'est qu'il nous a créé et qu'il nous aime. Tout simplement...

Ce n'est pas à nous de dire à Dieu ce qu'il convient de faire ou non. C'est lui qui fait pousser, c'est lui qui crée, c'est lui qui est à l'origine de toutes choses et qui seul peut dire ce qui doit être détruit ou non. L'ironie de cette histoire, c'est que les hommes reprochent souvent à Dieu les malheurs et les catastrophes alors que Jonas reproche à Dieu sa bonté... Mais qui sommes-nous pour contester avec Dieu ?

En réalité, Jonas voulait un Dieu bon pour lui (n'oublions pas qu'il lui a donné une seconde chance et qu'il l'a secouru dans le ventre du poisson) mais implacable pour les autres... Sommes-nous prêts à vouloir pour les autres, ce que nous espérons pour nous ? Ou, comme le dit Jésus dans le sermon sur la Montagne, à faire aux autres ce que nous aimerions qu'ils nous fassent ? » (cf. Matthieu 7.12)


Conclusion

Nous voilà donc arrivés au terme du feuilleton de Jonas... Avec une fin qui peut paraître un peu abrupte. On aurait pu s'attendre à un cinquième chapitre qui décrirait la réaction du prophète à leçon que le Seigneur lui a donnée. On aurait peut-être voulu savoir si Jonas s'est obstiné dans sa rébellion ou s'il a finalement capitulé devant la bonté de Dieu. Ou connaître l'évolution du comportement des habitants de Ninive, d'autant que quelques décennies plus tard, Ninive sera bel et bien détruite... Mais non, rien de tout cela.

L'auteur du livre de Jonas préfère une fin ouverte qui, au-delà de susciter notre imagination nous invite à l'interrogation, à l'appropriation. Plus que la réaction de Jonas et la suite de l'histoire des habitants de Ninive, c'est notre attitude qui compte, notre réponse aux questions et aux interpellations de l'histoire de Jonas.

Acceptons-nous que la bonté de Dieu soit la même pour tous, que nous n'avons aucun privilège à faire valoir ? Ou sommes-nous comme Jonas, jaloux de la miséricorde divine, espérant un Dieu bon pour nous et implacable pour les autres (en particulier ceux que nous avons du mal à aimer...) ?

Qu'avons-nous fait, aujourd'hui, de nos repentances passées ? Ont-elles changé notre vie, durablement ? Avons-nous un nouveau chemin de repentance à emprunter aujourd'hui ? Comment percevons-nous la souveraineté de Dieu dans notre vie ? Avec inquiétude voire dans la crainte ou dans la paix et la confiance ?

Voilà autant de question, et peut-être d'autres encore, que la fin ouverte du livre de Jonas nous laisse... A chacun de nous d'y répondre, devant Dieu !



dimanche 12 août 2018

Jonas – épisode 3

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Résumé des épisodes précédents : Au VIIIe siècle avant J-C, alors que la redoutable Assyrie terrifie toute la région, le Seigneur envoie son prophète Jonas annoncer la destruction de Ninive, la capitale assyrienne. Contre toute attente, Jonas refuse d'obéir à Dieu et prend un bateau pour Tarsis, à l'exact opposé de Ninive. Mais le Seigneur déclenche une tempête qui ne pourra être apaisée qu'en jetant le prophète à la mer. Dieu envoie alors un grand poisson dans le ventre duquel Jonas passe 3 jours et 3 nuits. Un temps qu'il met à profit un retour à Dieu, dans la prière. Alors, Dieu donne l'ordre au poisson de recracher Jonas sur la terre ferme...

Lecture biblique : Jonas 3

1 Une deuxième fois, le SEIGNEUR dit à Jonas : 2 « Debout ! Va à Ninive, la grande ville. Annonce-lui le message que je te donne. » 3 Alors Jonas se lève. Il part, mais cette fois, il va à Ninive, comme le SEIGNEUR l'a demandé.  Ninive est une ville extraordinairement grande. Il faut trois jours pour la traverser. 4 Jonas entre dans la ville, il marche pendant un jour entier. Il annonce aux gens : « Dans quarante jours, Ninive sera détruite ! » 5 Aussitôt, les gens de Ninive croient à la parole de Dieu. Ils décident de ne rien manger. Tous mettent des habits de deuil, les riches comme les pauvres. 6 Le roi de Ninive apprend la nouvelle. Il se lève de son siège. Il enlève son habit royal, il met un habit de deuil, et s'assoit sur de la cendre. 7 Puis le roi et ses ministres donnent cet ordre : « Criez dans la ville ces paroles : “Il est interdit aux habitants et aux bêtes, bœufs, moutons et chèvres, de manger et de boire ! 8 Tout le monde doit mettre des habits de deuil, les gens et les bêtes ! Chacun doit crier vers Dieu de toutes ses forces. Chacun doit abandonner sa mauvaise conduite et arrêter les actions violentes qu'il fait ! 9 Qui sait ? Dieu changera peut-être d'avis. Il abandonnera sa colère contre nous, et nous ne mourrons pas.”  »
10 Dieu voit leurs efforts pour abandonner leur mauvaise conduite. Il change d'avis. Il regrette le mal qu'il voulait leur faire, et il ne le fait pas.

Les rebondissements continuent dans notre mini-série de l'été ! Et ce troisième épisode des aventures de Jonas est celui des repentances.
Celle des habitants de Ninive, bien sûr. Radicale et spectaculaire.
Mais aussi celle de Jonas. Ou du moins, c'est un test pour voir si sa repentance dans le ventre du poisson a vraiment porté ses fruits.
Et enfin la plus étonnante des repentances, celle de Dieu !


Jonas : un repenti

Au début de ce troisième épisode, on reprend le déroulement de l'histoire, presque comme si rien ne s'était passé sur la mer. La tempête, le gros poisson... on n'en parle plus ! Le Seigneur redonne à Jonas le même ordre de mission, mot pour mot. Notez juste la mention supplémentaire que Dieu s'adresse « une deuxième fois » à Jonas... C'est bien une seconde chance que le Seigneur lui donne.

Voilà incontestablement un signe de la grâce et de la patience de Dieu. Sa grâce permet au prophète de repartir à zéro. C'est toujours la promesse que Dieu lie à la repentance. Le vrai pardon restaure la relation et exclut la rancune. Il n'y a pas de « je pardonne mais... » dans le pardon de Dieu... comme trop souvent dans les nôtres ! Et parce que Dieu est patient, il continue avec Jonas, malgré la mauvaise volonté manifestée jusqu'alors de sa part. Dieu ne se lasse pas de nous appeler à le suivre et le servir, malgré nos défaillances et nos infidélités... Il ne se lasse pas de pardonner, preuve de son amour pour nous.

Bref, pour la seconde fois, Dieu appelle Jonas à se lever et à aller à Ninive. Et cette fois le prophète obéit... Ceci dit, avait-il vraiment le choix ? A moins de vouloir faire un nouveau séjour dans le ventre d'un poisson ou Dieu sait où encore !

Jonas finit donc par aller à Ninive et y délivrer le message de la part de Dieu. On n'a pas vraiment l'impression qu'il y mette tout son coeur... Il fait le minimum syndical : « Dans 40 jours Ninive sera détruite... » C'est tout ! Mais après tout, ça semble bien être le message que Dieu lui a demandé de proclamer. Mais il ne fait rien de plus...


Ninive : une repentance soudaine 

Le moins qu'on puisse dire, c'est que l'effet de la prédication de Jonas est radical ! Rapidement, un élan de repentance monte jusqu'au roi de Ninive qui proclame un édit invitant tout le peuple à la repentance : que tout le monde, y compris les animaux, portent le deuil, que tous crient à Dieu et changent de comportement !

Pourtant la parole proclamée par Jonas ne semblait pas laisser d'espoir : Ninive sera détruite. Point. Pas de condition, pas d'appel à la repentance... Rien. Et on peut compter sur Jonas pour ne pas l'avoir suggéré ! Ce n'est certainement pas sa persuasion ou son éloquence qui a poussé les habitants de Ninive à la repentance... Mais ne sous-estimons pas la puissance de la parole de Dieu. Au temps de Jonas comme aujourd'hui. Car la parole de Dieu a touché les coeurs et les habitants de Ninive se disent : « Qui sait ? Dieu changera peut-être d'avis... »

Il y a quelque chose de presque excessif dans la repentance de Ninive, entraînant jusqu'aux animaux dans le mouvement. D'ailleurs, leur attitude ne correspond pas à celle des païens, qui auraient apporté des offrandes, des sacrifices, pour calmer la colère des dieux (comme l'ont fait les marins au milieu de la tempête, dans le premier épisode). Non, ils font ce que le Seigneur demande sans cesse à son peuple : non pas des sacrifices mais la repentance.

Et c'est là qu'on comprend le ton polémique de cet épisode... Ce que Ninive a compris ici, les Israélites sont incapables de le comprendre. N'oublions pas que le livre est écrit non pas pour des païens mais pour le peuple d'Israël. Au temps de l'Exil, c'est une repentance comme celle des habitants de Ninive que Dieu aurait attendue de la part son peuple. C'est pour cela qu'il a envoyé des prophètes... mais le peuple ne les a pas écouté !

Le message que Dieu adresse à son peuple est clair : « Ninive s'est repentie et n'a pas été détruite. Si vous vous étiez repentis, vous n'auriez pas été exilés... » D'ailleurs, il n'y a pas que dans le livre de Jonas où les non-croyants donnent l'exemple à la place des croyants... C'est, malheureusement, encore bien le cas aujourd'hui ! En cela le livre de Jonas garde une criante actualité et nous interpelle : quelle est l'authenticité de nos conversions ? Nos repentances changent-elles vraiment nos comportements ?


Le Seigneur : une repentance surprise

A la repentance de Ninive, Dieu répond aussi par une « repentance ». Il change d'avis, il regrette le mal qu'il voulait faire aux habitants de Ninive. Finalement, contrairement à ce que Jonas a annoncé de la part de Dieu, au bout des 40 jours, Ninive ne sera pas détruite ! C'est la repentance surprise !

Voilà qui souligne encore plus le scandale du refus de repentance des croyants. Dieu lui-même est capable de repentance. Ça n'a pas exactement le même sens que pour les hommes, bien-sûr. C'est une façon humaine de parler. Dieu change d'avis, non pas qu'il se soit trompé mais parce qu'il change d'attitude envers ceux qui se repentent.

La « repentance » de Dieu nous apprend que le but d’une prophétie de jugement, c’est d’abord de conduire à la repentance ! Le prophète Jérémie le dit clairement :

« Tantôt je parle, à propos d'une nation ou d'un royaume, de déraciner, de démolir et de faire disparaître ; mais si cette nation contre laquelle j'ai parlé revient du mal qu'elle a fait, je renonce au mal que je pensais lui faire.
Et tantôt je parle, à propos d'une nation ou d'un royaume, de bâtir et de planter ;
mais si cette nation fait ce qui me déplaît, sans m'écouter, je renonce au bien que j'avais parlé de lui faire. » (Jérémie 18.7-10)

En réalité, ce que Dieu cherche toujours, c'est de restaurer la relation perdue avec les hommes. C'est pour cela qu'il a créé les humains à son image... Et la restauration de cette relation passe par la repentance, par un changement radical de pensée et de manière d'agir.

L'histoire de Jonas soulignait jusqu'ici la souveraineté de Dieu. Dieu fait ce qu'il veut. Mais cette souveraineté ne signifie pas distance ou insensibilité. Le Dieu souverain n'est pas inflexible. Parce que ce n'est pas un Dieu distant et détaché mais un Dieu qui s'investit dans la relation. Il ne met pas à exécution ses menaces si la relation est rétablie. Il n'accomplit pas ses promesses si la relation est brisée. C'est là que se trouve l'enjeu de la repentance et du pardon : dans la relation restaurée.


Conclusion

La leçon principale de ce troisième épisode de l'histoire de Jonas concerne la repentance. Se repentir, ce n'est pas seulement regretter... C'est accepter de changer, comme les habitants de Ninive implorant le pardon à Dieu, comme Dieu lui-même qui ne met pas ses menaces à exécution. Mais pas comme Jonas, le prophète rebelle et inflexible !

Changer d'avis, changer de projet, changer de comportement, changer de pensée... voilà ce qui est nécessaire si on veut restaurer une relation brisée. Et c'est vrai autant dans notre relation à Dieu que dans nos relations les uns avec les autres.

Sommes-nous prêts à changer ? Et à accepter que les autres peuvent changer ? Le pardon et la réconciliation sont à ce prix !